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L'esprit du jazz à La Nouvelle-Orléans malmené par les flots de Katrina

Les rues de La Nouvelle-Orléans ont recommencé à résonner au son des fanfares et des musiciens de rue dix ans après le dévastateur ouragan Katrina, mais le berceau du jazz a perdu de sa superbe.

Le choix est large mais les autochtones craignent que l'esprit créatif et d'improvisation de la ville de Louisiane (sud des Etats-Unis) n'ait été emporté en 2005 par les flots qui l'ont inondée à 80%, sous parfois 6 mètres d'eau.

"Une longue lignée de vieux musiciens transmettaient une culture aux jeunes musiciens", explique à l'AFP le guitariste Jonathan Frelich. "Ca a été détruit, et la façon dont la ville a décidé d'investir dans la culture n'a pas grand chose à voir avec ce qui existait avant."

Selon lui, la disparition des clubs de quartier et la concentration des efforts sur le tourisme déterminent les opportunités désormais offertes aux musiciens et les types de musique qu'ils jouent.

Plus de 1.800 personnes ont perdu la vie -la grande majorité à La Nouvelle-Orléans- et plus d'un million ont été déplacées lorsque l'ouragan de catégorie 5 a frappé les Etats-Unis le 29 août 2005.

Il a fallu plusieurs mois pour que la ville redevienne viable. Plus de 100.000 personnes n'ont toujours pas regagné leur foyer.

Après le désastre, les dirigeants de la ville ont axé tous leurs efforts autour du tourisme pour assurer la relance.

Et ça a fonctionné. L'économie est florissante, la ville a accueilli neuf millions de visiteurs l'an dernier, et de nombreux nouveaux festivals et salles de spectacles offrent du travail aux musiciens locaux.

Mais ces derniers sont confrontés au déficit de logements bon marché, qui n'ont toujours pas été reconstruits. Les prix sont 30 à 45% supérieurs à ceux d'avant Katrina.

- Pas appréciés à leur juste valeur -

De nombreux artistes en sont toujours réduits à travailler pour des pourboires dans la rue ou dans des bars pour touristes. Ceux qui parviennent à décrocher un boulot régulier estiment qu'ils ne sont pas appréciés à leur juste valeur.

"Certaines nouvelles salles ne s'inquiètent pas de la qualité de la musique parce qu'il y a tellement de gens dans les rues que leur fréquentation sera élevée de toute façon", estime Meschiya Lake, une populaire chanteuse de jazz qui se produit régulièrement dans la vibrante Frenchmen Street.

Cette rue, autrefois alternative très tendance à la célèbre Bourbon Street, est devenue une destination beaucoup plus touristique. Connue pour sa musique variée et expérimentale, elle résonne désormais davantage au son des reprises et d'un jazz traditionnel.

Les musiciens disposent quand même de quelques endroits pour se lâcher.

De nombreux petits bars ayant permis à La Nouvelle-Orléans de devenir une pépinière pour le rythm and blues, le rock et le funk ont rouvert. Et les fanfares dans les quartiers se sont reformées.

"La musique de La Nouvelle-Orléans fait toujours vendre", estime Matt Sakakeeny, un musicologue de la Tulane University spécialisé dans les fanfares de La Nouvelle-Orléans.

"Le système récompense encore les musiciens qui innovent (...). Je ne vois pas de signes montrant qu'ils sont en danger", a-t-il ajouté.

Mais pour les musiciens, le tourisme a eu pour effet d'homogénéiser leur musique tandis que l'évolution démographique menace leur penchant pour l'improvisation.

La population noire a diminué d'environ 115.000 personnes, passant de 68% de la population en 2000 à 60% en 2013, selon le dernier recensement. Et de nombreux habitants blancs ont jugé trop élevé le coût de la reconstruction.

Les résidents installés après Katrina sont moins enclins à se mêler aux parades de rue, et davantage susceptibles d'appeler les autorités en cas de nuisance sonore.

Des habitants historiques, habitués aux sons des trompettes tard dans la nuit, ont été surpris par une proposition de loi visant à limiter le volume de la musique.

"Ca fait partie de son éclat, cette magie fortuite", a confié Meschiya Lake. "C'est comme d'aller en France et de dire (aux habitants) d'arrêter de parler français."

Le joueur de tuba Bennie Pete se languit de La Nouvelle-Orléans pré-ouragan et veut s'assurer que la culture et le son uniques de la ville soient protégés. "Notre rôle en tant que musiciens et porte-drapeaux de cette culture est d'éduquer les jeunes afin qu'ils reprennent le flambeau."

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