Accueil Actu

Octuple infanticide: la thèse de l'inceste s'écroule au procès Cottrez

Coup de théâtre au procès de Dominique Cottrez, jugée pour octuple infanticide. L'ex-aide-soignante de 51 ans a avoué lundi avoir menti: jamais elle n'a été violée par son père, ni n'a noué de relation incestueuse avec lui, faisant voler en éclats une pièce maîtresse de sa défense.

La révélation a eu lieu à l'issue d'un interrogatoire musclé de son propre avocat, Frank Berton. "Vous allez vous réveiller. Vos filles sont là. (...) Pouvez-vous jurer sur leur tête que votre père vous a violée?", a asséné Me Berton.

"Non, non!", s'est exclamée Mme Cottrez, fondant en larmes et provoquant une clameur de surprise dans la salle d'audience.

La présidente de la cour d'assises du Nord à Douai, Anne Segond, décidait alors de suspendre l'audience, dans la confusion générale.

La clarification est survenue plus tard, pendant le témoignage d'une experte psychologue, interrompu par la demande d'explications des avocats, puis de la cour.

"Vous avez à deux reprises dit non", a dit la présidente d'une voix posée. "Non je n'ai pas été violée par mon père", a répondu Mme Cottrez, alors calmée.

"Il ne vous a pas touchée?" "Non jamais". "Ni enfant, ni adulte?" "Non je n'ai jamais eu de relations avec lui", a déclaré Dominique Cottrez d'une voix faible mais ferme.

En quelques minutes, l'accusée a ainsi démoli l'un des axes principaux de sa propre défense, l'un des motifs avancés, dans ce dossier complexe, pour expliquer comment une mère avait pu étrangler et stocker dans le secret huit de ses nouveaux-nés de 1989 au début des années 2000 à Villers-au-Tertre (Nord).

- 'Se retourner dans sa tombe' -

Dominique Cottrez avait évoqué des viols et une relation incestueuse en 2011 auprès des enquêteurs, afin d'expliquer qu'elle avait tué ces bébés de peur qu'ils ne soient issus d'une union incestueuse.

Au procès, elle avait réitéré ces propos. Dans la grange de la ferme familiale, alors qu'elle était âgée de huit ans, "mon père s'est assis à côté de moi. Il m'a poussée un petit peu, il a commencé à mettre ses mains sur mon corps. Le buste, les jambes, sur les parties sexuelles", avait-elle raconté lundi en début d'après-midi.

"A l'âge de 12 ans, il s'est couché sur moi. Je ne sais pas vraiment s'il y a eu pénétration mais j'ai senti quelque chose", avait-elle poursuivi, la voix étouffée par les sanglots.

Quatre mois après la naissance de sa première fille, Emeline, en 1987, "je me suis rapprochée de lui (son père). C'est là que j'ai... eu des relations sexuelles" avec lui. "Je me sentais seule".

Les aveux à venir de pure affabulation opéraient comme un retour de bâton qui devrait considérablement fragiliser sa position en vue du verdict jeudi, elle qui encourt la perpétuité.

Les avocats des associations d'aide à l'enfance constituées partie civile, ainsi que l'avocat général Eric Vaillant, avaient émis des doutes à l'audience dès vendredi.

"Votre papa c'est quelqu'un qui est toujours apparu comme un brave homme aux yeux des autres", avait encore lancé lundi Eric Vaillant, ajoutant: "Si vous avez inventé, il est en train de se retourner dans sa tombe: +ma fille préférée, ma chouchoute est en train de dire à tout le monde...+.

"Si vous êtes enferrée dans le mensonge, ça va être compliqué d'en sortir, mais il n'est jamais trop tard", avait-il dit.

Quelques éléments, déjà longuement évoqués, restaient à exploiter pour la défense: le complexe de l'obésité, le traumatisme du premier accouchement et l'indifférence pour la vie du foyer de la part de son époux Pierre-Marie Cottrez.

"Elle a quand même gardé six corps à la tête de son lit, pour ça elle ne cherche pas d'explication, et elle se dit: +est-ce que ceux qui me voient ne vont pas me prendre pour un monstre? Je ne suis pas un monstre+", a déclaré son autre avocat, Me Marie-Hélène Carlier, en suspension d'audience.

L'audience a été suspendue jusqu'à mardi. Seront entendus des experts psychiatriques ainsi que les filles de Dominique Cottrez. Celles-ci ont entouré leur mère, en pleurs, pour la consoler en fin de journée.

À la une

Sélectionné pour vous