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Le Samu Social confronté à la difficile mission d'aide aux sans-abri

"Vous ne voulez pas d'un repas? " "Vous ne préférez pas dormir au chaud"? Devant la gare de Grenay (Pas-de-Calais), balayée par le froid, une équipe du "115" tente de convaincre Christophe, un sans-abri, de venir avec eux.

Certes, le sans-abri connaît Frédéric et Christophe, deux quadragénaires qui forment avec Agathe "l'équipe de rue". Mais le SDF, passablement éméché, ne veut rien savoir. "Je m'en fous, je ne vous demande rien".

Le SDF, âgé de 42 ans mais aux traits marqués, a trois enfants qu'il ne voit plus et qui ne cherchent pas à le voir. "Comme 80% des gens à la rue, il s'est retrouvé SDF à la suite d'une rupture conjugale", souffle Frédéric, qui lui offre une cigarette.

Après quelques bons mots et une pincée de paroles de réconfort, le SDF accepte de lâcher sa bière et de ne pas rejoindre tout de suite "son" transformateur, où il passe ses nuits, et de monter dans la fourgonnette du "115".

Une petite victoire pour l'équipe du SIAO (service intégré accueil et orientation) car souvent les personnes sans-abri refusent de se rendre dans les hébergements ou les foyers d'accueil, comme dans la ville voisine de Douai, où l'un d'entre eux est décédé samedi. Au moins six personnes en tout sont déjà mortes en France depuis le début de l'hiver.

"Ils n'ont plus confiance en rien", explique Frédéric. "Pour avoir une chance, il faut être connu de la personne, être proche sans devenir son copain".

L'équipage poursuit sa maraude, dont le programme de la journée est fixé au gré des appels effectués au 115. En cette période de Plan grand froid (PGF), le centre reçoit une cinquantaine de coups de téléphone chaque jour.

Le trio prend la route d'une place de Lens, où l'attend un jeune couple, elle obèse, lui chétif, aux visages flétris par la rue. Le dialogue s'engage peu à peu.

Elle a 24 ans et a deux enfants, tous deux "placés" (en structure spéciale). Elle est enceinte d'un troisième enfant. Lui a 19 ans, marginalisé également. Ils ont trouvé un hébergement pour le réveillon et ne reçoivent donc qu'un sac d'alimentation et des voeux de la nouvelle année.

-'Nouveaux pauvres'-

Le troisième rendez-vous est avec une femme seule, de 26 ans, grelottante, hébergée dans un hôtel qui fait face à la gare art déco de Lens, et qui souffre de troubles psychiques aigus.

"La nouvelle pauvreté est plus jeune, plus vieille et plus colorée", souligne Christophe Josien, chef de service du SIAO.

"Dans nos publics se côtoient de plus en plus de jeunes de moins de 25 ans, des anciens avec des garanties de ressources mais qui sont insuffisantes pour le logement et l'alimentation, et les demandeurs d'asile", dit-il.

Marc fait partie de ces "nouveaux pauvres". Au centre d'accueil du Samu de Lens, il détaille son triste parcours qui fait qu'il a passé une année dans la rue alors qu'il n'a que 19 ans.

Placé de foyer en foyer par ses parents de 6 à 17 ans, il rejoint le domicile familial. Mais les disputes, parfois violentes, se multiplient avec ses parents, qui doivent s'occuper aussi de leur fille, trisomique.

"A 18 ans et un jour", il se retrouve à la rue, chassé par ses parents. Il va chez quelques amis, devient vite encombrant et finit par dormir "entre les poubelles". "Si je n'avais pas fait le 115, je ne sais pas où je serais", confie-t-il.

Le Samu lui a offert trois semaines de nuitée d'hôtel, avant d'intégrer le foyer La boussole et enfin une orientation dans un Foyer de jeunes travailleurs (FJT) à Liévin.

Peut-être fera-t-il partie de ces "50% des gens qui s'en sortent, car on ne les revoit plus" comme l'espère Christophe Josien, qui possède les portraits de Martin Luther King, Che Guevara et Coluche dans son petit bureau.

"Car à notre niveau, quand on dit +s'en sortir+, cela veut tout simplement dire d'éviter de se mettre en danger".

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