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Le régime de Bachar al-Assad coupable de "crimes contre l'Humanité" selon Amnesty: 65 récits glaçants détaillent les tortures subies

65 récits d'ex-détenus qui ont croupi dans les prisons des services de renseignement du régime et dans la prison militaire de Saydnaya près de Damas, et ont été recueillis par Amnesty International. En croisant ces récits avec les données de Human Rights Data Analysis Group (HRDAG), l'ONG de de défense des droits de l'Homme en arrive à la conclusion que la Syrie de Bachar al-Assad s'adonne à la torture à "grande échelle" dans ses prisons, commettant par ces actes des "crimes contre l'Humanité". L'ONG appelle la Russie (alliée du régime) et les Etats-Unis à ne pas fermer les yeux...

Électrocutions, brûlures à l'eau bouillante, viols: le régime syrien a eu recours sur une "grande échelle" à la torture dans ses prisons où plus de 17.700 détenus ont péri en 5 ans de guerre, a dénoncé ce jeudi Amnesty International, qui dénonce "une cruauté sous sa forme la plus vile". Les actes de torture y sont "généralisés et systématiques contre tous les civils soupçonnés d'être contre le régime", explique dans son rapport l'ONG basée à Londres en dénonçant des "crimes contre l'Humanité". Au moins 17.723 prisonniers sont morts en détention depuis le début de la guerre en mars 2011, soit, en moyenne, plus de 300 décès par mois, d'après l'ONG. Mais selon elle, les chiffres réels sont bien plus élevés en citant des dizaines de milliers de disparitions forcées.


Des "fêtes de bienvenue" particulièrement atroces pour les femmes

De nombreux prisonniers ont été libérés soit après des différentes amnisties décrétées par le régime ces dernières années, soit après des échanges de prisonniers ou après des procès et se trouvent dans des lieux non précisés. Les 65 anciens détenus ont raconté de sinistres rituels à Amnesty, notamment "la fête de bienvenue", durant laquelle les nouveaux détenus sont "roués de coups" au moyen de barres de fer, de plastique ou de câbles électriques. Elles étaient suivies de "contrôles de sécurité", durant lesquels les femmes notamment ont indiqué avoir été violées et victimes d’autres violences sexuelles aux mains de gardiens de sexe masculin.


Viols forcés entre détenus, humiliations sexuelles devant leur famille, ...

Les viols ne concernaient pas que les femmes. Omar S. a raconté qu'un gardien avait contraint deux hommes à se déshabiller et avait ordonné à l'un de violer l'autre, le menaçant de mort s'il n'obtempérait pas. Saïd, un militant antirégime, a affirmé avoir été violé, devant son père, à l'aide "d'une matraque électrique" en étant suspendu d'un seul bras et en ayant les yeux bandés.


Tous ont vu des morts et parlent de "fleuves de sang"

La plupart des victimes d'exactions "ont raconté avoir vu des personnes mourir en détention, et certaines ont affirmé s'être retrouvées avec des cadavres dans leur cellule", selon l'ONG de défense des droits de l'Homme. "Ils nous traitaient comme des animaux. J'ai vu le sang couler, on aurait dit un fleuve", affirme Samer, un avocat en parlant de ses anciens gardiens durant sa détention. "Quand nous étions battus devant les cellules, j’ai vu beaucoup de sang par terre, il y avait une odeur horrible", a confirmé un de ces anciens détenus dans le RTLINFO 13H. "Saydnaya est une prisons silencieuse, avec un silence très lourd. Les détenus ne peuvent pas élever la voix. S’ils le font, ils sont punis ou battus", a ajouté un autre. Salam, un avocat d'Alep détenu deux ans à Saydnaya, a déclaré que "des gardiens avaient battu à mort un entraîneur de kungfu et cinq autres détenus. Puis ils ont passé à tabac 14 autres, tous morts en une semaine. On voyait le sang couler de leur cellule."


Morts de chaleur ou de faim

Un ex-détenu "raconte qu'un jour la ventilation avait cessé de fonctionner et que sept personnes étaient mortes étouffées" dans des centres de détention surpeuplés, selon Amnesty. A Saydnaya, où il fait très froid l'hiver, les détenus sont maintenus pendant des semaines dans des cellules souterraines sans couverture, selon le rapport. D'ex-prisonniers ont confié avoir mangé des noyaux d'olive et des écorces d'orange pour ne pas mourir de faim. 


Câbles électriques, brûlures, arrachage d'ongles, ...

Pour obtenir des aveux, les gardiens utilisent également d'autres techniques. Parmi elles, la méthode dite du "pneu" (dullab). La victime est suspendue à un pneu et frappée à coups de bâton ou de câble. Il y a aussi la torture de la falaqa (coups assénés sur la plante des pieds) qui était régulièrement pratiquée. "Citons également les décharges électriques, l’arrachage d’ongles des pieds ou des mains et les brûlures avec de l’eau bouillante ou des cigarettes", détaille Amnesty.


"Une cruauté sous sa forme la plus vile"

Amnesty dénonce aussi la surpopulation dans ces prisons aux conditions de vie inhumaines. L'ONG, qui dénonce des "procès iniques", fait aussi état de "nourriture insuffisante, de soins médicaux limités et d'absence d'installations sanitaires adaptées" dans les prisons, "un traitement inhumain et cruel". "Le caractère systématique et délibéré de la torture et des autres mauvais traitements à la prison de Saydnaya témoigne d'une cruauté sous sa forme la plus vile et d'un manque flagrant d'humanité", dénonce Philip Luther, directeur pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnesty.


Certains en prison parce qu'ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment

D'autant que beaucoup de ces détenus ont été emprisonnés sans raison. "On va retrouver en prison des gens qui sont des opposants, des gens qui ont été dénoncés par leurs voisins ou des gens de leur quartier comme opposants, ou des gens qui ont eu le malheur de dire des mots de travers et qui sont embarqués avec d’autres par exemple dans une réunion publique et qui se retrouvent à ce moment-là considérés comme des personnes qui doivent avouer être des opposants et vouloir renverser le régime", expliquait Philippe Hensmans, le directeur d’Amnesty International Belgique, au micro d’Amélie Schildt et Nathan Gerlache dans le RTLINFO 13H.


Des prisons reconstituées en 3D

À l’occasion du lancement de ce rapport, Amnesty International a noué un partenariat avec une équipe de spécialistes de Forensic Architecture afin de créer une reconstruction 3D virtuelle de Saydnaya. "Les techniques de modélisation 3D et les souvenirs de ceux qui ont survécu aux très graves violences qui y sont infligées nous permettent pour la première fois d’entrevoir ce qui se passe réellement dans l’un des centres de torture les plus tristement célèbres de Syrie", a déclaré Philip Luther.


Que fait la communauté internationale?

"La communauté internationale, en particulier la Russie et les États-Unis qui co-président les négociations pour la paix en Syrie, doit placer ces violations des droits humains en tête des priorités dans ses discussions avec les autorités comme avec les groupes armés et les engager tous à cesser d’utiliser la torture et les autres mauvais traitements", démande enfin Amnesty.

La guerre en Syrie, déclenchée en mars 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, a fait plus de 290.000 morts.

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