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Le "oui" au renforcement des pouvoirs d'Erdogan l'emporte avec 51,2% en Turquie: l'opposition conteste le résultat

Les Turcs ont voté ce dimanche sur un renforcement des pouvoirs du président Recep Tayyip Erdogan, neuf mois après un coup d'Etat qui a failli renverser l'homme qui domine la Turquie depuis 15 ans. Après le décompte de 99,99% des urnes, le oui était en tête avec 51,2% des suffrages. Avec les mesures prévues par le projet, M. Erdogan disposerait d'un pouvoir considérablement renforcé et pourrait en théorie rester président jusqu'en 2029.

Les bureaux du vote, où quelque 55,3 millions de Turcs étaient appelés à dire oui ou non à une révision constitutionnelle renforçant les pouvoirs présidentiels, ont fermé à 17H00 locales (16h00 en Belgique). Après dépouillement des bulletins de vote provenant de 99,99% des urnes, le oui était en tête avec 51,2%, selon l'agence de presse progouvernementale Anadolu. L'opposition a d'ores et déjà dénoncé des "manipulations" et annoncé qu'elle contesterait le résultat.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a salué dimanche une "décision historique" en revendiquant la victoire du oui au référendum sur le renforcement de ses pouvoirs, et appelé les pays étrangers à "respecter" cette décision. "La Turquie a pris une décision historique au sujet de son système de gouvernance", a déclaré M. Erdogan lors d'un discours à Istanbul. "Nous voulons que les organisations et les pays étrangers respectent la décision de notre nation", a-t-il ajouté, alors que l'opposition turque conteste le résultat du scrutin.

La révision constitutionnelle soumise au vote des Turcs dimanche prévoit le transfert du pouvoir exécutif au président, la suppression de la fonction de Premier ministre, et pourrait permettre à M. Erdogan de rester au pouvoir au moins jusqu'en 2029.

Pour M. Erdogan, 63 ans, cette mesure est nécessaire pour doter la Turquie d'un exécutif fort et stable au moment où le pays affronte des défis économiques et sécuritaires majeurs. Mais ses détracteurs dénoncent un texte rédigé sur-mesure pour satisfaire les ambitions de M. Erdogan, accusé de dérive autoritaire, notamment depuis un putsch qui a failli le renverser en juillet.




L'opposition dénonce des manipulations et va contester le résultat

Les deux principaux partis d'opposition au président turc Recep Tayyip Erdogan ont dénoncé dimanche des "manipulations". Le principal parti d'opposition, le CHP (social-démocrate), a annoncé par la voix de l'un de ses cadres qu'il allait contester les bulletins provenant de près de 37% des urnes. Ce chiffre pourrait atteindre 60%, a déclaré Erdal Aksünger, adjoint au secrétaire général du CHP, cité par les médias turcs.

Par ailleurs, le deuxième parti d'opposition, le HDP, a fait savoir sur Twitter qu'il allait contester les votes provenant des "deux tiers" des urnes. "Les données qui nous parviennent indiquent qu'il y a une manipulation de l'ordre de trois à quatre points de pourcentage", a-t-il affirmé.


Le Conseil électoral prendra en compte les bulletins sans tampon officiel: l'opposition fulmine

Le Conseil électoral supérieur turc (YSK) a annoncé dimanche en plein référendum que les bulletins ne comportant pas le tampon officiel du bureau de vote seraient tout de même valides, suscitant une levée de boucliers de l'opposition.

Le scrutin contenait un bulletin unique marqué d'un sceau officiel, séparé en deux: un côté blanc portant le mot "oui", un brun avec le mot "non". Pour voter, les Turcs devaient marquer le côté qu'ils souhaitaient avec un tampon marqué du mot "Préférence".

Mais dans l'après-midi, le YSK a annoncé, dans une déclaration publiée sur son site, avoir reçu de nombreuses plaintes affirmant que certains électeurs s'étaient vu remettre des bulletins de vote sans tampon officiel. Il a ainsi été décidé que les bulletins concernés seraient tout de même considérés comme valides, "à moins qu'il y ait des preuves qu'ils aient été apportés de l'extérieur".

