Accueil Actu

Poutine s'en prend violemment à l'Occident après l'annexion de quatre régions: un spécialiste analyse son discours

Vladimir Poutine a signé vendredi lors d'une cérémonie au Kremlin l'annexion de quatre régions d'Ukraine que Moscou occupe totalement ou partiellement, appelant Kiev à "cesser immédiatement les hostilités". Le président russe a tenu un discours très dur envers l'Occident, "prêt à tout pour préserver le système néo-colonial qui lui permet de parasiter et, en réalité, de piller le monde entier", selon lui.

Nicolas Gosset a été invité dans le RTL INFO 19H. Interrogé par Luc Gilson, le chercheur à l'Institut royal supérieur de défense et spécialiste de la Russie a partagé son analyse sur la situation et les propos de Vladimir Poutine.

Luc Gilson: Un mot d'abord de ce discours. Il est inquiétant pour vous? Surréaliste?

Nicolas Gosset: Il est en droite ligne de ce que Vladimir Poutine fournit à l'opinion publique russe et au monde depuis le début de cette guerre, et même avant. Il accentue un certain nombre de points sur le revanchisme anti-occidental, la responsabilité proclamée de l'Occident dans ce qui est de toute évidence un acte de sa propre volonté d'envahir le pays voisin. Ce qui me semble intéressant de constater, c'est à quel point cette mise en scène reprend exactement les codes qui avaient suivi l'annexion de la Crimée en 2014. Un peu le même déroulé avec les leaders des républiques autoproclamées qui sont cantonnés sur un coin de cette salle immense, sans voix au chapitre dans l'adhésion de leur entité à la Fédération de Russie. Et dans le même temps, la répétition des griefs particulièrement soutenues envers les occidentaux. Avec une accentuation assez étrange sur la dimension coloniale, alors que la guerre de la Russie en Ukraine prend particulièrement une forme qui apparaît coloniale, avec l'annexion de territoires. Donc on est en pleine dystopie, en pleine fiction sombre du Kremlin où il poursuit sur sa lancée.

Luc Gilson: Maintenant que la Russie a annexé officiellement ces quatre régions, Vladimir Poutine pourrait, comme il l'avait déjà dit, utiliser l'arme nucléaire pour les défendre?

Nicolas Gosset: C'est en tout cas le message qu'il veut envoyer. Donc l'idée, c'est à partir du moment où pour la Russie c'est une partie de son territoire, eh bien la Russie est légitime dans son droit à user de tous les moyens à sa disposition, y compris du nucléaire, pour protéger son territoire

Luc Gilson: Il pourrait vraiment aller jusque-là?

Nicolas Gosset: Je pense qu'on est d'abord dans le déclaratoire, mais effectivement, il y a une part de risque qui est ouverte par la nature du champ décisionnel du Kremlin, par la doctrine nucléaire russe sur le nucléaire tactique qui est assez floue. Il s'agit avant tout de faire peur, de repousser les Ukrainiens. Et puis c'est un discours qui est à destination de l'opinion publique russe. Il s'agit de dire aux Russes "Regardez, notre modèle fonctionne, certains veulent nous rejoindre", pas comme ces Ukrainiens à qui il reproche d'avoir fait le choix de la démocratie.

[…]

Luc Gilson: La population russe est manipulée, endoctrinée par le Kremlin?

Nicolas Gosset: Le champ informationnel est complètement bouclé. Il y a effectivement cette machine de propagande qui fonctionne à plein pot, mais pas depuis l'invasion de l'Ukraine. Là, il était mentionné l'ouverture de ce parc en 2015 (NDLR: un parc d'attractions militaires en Russie), c'est quelque chose qui date depuis au moins une bonne décennie. (C'est) un système éducatif, militaire et patriotique. Donc on voit à quel point l'éducation, l'endoctrinement de la jeunesse fait partie de cette entreprise de réécriture de l'histoire, d'instrumentalisation de l'histoire, de la mémoire, dans le but de créer une confusion intégrale entre le patriotisme et la militarisation de la société. Avec une forme d'endoctrinement des familles, des jeunes, dans le but, on le voit, d'en faire des bons soldats envoyés au front dans un processus de mobilisation. Alors il ne faut pas être dupe. La société ne l'est pas. Il y a effectivement une grosse pénétration de la propagande, mais on voit aussi que de plus en plus le choc de la réalité de la guerre dans la société amène à des tensions sociales, politiques, à des contestations très importantes. D'abord dans les républiques périphériques les plus impactées par la mobilisation, mais c'est très marquant de voir cette hausse des tensions.

À la une

Sélectionné pour vous