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Présidentielle au Kirghizstan: un test pour la démocratie locale

La présidentielle de dimanche au Kirghizstan devrait aboutir à une passation de pouvoir pacifique, un test pour la démocratie locale et une situation exceptionnelle dans l'Asie centrale habituée aux présidents à vie.

Onze candidats se présentent pour ce scrutin au suspense inédit, dont plusieurs anciens Premiers ministres de l'actuel président.

Secoué par deux révolutions en 25 ans d'indépendance, qui ont vu la chute du chef de l'Etat en place en 2005 puis en 2010, et par plusieurs épisodes de violences ethniques, le Kirghizstan est dirigé depuis 2011 par Almazbek Atambaïev qui, selon la Constitution, n'a pas le droit de se représenter.

Sous sa présidence, le Kirghizstan s'est politiquement rapproché de la Russie tout en cherchant du côté de la Chine un soutien économique vital pour le développement du pays. Le règne de M. Atambaïev a été épargné par la violence, mais n'a pas été exempt de mesures répressives et de tensions à l'approche de l'élection.

Reste que la vie politique kirghize contraste fortement avec celle de ses voisins d'Asie centrale, où le règne à vie de présidents autoritaires est la règle. Au-delà de la lutte pour la présidence, les onze candidats à l'élection de dimanche défendront aussi l'image du Kirghizstan.

"Si elle est mal gérée, cette élection pourrait faire voler en éclat la façade démocratique du Kirghizstan. Une stabilité fragile est en jeu", prévient Deirdre Tynan, directrice pour l'Asie centrale du centre d'études International Crisis Group.

"En dépit de progrès techniques dans la façon dont le vote est organisé, le système reste basé sur des campagnes de diffamation, des achats de voix, la coercition et l'utilisation des ressources de l'Etat (pour favoriser des candidats). L'atmosphère est incroyablement tendue", ajoute-t-elle.

- L'argent ou les ressources de l'Etat -

Deux anciens Premiers ministres ont les faveurs des sondages: Sooronbaï Jeenbekov, proche allié de M. Atambaïev, et le riche homme d'affaires Omourbek Babanov.

Dans sa campagne, M. Jeenbekov a bénéficié du soutien de l'Etat, grâce à sa proximité avec le président Atambaïev.

"Alors que nous avons beaucoup d'informations sur M. Babanov et ses opinions politiques, on ne peut pas en dire autant de M. Jeenbekov", explique à l'AFP Azel Doulotkeldieva, analyste politique et maître de conférences à l'université Manas de Bichkek.

Quel que soit le vainqueur, Mme Doolotkeldieva ne s'attend ni à des "réformes profondes", ni à un changement de politique étrangère de la part du nouveau président.

Les médias gouvernementaux dépeignent Omourbek Babanov, 47 ans, comme un candidat antipatriotique et indigne de confiance, une stratégie efficace dans un pays où la richesse est souvent associée à la corruption.

Ces attaques se sont amplifiées après une rencontre, en septembre, entre M. Babanov et Noursoultan Nazarbaïev, l'autoritaire président du Kazakhstan voisin, perçue par certains comme une ingérence dans l'élection kirghize.

"Je ne me sens proche d'aucun candidat", a déclaré à l'AFP Polad Souleïmanov, qui dirige une clinique vétérinaire à Bichkek: "Mais j'aime Babanov encore moins que les autres. La présidentielle est seulement une entreprise commerciale pour lui, il investit maintenant pour en récupérer les bénéfices plus tard".

Les divisions régionales, renforcées par la géographie montagneuse du pays, devraient jouer un rôle clé dans l'élection. M. Babanov espère remporter les voix de sa province natale de Talas, dans le nord-ouest, tandis que Sooronbaï Jeenbekov attend un fort soutien des électeurs de sa région d'Och, dans le sud.

La popularité de plusieurs autres candidats, de Temir Sariyev --un autre ex-Premier ministre-- au nationaliste Adakhan Madoumarov, réduit la possibilité de voir un des deux favoris obtenir plus de 50% des voix, ce qui rend probable la tenue d'un second tour, une perspective que redoutent beaucoup d'électeurs.

Car les révolutions de 2005 et de 2010, marquées par des violences inter-ethniques, avaient commencé par la contestation de résultats électoraux.

"Laissez quelqu'un gagner dimanche et autorisez-nous à reprendre une vie normale", demande Marat Babakoulov, un fermier de la province de Tchouï (nord) interrogé par l'AFP.

"Un million de nos concitoyens sont forcés d'aller en Russie pour trouver du travail. Tout ce qu'on veut, c'est la paix et une économie qui fonctionne".

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