Accueil Actu

Nobel 2018: une saison blanche et sèche pour la littérature

Lettres et le néant: amputé du prix de littérature après son retentissant report par une Académie suédoise en lambeaux, le millésime 2018 des Nobel s'ouvre lundi avec les récompenses scientifiques, en attendant le prestigieux prix de la paix remis à Oslo.

La saison Nobel débutera lundi avec la médecine, une distinction qui risque d'être en partie éclipsée par un verdict attendu le même jour contre un Français visé par des accusations de viol.

Si le prix de physique sera bien remis mardi, celui de chimie mercredi, de la paix vendredi, et d'économie le 8 octobre, le prix de littérature, traditionnellement remis le jeudi, brillera par son absence à cause de cette affaire.

Pour la première fois depuis près de 70 ans et le couronnement différé de 1949 à 1950 de l'Américain William Faulkner, il a été réservé et sera - en principe - remis l'an prochain avec le prix 2019.

D'ores et déjà plongée dans l'œil du cyclone par l'attribution du Nobel en 2016 au troubadour américain Bob Dylan, lauréat controversé qui a valu aux académiciens une bordée d'injures, l'Académie suédoise a annoncé début mai qu'elle reportait d'un an l'annonce du lauréat 2018.

Aux sources du scandale, le Français Jean-Claude Arnault, accusé anonymement de viols ou agressions sexuelles par 18 femmes en novembre 2017, quelques semaines après la mise en cause du producteur de cinéma américain Harvey Weinstein et le lancement du mouvement #MeToo.

La plupart des enquêtes préliminaires ont été abandonnées faute de preuves ou frappées par la prescription, mais la justice suédoise a retenu une affaire, remontant en 2011. Le procès pour viol vient de se tenir et Jean-Claude Arnault, placé en détention provisoire, connaîtra le verdict lundi.

Quel lien avec l'académie?

Outre que l'accusé, marié à une sage, est soupçonné d'avoir importuné des académiciennes, femmes ou filles d'académiciens, il a perçu des années durant d'importants subsides de l'institution pour le fonctionnement de son club underground Forum, couru du Tout-Stockholm.

Conflit d'intérêt, culture du silence, rivalités internes: une enquête indépendante commanditée par l'académie a mis au jour son fonctionnement opaque et les petits arrangements entre amis dans le monde suédois des lettres.

Dans la débâcle, l'académie se déchire. Sur 18 fauteuils, huit honorables ont pris congé ou démissionné, laissant le conclave sans le quorum de 12 membres lui permettant de fonctionner.

Le scandale a été "désastreux pour la réputation" de l'académie, se désole Madelaine Levy, critique littéraire au quotidien Svenska Dagbladet. Créée en 1786 sur le modèle de l'Académie française, "c'est une vieille institution qui aurait eu besoin d'être réformée depuis longtemps", selon elle.

"Que quelque chose comme cela se produise - jamais je ne l'aurais imaginé", s'étonne auprès de l'AFP Lars Heikensten, directeur de la Fondation Nobel chargée de faire fructifier l'héritage de l'inventeur suédois de la dynamite, Alfred Nobel.

- L'hypothèse coréenne -

En l'absence de littérature, le prix de la paix, le seul Nobel dévoilé et décerné à Oslo, sera au centre de toutes les attentions.

Il n'existe pas de liste officielle de candidats. On connaît seulement leur nombre: ils sont 329 cette année, certains nettement moins crédibles que d'autres.

Le président américain Donald Trump est cité pour sa main tendue au dirigeant nord-coréen Kim Jong Un.

Mais selon Dan Smith, directeur de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), récompenser le locataire de la Maison Blanche serait "inopportun" après son retrait d'accords multilatéraux sur le climat et l'Iran notamment.

Quid du président sud-coréen Moon Jae-in dans ce cas? "Prématuré", poursuit Dan Smith qui rappelle les désillusions après l'attribution du prix de la paix à son prédécesseur Kim Dae-jung en 2000.

Parmi les autres noms cités figurent le célèbre chirurgien congolais, le Dr Denis Mukwege, et la Yazidie Nadia Murad, qui combattent tous deux les violences sexuelles.

Deux agences des Nations unies, le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), sont également nommés parmi les favoris, de même que le blogueur saoudien Raif Badawi et des associations de défense des médias et des droits de l'Homme en Russie.

La saison Nobel s'achèvera lundi 8 octobre avec le prix de sciences économiques à la mémoire d'Alfred Nobel, créé en 1968 par la Banque de Suède.

Chaque prix est doté de 9 millions de couronnes (873.000 euros).

À lire aussi

Sélectionné pour vous