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Etudiant sans-abri, c'est "faire ses devoirs à l'abri-bus"

Beaucoup de jeunes immigrés n'ont pas de logement lorsqu'ils arrivent en Europe. L'école prend alors un rôle central dans le développement de ces jeunes, souvent mineurs.

Lycéens et sans-abri, Omar et Abdoulaye espèrent surtout que 2015 leur apporte un logement stable, pour mener à bien une scolarité compliquée par l'absence de toute famille en France. Soutenus par un collectif d'enseignants, les deux jeunes hommes entrevoyaient peut-être une solution à leur situation vendredi, puisqu'une offre d'hébergement en foyer leur a été proposée.

"J'avais deux trois vêtements quand je suis arrivé de Guinée il y a deux ans, des gens m'ont donné tout ça", raconte Abdoulaye en montrant un sac à dos à la poignée rafistolée qu'il transporte partout avec lui. Le jeune Peul, qui a quitté son pays pour fuir un père violent, s'en remet aux structures d'urgence pour dormir. "Il faut appeler le 115 dès qu'on se réveille pour être sûr d'avoir une place le soir", explique-t-il d'une voix hésitante.

"J'ai eu les félicitations au premier trimestre, je veux rester ici"
Ses livres de classe sont restés pour les vacances au lycée Hector-Guimard, dans le XIXe arrondissement de Paris, où il est scolarisé en section "technicien du bâtiment". "Je veux faire de l'économie, ou de la comptabilité", explique-t-il, son bonnet enfoncé sur les yeux. "J'ai eu les félicitations au premier trimestre, je veux rester ici."

Pas évident de travailler dans le bruit des foyers
La précarité de son hébergement ne facilite pas les choses. "Il y a tellement de bruit dans les foyers qu'on peut à peine dormir, et c'est encore plus difficile pour les devoirs. J'en fais le maximum au lycée, et quand il ferme je prends mes cahiers pour aller à l'abri-bus".

La ville cherche des solutions
Huit autres élèves du lycée Guimard sont dans un cas similaire. Pour mettre un terme à cette situation "inacceptable", un collectif rassemblant des enseignants du lycée menaçait de reloger d'autorité les élèves dans le gymnase de l'établissement.

On n'en arrivera sans doute pas là. "Une solution d'accueil a été proposée à l'ensemble des neuf lycéens", a-t-on indiqué vendredi à la préfecture de Paris. Les lycéens devaient être relogés dans des foyers du 13e arrondisssement, selon une membre du collectif.

Entre 4000 et 9000 mineurs étrangers isolés en France
Abdulaye dit avoir 17 ans, ce qui le ferait entrer dans la catégorie des "mineurs étrangers isolés" (MIE), non expulsables, et qui relèvent du droit commun de la protection de l'enfance. Mais à la mairie de Paris, on assure que les lycéens d'Hector-Guimard ont été déclarés majeurs par la Permanence d'accueil et d'orientation des mineurs isolés étrangers.

S'il n'existe pas de statistiques officielles, on estime entre 4.000 et 9.000 le nombre de MIE en France. L'une des difficultés - et l'un des points les plus contestés par les associations - est d'évaluer leur âge réel, alors que ces jeunes arrivent parfois de pays où ils ne sont pas enregistrés à l'état-civil, ou avec de faux papiers.

L'école est essentiel pour les jeunes sans-abris
Pour ces lycéens privés de logement, l'école prend une importance cruciale. "Dehors on réfléchit à l'hiver, comment on va manger, où on va dormir... on grandit très vite. Au lycée on ne pense pas à tout ça", explique Omar.

Arrivé en avril de Bamako où sa famille a tout perdu après la mort de son père, il dormait jusqu'à présent dans un foyer de Maliens, à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Comme il n'a pas les moyens de payer une chambre, il passe la nuit dans la cuisine. Comme il n'a pas d'espace à lui, il fait ses devoirs "quand les autres sont couchés".

"La classe sait que je ne dors pas la nuit. Pour être au lycée à huit heures, je me lève à six. J'ai peur qu'on me pose des questions auxquelles je ne sais pas répondre. C'est la honte", explique-t-il.

"On grandit très vite"
Le garçon, qui dit avoir 17 ans lui aussi, se raccroche aux noms des associatifs croisés depuis son arrivée comme à des repères, et aux dates qu'il égrène avec précision - la mort de son père, le rendez-vous avec le juge, sa naissance bien sûr, et surtout sa date d'arrivée en France, le 20 avril 2014. "Ce jour-là, dit-il, j'ai commencé à connaître la difficulté de la vie".

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