L'opposition s'est insurgée contre cette décision qui pourrait, selon elle, faire pencher la balance en faveur du oui dans ce scrutin âprement disputé.

Bülent Tezcan, vice-président du principal parti d'opposition (CHP, social-démocrate) a appelé le YSK a "revenir immédiatement sur cette erreur", et appelé le YSK à prendre des mesures pour garantir que les élections se tiennent dans le cadre de la justice, selon l'agence progouvernementale Anadolu.

Même colère pour le député CHP Sezgin Tanrikulu : "On ne peut pas changer les règles du jeu après le début du match", a-t-il déclaré à l'AFP. "Il faut revenir sur cette décision pour que les élections soient justes et honnêtes". "Une décision scandaleuse" qui "ouvre la voie à de la fraude", a tweeté pour sa part Sinan Ogan, un ancien cadre du parti nationaliste MHP expulsé, qui a fait campagne pour le non malgré la ligne officielle de son parti.


Erdogan félicite les partis engagés pour le oui

Le président de la République, Recep Tayyip Erdogan, a appelé dimanche soir le Premier ministre Yildirim, le leader du MHP (Parti D'Action Nationaliste) Bahceli, et le président du BBP (Parti de la Grande Unité) Destici, pour les féliciter de la victoire obtenue au référendum, a annoncé l'agence Anadolu.

Le chef de l'Etat s'est aussi félicité de l'expression de la volonté du peuple, ajoute l'agence de presse pro-gouvernementale Anadolu.


En quoi consiste la révision de la constitution?

La révision constitutionnelle prévoit notamment la suppression du poste de Premier ministre au profit d'un hyperprésident qui concentrerait de vastes prérogatives aux mains de M. Erdogan, alors qu'il est déjà accusé de dérive autoritaire par ses détracteurs. "Si Dieu le veut, notre nation (...) s'avancera vers l'avenir ce soir en faisant le choix attendu", a déclaré M. Erdogan après avoir voté sur la rive asiatique d'Istanbul, accompagné de son épouse Emine, de l'une de leurs filles et deux de leurs petits-enfants. Le président turc a eu droit à un bain de foule à la sortie du bureau de vote.

M. Erdogan, qui a échappé à une tentative de putsch le 15 juillet, disposerait d'un pouvoir considérablement renforcé et pourrait en théorie rester président jusqu'en 2029. Le dirigeant âgé de 63 ans a occupé le poste de Premier ministre entre 2003 et 2014, avant d'être élu président.

Le Premier ministre Binali Yildirim a assuré après avoir voté dans la ville d'Izmir (ouest) que "le verdict du peuple sera respecté", quelle que soit l'issue du scrutin.


Assurer la stabilité du pays ou museler l'opposition?

Le gouvernement présente cette révision constitutionnelle comme indispensable pour assurer la stabilité du pays et lui permettre d'affronter les défis sécuritaires et économiques. Mais l'opposition dénonce la dérive autoritaire d'un homme qu'elle accuse de chercher à museler toute voix critique, surtout depuis le putsch manqué.

Le texte "enclencherait la restructuration la plus drastique des 94 ans d'histoire de la politique turque et de son système de gouvernance", selon un rapport signé par Sinan Ekim et Kemal Kirisci, du centre d'analyses Brookings Institution.


L'opposition compare Erdogan à "un bus sans freins dont on ne connaît pas la destination"

Lors d'un meeting samedi, M. Kiliçdaroglu, le chef du CHP, le principal parti d'opposition, avait comparé le système voulu par M. Erdogan à "un bus sans freins dont on ne connaît pas la destination".

Pour Kemal Kiliçdaroglu, la Turquie a le choix : "Voulons-nous poursuivre avec une démocratie parlementaire ou un système de gouvernement par un seul homme ?", a-t-il déclaré.


Une campagne inéquitable

L'opposition et les ONG ont déploré une campagne inéquitable, avec une nette prédominance du oui dans les rues et les médias. La Turquie est par ailleurs sous état d'urgence depuis le putsch manqué. Quelque 47.000 personnes ont été arrêtées et plus de 100.000 limogées ou suspendues.

Le parti prokurde HDP a ainsi dû faire campagne avec ses deux coprésidents et nombre de ses élus en prison, accusés de liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

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