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Pologne: le président oppose son veto à des réformes controversées de la justice

Le président polonais Andrzej Duda a opposé lundi son veto aux lois sur la Cour suprême et sur le Conseil national de la magistrature qui ont provoqué des manifestations massives dans le pays et des menaces de sanctions sans précédent de la part de l'Union européenne.

Ces lois, qui selon leurs adversaires menaçaient l'indépendance de la justice, seront renvoyées devant le Parlement et il faudrait une majorité des trois-cinquièmes - que les conservateurs de Droit et Justice (PiS) n'ont pas - pour les adopter sous leur forme actuelle.

Le président Duda, issu du PiS et qui semblait jusqu'à présent très proche de ce parti dirigé par l'influent Jaroslaw Kaczynski, a créé la surprise avec sa décision immédiatement saluée par l'opposition.

Cependant, le porte-parole de M. Duda a annoncé que le président signerait une troisième loi controversée sur la justice. Celle-ci permet au ministre de la Justice de remplacer les présidents de tous les tribunaux de droit commun sans en expliquer les raisons.

L'opposition s'est néanmoins félicitée de l'annonce du veto présidentiel. "C'est sans nul doute un pas dans la bonne direction", a déclaré une députée du parti libéral Nowoczesna Kamila Pihowicz-Gasiuk, "une preuve que la pression citoyenne est efficace".

La décision a été annoncée après plusieurs jours de manifestations de rue. "Nous voulons le veto", ont scandé encore la veille des manifestants devant le palais présidentiel. Quelques centaines de personnes s'y trouvaient à nouveau lundi matin.

La semaine dernière, la Commission européenne a sommé Varsovie de "mettre en suspens" ces réformes, agitant la menace de possibles sanctions pouvant aller jusqu'à la suspension de ses droits de vote du pays au sein de l'UE.

Des réserves ont été exprimées aussi par des organisations de magistrats polonais et jusqu'au Département d'Etat américain, tandis que l'opposition politique faisait feu de tout bois, mettant en garde contre "un coup d'Etat".

"J'ai décidé de renvoyer à la Diète, donc d'opposer mon veto, à la loi sur la Cour suprême, ainsi qu'à la loi sur le Conseil national de la magistrature, car elles sont liées entre elles", a dit le chef de l'Etat dans une déclaration retransmise à la télévision.

- 'Besoin de paix' -

Il a réaffirmé le besoin "d'une réforme, mais d'une bonne réforme" du système judiciaire et indiqué avoir procédé à de très nombreuses consultations de juristes au cours du week-end.

"Il n'entre pas dans notre tradition que le procureur général puisse s'ingérer dans le travail de la Cour Suprême" (comme le prévoit la nouvelle loi en question), a dit le président.

Selon la loi polonaise, adoptée par la majorité actuelle, le ministre de la Justice est en même temps le procureur général. Si les lois étaient entrées en vigueur sous leur forme actuelle, le ministre - et la majorité parlementaire - auraient une influence importante tant sur la Cour suprême que sur le Conseil national de la magistrature.

"Je ne veux pas que cette situation s'aggrave, car elle aggrave les divisions dans la société. Il n'y a qu'une seule Pologne, la Pologne a besoin de paix et je m'en sens responsable en tant que président", a déclaré le chef de l'Etat.

PiS a défendu ses réformes, indispensables à ses yeux pour rationaliser le système judiciaire, combattre la corruption et en finir avec "la caste des juges". Les médias publics ont depuis plusieurs semaines cité fréquemment des cas de corruption de juges.

Des députés PiS ont été prudents dans leurs commentaires, alors que leur parti tenait une réunion d'urgence, surpris par la démarche du président.

"Je ne suis pas enthousiaste au sujet de cette décision", a dit à l'AFP le parlementaire conservateur Stanislaw Pieta. "Il va falloir maintenant, dans le calme, quand les émotions vont retomber après les vacances et les esprits seront reposés, préparer une nouvelle loi pour mener jusqu'au bout la grande réforme de la justice en Pologne comme le PiS et le président lui-même l'ont promis", a-t-il ajouté.

Un de ses camarades de parti, Jacek Sasin, a dit à la télévision publique TVP info craindre "qu'à cause de cette décision nous devrons attendre encore longtemps pour véritablement réformer la justice polonaise".

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