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Les chiites afghans prêts à une Achoura en état de siège

Les pèlerins chiites d'Afghanistan se préparent à célébrer dimanche l'Achoura, fête majeure pour les musulmans chiites, en état de siège: comme à chaque grande date du calendrier religieux désormais, ils redoutent une attaque du groupe jihadiste État islamique.

Accusées de négligence, voire d'indifférence au fil des attentats contre la minorité chiite, qui ont fait des dizaines de morts depuis l'été 2016, les autorités semblent avoir pris la mesure du danger et ont déployé des renforts devant les mosquées.

Pour la première fois, ils seront aussi assistés de volontaires armés.

Dans la grande mosquée chiite Baqir ul-Ulom, dans l'ouest de Kaboul, ensanglantée en novembre 2016 par un kamikaze, l'imam estime qu'un tiers des fidèles ont déserté les prières par peur des attaques.

"Je sers cette mosquée depuis 18 ans. Après l'attentat (qui a tué 30 personnes officiellement, 57 selon l'imam, NDLR), nous n'avons jamais cessé d'officier, mais les gens ont toujours peur de revenir", assure Mohammad Ali Arefi, 67 ans.

L'Achoura qui sera célébrée dimanche commémore la mort de l'imam Hussein, petit-fils du prophète tué en 680, dont la fin tragique constitue un épisode fondateur du chiisme.

En 2016, cette date essentielle du calendrier chiite avait été endeuillée par trois attentats et la mort d'une quarantaine de fidèles au moins, dans des mosquées à Kaboul et Mazar-i-Sharif (nord).

À chaque fois, l'EI, composé de sunnites extrémistes et présent en Afghanistan depuis 2015, a revendiqué ces attaques et toutes celles perpétrées contre la minorité chiite, qui compte environ 3 millions de personnes dans le pays.

Le ministre de l'Intérieur afghan, Wais Barmack, a annoncé cette semaine des déploiements supplémentaires autour des sites potentiellement menacés et la distribution d'armes "à des centaines de personnes".

- 'Besoin de sécurité' -

"On a recruté dans les quartiers d'anciens soldats et policiers, entraînés, auxquels seront distribués des (fusils d'assaut) AK-47 pour une période très limitée, de quelques heures à quelques jours", affirme une source sécuritaire à l'AFP. "Ils seront chargés d'assister les forces de sécurité lors des grands rassemblements et en cas de menaces précises": repérer les suspects et fouiller les pèlerins.

À 43 ans, Nasim Amiri est l'un des cinq volontaires en faction devant la mosquée Baqir ul-Ulom. Il vit depuis vingt ans dans ce quartier et sa mission consiste "à prévenir toute intrusion". "Je connais pratiquement tout le monde ici", souligne-t-il.

"On ne serait pas un bon musulman si on ne venait pas prier pendant Muharram (premier mois du calendrier musulman). Mais on a besoin de sécurité."

Les responsables chiites ont par ailleurs renoncé aux processions et organisent seulement des rassemblements à l'intérieur.

Selon Siraj Danish, l'un de ses membres, le conseil de la mosquée a planché pendant six mois sur ce dispositif, approuvé par le gouvernement. "Ce plan restera en vigueur tant que la menace demeure. Actuellement, il ne couvre que la province de Kaboul, soit 440 sites chiites, afin de répondre à l'urgence. Mais nous avons entamé les discussions pour Herat (ouest), Ghazni (centre) et Balkh (nord)."

Ces trois provinces abritent également une forte minorité chiite. "On n'avait pas d'autre choix que d'armer des civils", justifie M. Danish. Mais tout cela reste insuffisant, estime l'imam.

"Si le gouvernement veut vraiment protéger les mosquées, il va devoir faire plus. Armer cinq civils ne va pas changer la donne. Surtout payés 6.000 afghanis par mois (90 dollars). C'est même aux riverains de les nourrir", râle-t-il.

Les derniers attentats d'ampleur, en août, ont suscité des vagues de colère et de protestation contre les autorités, accusées d'abandonner les chiites sans protection.

Le 25 août, 28 personnes ont trouvé la mort dans une mosquée chiite de Kaboul en pleine prière du vendredi; le 1er août, 50 personnes avaient été tuées et 80 blessées dans un attentat-suicide de l'EI contre une mosquée de Herat.

Le lendemain, la foule endeuillée avait manifesté dans les rues de la ville et menacé de faire justice elle-même. Tandis que le président Ashraf Ghani avait appelé à résister à toute dérive sectaire.

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