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Mexique: une semaine après, la visite de Trump embarrasse encore le pays

C'était une visite-éclair de trois heures au Mexique pour le candidat à l'élection présidentielle américaine Donald Trump, mais une semaine après, ce voyage controversé donne encore la migraine au président Enrique Peña Nieto.

Le mécontentement populaire ne semble pas retomber et mercredi, l'un de ses plus proches confidents, Luis Videgaray, ministre des Finances, a dû démissionner après avoir été présenté dans les médias comme le chef d'orchestre de la venue du candidat.

"Le changement au sein du gouvernement a été une reconnaissance que la visite était un désastre. Sinon, on n'aurait pas changé la main droite du président Peña Nieto", estime l'analyste politique José Antonio Crespo.

Dès mercredi, Donald Trump s'est fait un plaisir de déclarer à quel point le départ de M. Videgaray était la preuve du succès de son déplacement du 31 août.

"Je leur ai fait savoir la position des Etats-Unis", a-t-il lancé dans un forum télévisé. Le candidat républicain avait irrité les Mexicains en exigeant que leur gouvernement paie pour un mur entre les deux pays et en qualifiant les migrants de "violeurs".

"Si vous regardez ce qui se passe, les conséquences aujourd'hui, les gens qui ont organisé le voyage au Mexique ont dû quitter le gouvernement. Cela montre comme nous avons bien réussi", s'est-il gaussé.

La visite controversée est mal tombée pour le président mexicain dont l'impopularité est déjà en berne, dans un contexte de ralentissement économique, de violence liée au trafic de drogue et d'accusations d'avoir plagié partiellement sa thèse de droit.

Le gouvernement "fait erreur sur erreur et ne consulte pas ceux qui s'y connaissent sur ces sujets, donc il invite quelqu'un (Trump) à un moment totalement inadéquat", tranche Jesus Velasco, spécialiste des relations Mexique-USA à l'Université Tarleton State, au Texas.

Enrique Peña Nieto a été très critiqué pour ne pas avoir contredit Donald Trump lors de leur conférence de presse conjointe, quand ce dernier a affirmé que le mur n'avait pas été évoqué pendant leur entretien.

Ce n'est que plus tard que le président mexicain a affirmé avoir dit à Trump, dans leur réunion privée, qu'il ne paierait pas pour ce mur.

- Il 'a vomi dans votre maison' -

La venue du candidat a suscité le dégoût chez nombre de Mexicains : "cet homme misérable a vomi dans votre maison", a lancé Carlos Marin, directeur général du groupe de médias Milenio, quand il a interviewé le président cette semaine.

Enrique Peña Nieto a rétorqué qu'il était important d'ouvrir le dialogue avec le possible prochain président des Etats-Unis, au lieu de l'affronter avec des "insultes" qui "me rendraient très populaire ici au Mexique".

La visite, en tout cas, n'a clairement pas aidé la popularité du dirigeant : selon un sondage de l'institut Mitofsky, 88% des Mexicains se sont déclarés mécontents de la venue de Trump.

Les analystes mettent aussi en garde des conséquences néfastes que cela pourrait avoir pour les relations du Mexique avec le prochain président américain, qu'il s'agisse de Donald Trump ou de sa rivale démocrate Hillary Clinton, qui a décliné une invitation de Peña Nieto.

Trump pourrait prendre ombrage des déclarations du dirigeant mexicain sur leur conversation privée concernant le mur.

Clinton pourrait elle être déçue que le Mexique ait ainsi déroulé le tapis rouge à son adversaire.

"Quel que soit le gagnant (de l'élection américaine), la relation, au moins avec Enrique Peña Nieto jusqu'à l'arrivée d'un nouveau président (mexicain), seront plus froides que ce qu'elles auraient dû être avant la visite de Trump", prédit José Antonio Crespo.

Christopher Wilson, directeur adjoint de l'institut de Mexico du think tank Wilson Center, est plus optimiste : Trump et Peña Nieto "ont appris à mieux se connaître et cela a ouvert un espace de communication, c'est probablement une bonne chose".

"Si Hillary Clinton gagne, cela entachera peut-être les espoirs d'une relation forte dès le départ", "mais en même temps il s'agira de quelqu'un qui comprend l'importance d'une relation forte avec le Mexique".

Et au-delà des retombées immédiates du scandale, pour les Mexicains, les performances de Peña Nieto face aux vrais problèmes du pays - la crise économique, l'insécurité, la corruption - seront "le plus important de son héritage".

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