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Rétention des étrangers: "trop souvent abusif" selon les associations

Un usage "toujours massif" et "trop souvent abusif": six associations ont dressé mardi un bilan sévère du placement en rétention des étrangers en situation irrégulière pour l'année 2016, appelant le président Macron à un "changement de cap".

L'an dernier, près de 46.000 personnes ont été placées en rétention, soulignent dans leur rapport annuel les associations habilitées à intervenir en centre de rétention administrative ou CRA (Assfam, Forum-Réfugiés-Cosi, France Terre d'Asile, Cimade, Ordre de Malte).

C'est un peu moins qu'en 2015, qui s'était soldé par 47.500 mesures environ. Malgré tout "de 2012 à 2016, 232.162 personnes ont été privées de liberté" via ce dispositif, soulignent les organisations, qui voient là "le reflet de politiques migratoires axées sur le quantitatif, masquant mal des approches à court terme".

Aussi vont-elles écrire à Emmanuel Macron pour lui demander un "changement de cap réel", et interpeller les élus dans les jours à venir.

La rétention administrative permet de retenir un étranger faisant l'objet d'une décision d'éloignement, dans l'attente de son renvoi forcé.

L'an dernier la majorité des placements en rétention (plus de 24.000 au total) s'est faite en métropole, soit une baisse de 13% "principalement imputable à l'état d'urgence" qui a occasionné des fermetures et des réductions de capacité de certains centres, "conséquence de la réaffectation d’effectifs policiers vers d’autres missions".

Outre-mer en revanche, près de 22.000 mesures ont été décidées au total, en nette hausse. "Le département de Mayotte atteint à lui seul 43% du total national", dans un contexte où "les éloignements forcés sont si rapides (17 heures en moyenne) que seule une faible proportion de personnes peut exercer ses droits", ajoute le rapport.

- "Effarant" à Mayotte -

La durée maximale de la rétention est de 45 jours en France, certes "l'une des plus courtes d'Europe". Mais "au-delà de quelques jours, cet enfermement débouche sur un nombre marginal d'éloignements. En revanche, il génère de fait des traumatismes", estiment les associations.

Selon le rapport, les autorités ont procédé à 9.440 expulsions depuis la rétention en métropole, soit un taux de reconduite de 44%, dont une grosse moitié seulement vers un pays extérieur à l'Union européenne. Vers l'UE en revanche, on compte 1.017 reconduites de migrants "dublinés", c'est-à-dire ayant laissé leurs empreintes dans un autre pays européen.

Depuis l'outre-mer, les autorités ont expulsé 28.142 personnes.

Dans ce décompte, certains sont plus éloignés que d'autres: Roumains (85,6%) ou Albanais (81,7%) notamment, souligne le rapport, qui dénonce un moyen pour certaines préfectures "de gonfler leurs chiffres".

La rétention a surtout concerné des ressortissants algériens (12,4% du total) ou albanais. Mais on compte aussi près de 5% d'Afghans - notamment dans le Pas-de-Calais, où le bidonville de la "Jungle" a été démantelé en octobre. Dans ce département, 630 Afghans ont été placés en rétention ainsi que 250 Irakiens.

"La préfecture du Pas-de-Calais a multiplié les procédés déloyaux et illégaux", accuse le rapport, qui dresse plus généralement, dans l'ensemble des CRA, le constat "d'une année marquée par la multiplication des pratiques abusives de la part de l'administration : préfectures qui éloignent malgré un recours suspensif, tentatives ou exécutions de renvoi vers des pays à risques..."

S'agissant des mineurs, le rapport dénonce des chiffres "effarants" à Mayotte, où "4.285 enfants ont été placés en rétention" contre "182 pour toute la métropole".

"À Mayotte, l’enfermement des enfants en rétention continue à être massif et à s’exercer en violation de tous les standards du droit interne comme européen", déplore le rapport.

Au bout du compte, "plutôt qu’une alternative, l'assignation à résidence apparaît surtout comme une mesure de contrôle qui s'ajoute à la rétention", déplorent les associations, contrairement à l'esprit de la loi de 2016 sur le droit des étrangers.

Aussi cette loi, même si elle a permis une intervention plus rapide du juge judiciaire, constitue-t-elle "globalement un recul des droits", selon elles.

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