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Maria: les Portoricains ne veulent pas être traités comme une "colonie" des Etats-Unis

Après le passage dévastateur de Maria, nombre de Portoricains disaient vendredi se sentir traités comme des citoyens de seconde zone, et se demandaient si l'aide fédérale américaine sera aussi importante qu'au Texas et en Floride, également touchés par des ouragans.

"Même si nous sommes une colonie, on suppose quand même qu'on reste des citoyens américains", explique Jaime Coll, un artiste de 70 ans.

"Nous espérons que le gouvernement fédéral va faire ce qu'il pense devoir faire. Ce n'est pas le moment pour la politique partisane ou les litiges entre les différentes nationalités. C'est le moment de la compassion", ajoute-t-il en prenant son déjeuner dans l'un des rares établissements encore ouverts de l'île.

Mercredi, Maria a frappé ce territoire américain avec la puissance d'un ouragan de force 4. Porto Rico est "absolument anéanti", a lancé le lendemain le président américain Donald Trump, après avoir décrété l'état de catastrophe naturelle, libérant ainsi des fonds pour l'aide d'urgence et la reconstruction.

L'île panse maintenant ses plaies: 13 personnes ont perdu la vie, et près de 3,5 millions d'habitants se retrouvent sans électricité, peut-être pour plusieurs mois, avec un réseau de télécommunications quasiment entièrement détruit.

Cette catastrophe naturelle pourrait aussi permettre de repenser la relation qui unit ce territoire aux Etats-Unis. Et surtout alléger sa dette abyssale de plus de 70 milliards de dollars.

- 51e Etat ou indépendance ?-

"L'ouragan représente un nouveau point de départ pour les Portoricains. Nous allons devoir nous demander où nous allons, ce que nous voulons, et ce qui va changer dans notre rapport avec les Américains, et vice versa", a expliqué à l'AFP Astrid Arraras, professeure portoricaine au département de politique et de relations internationales de l'Université internationale de Floride.

Les habitants de Porto Rico sont divisés entre ceux qui rejettent la tutelle des Etats-Unis, ceux qui défendent ce statu quo de "territoire non incorporé" et ceux qui veulent voir leur île devenir le 51e Etat des Etats-Unis.

Pour le moment ils alternent entre attitude de défi, comme Jaime Coll, et fierté.

"On a suffisamment de ressources ici. Nous pouvons recevoir de l'argent et des donations pour nous remette sur pied, des Etats-Unis comme de n'importe qui d'autre, mais je pense que les plans d'action doivent être préparés depuis Porto Rico", explique Susana Barnett, une retraitée de 67 ans.

Toutes ces questions seront tranchées par un comité de supervision, chargé des négociations, qui contrôle les finances de Porto Rico.

Ce comité, créé par la loi Promesa, votée par le Congrès américain en 2016, est très impopulaire sur l'île et se voit taxé de colonialisme, en raison de mesures impopulaires qu'il met en place, notamment la baisse des retraites.

- 'La Grèce sous stéroïdes' -

"Mais les règles du jeu ont changé. Nous traversons une crise tellement importante qu'ils ne peuvent plus nous mettre la pression et nous imposer des délais. Nous ne sommes plus en mesure de payer, au milieu de ce désastre", ajoute Astrid Arraras.

Une catastrophe naturelle de cette envergure, "la tempête la plus dévastatrice" du siècle selon les autorités, est bien la dernière chose dont l'île, qui s'est déclarée en faillite en mai, avait besoin. A Porto Rico, le chômage touche 12% de la population. Le taux de pauvreté, lui atteint les 46%.

"C'est la Grèce sous stéroïdes", analyse Juan Carlos Hidalgo, spécialiste des politiques publiques en Amérique Latine au Cato Institute, un think tank américain. Mais, par répercussion, cette catastrophe pourrait finalement presque aider l'île, ajoute-t-il.

"Les dégâts portés à l'économie portoricaine par une catastrophe de cette magnitude sont inestimables, mais il se pourrait que les créanciers adoptent une attitude plus conciliante", explique-t-il.

Juan Carlos Hidalgo reste cependant prudent, les créanciers étant difficiles à manoeuvrer. Le scénario le plus optimiste, selon lui les verrait simplement retarder les échéances des remboursements.

L'aide fédérale débloquée après Maria sera une injection d’argent conjoncturelle, mais se contentera de repousser le problème de fond: la crise économique.

"Le pays continue d'être endetté, les habitants vont devoir se serrer la ceinture", résume-t-il

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