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La lutte contre l'antisémitisme, un travail collectif des profs

Comment lutter à l'école contre l'antisémitisme? L'université d'été sur l'enseignement de la Shoah, à Toulouse, a souligné le besoin d'un travail d'équipe des enseignants, d'éviter de se répéter et de permettre aux élèves de poser toutes les questions.

Une soixantaine de professeurs d'histoire-géographie de lycées des académies de Toulouse, Montpellier et Bordeaux participent jusqu'à mercredi à une formation "lutter contre le racisme et l'antisémitisme en milieu scolaire" et "enseigner l'histoire de la Shoah".

Ce rendez-vous est pour la première fois décentralisé en région, à Toulouse, seule ville de province où le Mémorial de la Shoah, situé à Paris, dispose d'une antenne (depuis 2008).

"C'est faux et facile si on réduit la lutte contre le racisme aux seuls professeurs d'histoire-géo, c'est le rôle de toute l'équipe enseignante", a affirmé l'inspecteur général de l’Éducation nationale, Tristan Lecoq. Et de souligner que ce combat contre les préjugés devrait aussi être celui de "toute la société" et de "tous les adultes".

A Toulouse, ville marquée par les tueries perpétrées en mars 2012 par Mohamed Merah (7 morts), un gros travail de formation sur la Shoah a été entrepris.

"Mais c'était insuffisant. Depuis cette année, il y a une approche nouvelle avec des ateliers pédagogiques", précise Jacques Caillaut, inspecteur d'académie de Haute-Garonne, tandis que la préfecture associe désormais les jeunes à toutes les commémorations. Qui pour chanter la Marseillaise, qui pour lire des poèmes, qui pour des pièces de théâtre. "Ça leur fait comprendre comment on peut résister à tout", souligne le préfet Pascal Mailhos.

Le Mémorial de la Shoah de Toulouse a lui aussi évolué. "Longtemps, nous n'avons enseigné que l'Histoire, en nous gardant bien de rentrer dans le présent. Aujourd'hui, nous avons un rôle complémentaire, de médiateur", explique son directeur Jacques Fredj.

- Radicalisation à Toulouse -

"Entre terrorisme et racisme ordinaire, le plus communément partagé, ce sont les préjugés. Nous voulons permettre aux élèves de poser toutes les questions", ajoute-t-il, souhaitant aussi "armer les professeurs".

"Comprendre l'antisémitisme, c'est parler des juifs de France, de la crise du Proche-Orient, c'est lui donner un cadre historique", détaille M. Fredj, travaillant aussi à la demande du parquet de Paris sur la mise en place de séminaires pour les jeunes condamnés.

Le chemin du vivre ensemble est loin d'être gagné. Récemment à Montpellier, des élèves musulmans ont refusé une excursion à Oradour-sur-Glane puis le témoignage d'un déporté, selon une professeure.

A Vauvert (Gard), ville en Zone sécurité prioritaire (ZSP), à la forte population immigrée et circonscription du député apparenté FN Gilbert Collard, il faut chaque jour remettre le métier sur l'ouvrage.

"Les enseignants du collège unique me disent: +Quand on quitte les élèves le vendredi, ce sont des parfaits citoyens. Mais le lundi, quand on les retrouve, il faut tout recommencer+", raconte Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme.

"Ce qui m'inquiète le plus, ce ne sont pas les oppositions franches mais les oppositions à bas bruit", assure M. Caillaut, prenant l'exemple d'un établissement privé toulousain "hors contrat", dont il ne cite pas le nom et qui fait l'objet d'un "signalement pour radicalisation". "Il s'y passe des choses graves. Le procureur a été saisi", a-t-il précisé à l'AFP.

Malgré tout, Tristan Lecoq croit aux vertus de l'enseignement pour faire reculer les préjugés. Mais sous conditions. Il faut d'abord dispenser l'enseignement au bon moment : "En fin de période élémentaire", "en classe de troisième" ou "en cycle terminale". Et il faut éviter de donner "l'impression de répéter" tout en pratiquant un "tri sélectif du savoir".

Mais de prévenir: "J'entends beaucoup parler de mémoire. Or, on n'enseigne pas la mémoire. La mémoire est objet de l'Histoire. L’Histoire, c'est une quête de la vérité (...) La mémoire, ça peut aussi être l'oubli. Or, n'oublions jamais!"

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