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Mal-logement: la Fondation Abbé Pierre dresse un tableau "douloureux"

Des centaines de milliers de ménages "aux portes du logement", une situation qui s'aggrave et des dispositifs d'aides défaillants et saturés: la Fondation Abbé Pierre fait un constat "douloureux" du mal-logement en France, dans son 20e rapport annuel rendu public mardi.

Revenant sur 20 ans de politique du logement, ce rapport, présenté à Paris en présence de 2.000 personnes dont la ministre du Logement, Sylvia Pinel, note que la crise frappe toujours aussi violemment les familles et laisse "aux portes du logement" de plus en plus de gens.

chiffres Les chiffres en attestent: près de dix millions de personnes sont en situation de fragilité par rapport au logement, dont 3,5 millions mal-logés au sens strict (sans domicile, en chambre d'hôtel, en camping, dans des abris de fortune, des logements insalubres ou dans des conditions de logement très difficiles).

Les expulsions n'ont pas fléchi. En 2013, 120.000 décisions d'expulsion pour impayés ont été rendues. Zahra, 52 ans, est dans ce cas, menacée d'expulsion d'un deux-pièces de 55 m2 qu'elle occupe avec ses quatre enfants pour des dettes de loyer. Cette illustratrice-plasticienne indépendante "n'arrive plus à joindre les deux bouts" depuis que son ex-mari, qui versait une pension alimentaire mensuelle de 2.700 euros, est brutalement décédé. "C'est la chute libre", dit-elle, en sursis jusqu'à la fin de la trêve hivernale.

La situation s'est aggravée également pour les SDF, dont le nombre a augmenté de 50% en dix ans, pour atteindre 141.500 personnes en 2012. Et les profils se sont diversifiés: outre les familles, dont le nombre a bondi, on retrouve de plus en plus de jeunes à la rue, des demandeurs d'asiles, et des malades psychiatriques.

"Les dispositifs d'aide ne sont plus adaptés et se sont engorgés", a expliqué Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation. Ainsi 1,8 million de ménages attendent un logement social, alors que seulement 450.000 sont attribués chaque année.

- 'Réduire les nuitées hôtelières' -

De même, sur 355.000 demandes de places pour SDF formulées durant l'hiver 2013/14, seules 140.000 ont été attribuées. Et les familles sans domicile, en priorité hébergées à l'hôtel, notamment en Ile-de-France, se retrouvent aussi à la rue, car le dispositif, très coûteux et inadapté, arrive à saturation.

Une situation reconnue par la ministre du Logement, qui a annoncé mardi "un plan de réduction des nuitées hôtelières", pour créer "13.000 places de solutions plus pérennes" pour ces familles, via une réorientation des crédits.

Une mesure saluée par le Samu social de Paris et la Fédération nationale des associations de réinsertion sociale, qui a toutefois regretté qu'il n'y ait "pas d'assurance sur le maintien des places d'hébergement hivernales", craignant que des SDF soient remis à la rue au 31 mars, comme chaque année.

Ce rapport est "un constat douloureux", dit le délégué général de la Fondation, Christophe Robert. "Les outils étaient calibrés en 1990, mais ça ne suit plus, en raison de la massification de la précarité".

Plusieurs textes ont tenté d'améliorer la situation, comme la loi SRU obligeant les communes à produire du logement social ou la loi Dalo obligeant l'Etat à reloger les plus démunis, mais les "blocages" subsistent: une "crise du logement sous-estimée", des "politiques sociales du logement freinées par la rigueur", mais aussi "par l'idéologie" qui consiste à "accompagner le marché" plutôt que de le réguler. Sans compter "une politique territoriale défaillante" et "le poids des lobbies" de l'immobilier, insiste-t-il.

La Fondation, qui réclame notamment plus de logements sociaux accessibles, davantage de sanctions pour les communes qui n'en font pas, et une baisse des prix des logements du secteur privé, estime que 2014 a été l'année de "renoncements profonds" avec le "détricotage de la loi Alur", qui a restreint l'encadrement et la garantie universelle des loyers.

L'ancien numéro un de la CFDT, François Chérèque, auteur d'un rapport sur le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté, a réclamé sur LCI la réquisition de logements, là où les communes "ne jouent pas le jeu" du logement social, et la CFTC "un plan Marshall du logement".

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