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L'esprit de corps du Quai d'Orsay dénoncé lors d'un procès pour diffamation

"Diplomates du sérail" contre "corps étranger" indésirable: les pratiques du ministère français des Affaires étrangères ont été dénoncées jeudi lors d'un procès en diffamation visant un ancien ambassadeur de France à Andorre.

"Il n'y a pas un jour où je n'ai pas souffert, où on ne m'a pas fait sentir le poids de mes origines. C'était une violence permanente, qui passait par les silences, une humiliation que je n'avais jamais ressentie ailleurs", a déclaré à la barre Zaïr Kedadouche, ex-ambassadeur de France à Andorre.

Né à Tourcoing (Nord) dans une famille d'origine algérienne, ancien footballeur et ex-élu de la commune d'Aubervilliers, Zaïr Kedadouche avait démissionné de son poste d'ambassadeur en mars 2014, se disant victime d'un "racisme abject", des accusations que le ministère avait vivement démenties.

Il a comparu jeudi devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris pour répondre de propos visant l'Inspecteur général du ministère des Affaires étrangères Xavier Driencourt.

Jugeant son numéro 2 à l'ambassade d'Andorre ouvertement hostile et "refusant de collaborer", M. Kedadouche avait demandé une inspection en octobre 2012. Il avait, peu après sa démission, affirmé au micro de RMC que l'Inspecteur général lui avait dit, avant même que ne débute l'inspection, qu'il n'y aurait "aucune sanction" contre son premier conseiller, qui avait "quarante ans d'ancienneté" et était à quelques mois de la retraite. A l'audience, M. Driencourt a nié avoir tenu ces propos.

Plusieurs diplomates ont témoigné des usages au Quai d'Orsay: une "maison très fermée" où il y a "trop de candidats et pas assez de postes" et où "les personnalité extérieures ne sont pas bien vues", a dit un ancien ambassadeur.

"Le Quai d'Orsay protège les siens: entre un diplomate de carrière qui a 40 ans de maison, et une pièce rapportée, on choisit toujours la maison", a témoigné Yves Marek, diplomate marqué politiquement à droite qui a fait condamner le Quai d'Orsay pour discrimination, pour lui avoir refusé des postes pendant plusieurs années.

"Ce que j'ai perçu chez Zaïr Kedadouche, c'est la révolte d'un idéaliste, de quelqu'un qui s'est battu pour des valeurs que la République devrait porter", a-t-il ajouté.

A l'audience, M. Kedadouche a relaté son sentiment d'injustice: un changement d'affectation de dernière minute, l'attente, quand tous ses collègues l'ont obtenu, d'un décret de nomination, une "forme d'omerta".

Son frère Abdelhak, éducateur, est venu dire sa détresse: "Il m'a dit: si je ne vais pas jusqu'au bout d'un combat comme celui-là, tout ce qu'on a fait contre les inégalités depuis trente ans n'aura servi à rien."

Le jugement a été mis en délibéré.

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