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Migrants: les bénévoles, discret maillon de l'aide

Ils sont devenus, au fil des campements, un maillon discret et incontournable de l'aide aux migrants: à l'heure où Paris s'apprête à ouvrir un camp de réfugiés, les bénévoles ne veulent être ni oubliés, ni récupérés.

"Des bénévoles étaient sur place dès le premier campement", sous le métro aérien La Chapelle, évacué en juin 2015, rappelle à l'AFP Aubépine Dahan, membre du Collectif parisien de soutien aux exilés (CPSE). "Petit à petit, un collectif très informel s'est organisé".

Si l'attention médiatique s'est focalisée, surtout au début, sur les plus radicaux, une grande partie des bénévoles sont de simples riverains, parents d'élèves, tenants de la "main tendue" aux migrants, à contre-courant de l'exaspération que provoquent parfois ces campements dans le voisinage.

Lorsque celui des Jardins d'Eole s'est reformé au début du mois dans le XVIIIe arrondissement, "de 100 à 200 personnes" se sont ainsi mobilisées pour apporter leur aide aux réfugiés.

Ravitaillement, distribution de vêtements, accompagnement à la préfecture ou à l'hôpital... ces bénévoles, fédérés en simples collectifs pour la plupart, se relayaient sur le campement insalubre. Certains n'ont pas hésité à mettre la main à la poche pour acheter des tentes.

- "Précieux" -

"Ils sont extrêmement précieux parce qu'ils nous font remonter des situations préoccupantes que notre maraude ne peut pas repérer, n'étant pas sur place 24 heures sur 24", explique Aurélie El Hassak-Marzorati, directrice générale adjointe d'Emmaüs Solidarité, qui résume: "Aujourd'hui, avec les moyens qu'on a, sans les bénévoles, on ne serait rien".

Ce dont les collectifs ont bien conscience. "On est une sorte de main d'oeuvre gratuite", avance Benoît Alavoine, de l'association Quartiers solidaires, qui a récupéré 110 tentes après l'évacuation d'Eole.

La ville de Paris a en effet laissé le temps aux bénévoles de ramasser le matériel en bon état, et prêté un local pour l'entreposer.

"La mairie nous considérait un peu comme ses collègues", raconte aujourd'hui Aubépine Dahan, qui ajoute: "on n'est pas très satisfaits de ça".

Car la philosophie de l'engagement citoyen regimbe devant les logiques administratives. Le discours est généralement sévère envers les pouvoirs publics, et certaines revendications -- droit d'asile pour tous, liberté de circulation -- pas franchement dans la ligne gouvernementale. Bref, l'idée d'une récupération fait grincer des dents.

"On est pris entre cette crainte et le fait qu'on trouve la situation dégueulasse", explique Loïc Horellou, un riverain d'Eole, qui témoigne d'une situation parfois ubuesque: "MSF est venu nous proposer du matériel... ce n'est pas à nous de gérer".

- "Etape" -

Alors que la ville de Paris s'apprête à ouvrir un camp de réfugiés, les bénévoles saluent une initiative qui pourait "déjouer les angles aveugles des campements", en donnant le temps aux migrants de réfléchir à ce qu'ils veulent plutôt que de monter dans des bus à l'aube, vers des lieux qui ne s'inscrivent pas forcément dans leur parcours migratoire, explique Benoît Alavoine.

D'où l'idée de s'impliquer: "La non-gestion qui fait office de politique est assez terrible, et c'est sur cela qu'on veut travailler", dit-il.

Comment? "On ne souhaite pas être associés à la gestion" du camp, "mais à la conception, pourquoi pas?", ajoute Aubépine Dahan, qui voit dans la démarche de la mairie "une étape", un "moins pire", même si "derrière toute la filière est bloquée", avec l'engorgement du dispositif d'asile.

"Il y a beaucoup de bénévoles qui se sont impliqués, qui sont très présents et avec qui nous souhaitons travailler", assure Dominique Versini, l'adjointe à la maire Anne Hidalgo chargée de la solidarité, en affirmant que le centre visera à "une mise à l'abri inconditionnelle" des migrants.

La crainte des bénévoles est pourtant que le dispositif ne soit "sous-dimensionné" et "géré comme les centres d'urgence actuels", explique Loïc Horellou. Or "on sait que les réfugiés reviennent, quitte à dormir dehors", dit-il.

Jeudi, près de 400 migrants ont été évacués d'un nouveau campement de fortune installé près du métro La Chapelle.

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