Accueil Actu

Législatives tchèques: un vent d'euroscepticisme souffle sur les urnes

Les élections législatives tchèques de vendredi et samedi pourraient faire souffler fort un vent d'euroscepticisme sur les bords de la Vltava, avec la victoire attendue du mouvement populiste ANO du milliardaire Andrej Babis, perçu comme un "Trump tchèque".

"Une partie des électeurs, politiciens et journalistes sont enclins à présenter ces élections comme une sorte de plébiscite sur Babis. Mais ce qui est le pire et le plus dangereux, c'est que le thème de la crise migratoire et la critique de l'UE gagnent de plus en plus de terrain", avertit le politologue Josef Mlejnek.

D'autant que le scrutin à venir devrait apporter aussi une visibilité accrue au SPD, un parti d'extrême droite anti-immigration et anti-UE, loin d'être le seul à exploiter le thème de la crise migratoire.

Etiquetté aussi par les tabloïds comme un "Berlusconi tchèque", M. Babis tire profit d'une forte aversion des électeurs à l'égard des partis politiques, éclaboussés par des scandales de corruption, relève M. Mlejnek. Et cela même s'il a lui aussi quelques ennuis avec la justice en raison d'accusations de fraude aux fonds européens.

Critique à l'égard de la zone euro et des directives de Bruxelles qu'il voit comme limitant la souveraineté nationale, il n'est pour autant ni hostile à l'UE en tant que telle, ni partisan d'un Tchéxit.

Le gouvernement issu de ces élections remplacera celui de centre-gauche du social-démocrate (CSSD) Bohuslav Sobotka où ANO détient déjà des postes importants.

Un sondage de l'institut CVVM attribue 30,9% des voix au mouvement centriste de M. Babis, patron du géant agro-alimentaire Agrofert, propriétaire de deux journaux importants et deuxième fortune du pays.

"Si nous gagnons, j'aimerais diriger ce pays. Je voudrais montrer aux gens que l'on peut mieux faire de la politique", affirme M. Babis.

Le chiffre attribué à ANO est supérieur à celui qu'obtiendraient ensemble le CSSD (13,1%) et le parti de droite ODS (9,1%), jadis les deux poids lourds de la scène politique.

- 'De la rancune' -

M. Babis appelle à la fermeture de la frontière extérieure de l'UE pour stopper l'immigration et s'oppose à l'adoption de l'euro, ce qui n'est pas pour déplaire à l'électeur, souvent euro-sceptique, et à d'autres membres de l'UE comme la Pologne ou la Hongrie.

De son côté, le parti Liberté et démocratie directe (SPD) de l'homme d'affaires tchéco-japonais Tomio Okamura, hostile à l'immigration et favorable à la sortie de l'UE, est crédité de 7,3% des suffrages.

"Il n'y a presque pas d'immigrants chez nous, le pays traverse une bonne période économique, et pourtant il y a du mécontentement voire de la rancune chez les gens", constate M. Mlejnek.

Un autre sondage, de l'institut Medea Research, met encore plus en relief la percée attendue des "protestataires". ANO est crédité de 25,1% des voix, devant les communistes (KSCM, 14,4%) et le SPD (10,5%).

Ce sondage n'attribue que 9,8% des voix au CSSD, 6,6% à ODS et 6,0% à un autre parti de droite, TOP 09. Le seuil d'éligibilité pour entrer à la chambre basse de 200 sièges est fixé à 5%.

"Je n'arrive à imaginer ni un gouvernement avec Okamura, qui promet des choses irréalisables, ni (un gouvernement) avec les communistes", déclare M. Babis.

- Germe d'une coalition populiste -

Il n'empêche, ses adversaires ont relevé que ces trois forces ont fait front commun lundi au parlement contre un mémorandum sur la future exploitation d'un gisement de lithium par la société australienne EMH.

"Je ne veux pas spéculer, mais je vois ici le germe d'une coalition entre MM. Babis, (Vojtech) Filip (président du KSCM) et Okamura", a déclaré M. Sobotka.

Le Premier ministre sortant a cédé la position de tête de liste du CSSD au ministre pro-européen des Affaires étrangères Lubomir Zaoralek qui se veut le principal rival de M. Babis, sans exclure une éventuelle coalition avec ANO, mais sans son chef.

Les législatives seront suivies en janvier par le scrutin présidentiel. Le vétéran de la gauche Milos Zeman, 73 ans, pro-russe, pro-chinois, hostile à l'immigration et favorable à l'action de M. Babis, briguera un second mandat de cinq ans.

À la une

Sélectionné pour vous