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Le père de Poutine a extirpé sa femme du tas de cadavre à Léningrad: "Elle était encore vivante"

Les récits d'une mère revenue d'entre les morts et d'un père soldat pour héritage familial, l'ombre de Staline et le poids de la victoire de 1945 pour héritage politique: Vladimir Poutine entretient un rapport personnel et parfois ambigu avec la Seconde Guerre mondiale.

Depuis son irruption sur le devant de la scène politique en 1999, le président russe s'est exprimé à plusieurs reprises, dans sa biographie officielle et lors d'interviews avec la presse russe et occidentale, sur la "Grande Guerre Patriotique". Et a tout évoqué: l'histoire familiale, semblable à celle de dizaines de millions de Russes, le rôle controversé de Staline mais aussi la stratégie de l'URSS au lendemain de la guerre.


Une histoire de famille

Né en 1952, le président russe n'a pas connu la guerre. Il en sait ce que ses parents racontaient quand "des amis et des proches venaient dîner à la maison" et ce que lui ont appris les archives d'Etat. Son grand-père, Spiridon Poutine, était cuisinier dans la datcha d'un apparatchik. Sa mère a survécu aux terribles 900 jours du siège de Leningrad. Son frère, Viktor, est mort de la diphtérie dans la ville assiégée.

Vladimir Poutine a raconté les récits de combat de son père, également prénommé Vladimir, mobilisé dans une unité de sabotage du NKVD, l'ancêtre du KGB. Comme ce jour où Poutine père et 27 autres soldats soviétiques envoyés près de Kinguissepp, tout près de l'Estonie, sont "trahis par les habitants" et tombent dans un piège tendu par les Allemands. "Sur les 28 soldats, quatre sont revenus de la ligne de front. Et 24 sont morts", a raconté le président russe.

Déployé dans une place forte pilonnée par les Allemands, près de Leningrad, Poutine père est blessé par une grenade et hospitalisé dans l'ancienne capitale impériale. Son épouse, Maria Chelomova, tente d'y survivre. Un jour, affamée, elle tombe d'inanition. Les équipes chargées de ramasser les morts dans la ville ont déjà chargé son corps quand son mari, sorti de l'hôpital, arrive. "Elle était encore vivante et il a dû l'extirper du tas de cadavres", raconte le président.


Staline n'a pas pris que de mauvaises décisions

En août 1939, Berlin et Moscou signent un traité de non-agression, dont des protocoles secrets organisent le partage de la Pologne entre l'URSS et l'Allemagne, et l'annexion des pays baltes par les troupes soviétiques. Ces protocoles ne furent révélés qu'en 1989 à la faveur de la perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev et aujourd'hui encore, ils expliquent en partie la méfiance des Polonais, et des Baltes indépendants depuis 1991, à l'égard de Moscou.

Pour Vladimir Poutine, Staline n'avait pas d'autre choix que de signer ce pacte après les accords de Munich de 1938 entre l'Allemagne, la France, le Royaume uni et l'Italie. "Les dirigeants soviétiques ont eu le sentiment qu'à Munich, il ne s'agissait pas seulement de sceller le partage de la Tchécoslovaquie mais également d'isoler l'URSS et de pousser Hitler à une agression vers l'Est", vers l'Union soviétique, a déclaré le président russe, estimant que Staline a dû signer le pacte pour défendre "la sécurité et les intérêts" du pays. "On dit: ah que c'est mal. Qu'est-ce qu'il y a de mal au fait que l'URSS ne voulait pas se battre?", demande le président russe, tout en précisant que le pays devait de toute façon "moderniser son armée" pour affronter les troupes allemandes qui finiront en juin 1941 par envahir l'URSS.


Mais oui, imposer le modèle communiste de force aux pays de l'Est en était une

Le jugement de Vladimir Poutine à l'égard de Staline est un raisonnement en deux temps: Staline est un "dictateur" et un "tyran" mais "c'est sous sa direction que le pays a gagné la Seconde Guerre mondiale". Les erreurs militaires de Staline ? Le coût humain très élevé payé par les civils et les soldats soviétiques ? "On peut blâmer autant qu'on veut les chefs militaires et Staline, mais qui peut affirmer qu'il aurait été possible de gagner la guerre autrement ?" Les immenses pertes humaines de l'URSS s'expliquent notamment par le fait que l'Allemagne concentrait ses efforts sur le front de l'Est, où les divisions nazies étaient bien plus nombreuses que sur le front de l'Ouest. "Combien de morts pendant la guerre en Grande Bretagne ? Combien ? 350.000 ? Et aux Etats-Unis, environ un demi-million ? Oui, c'est beaucoup, c'est épouvantable, mais ce ne sont pas les 25 millions de personnes que l'URSS a perdu".

En revanche, sur les débuts de la Guerre froide et sur la naissance du bloc socialiste en Europe centrale, son jugement est sans appel : c'était une erreur de Staline. "Après la Seconde Guerre mondiale, nous avons essayé d'imposer notre propre modèle aux pays d'Europe de l'est, et nous l'avons fait par la force", a déclaré le président russe. "Ce n'était pas une bonne chose. Il faut le reconnaître".

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