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Surveillants de prison: des conditions détériorées préjudiciables aux détenus

Sous-effectifs, promiscuité, violence: un rapport inédit de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) Adeline Hazan pointe des conditions de travail détériorées des surveillants de prison et autres lieux d'enfermement et leur impact préjudiciable sur les droits des détenus.

Ce rapport thématique intervient dans un contexte tendu dans les prisons françaises marqué par la surpopulation carcérale et des mouvements de grogne de surveillants qui dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail.

Instituée en 2008 pour veiller à la protection des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, la CFLPL a toujours considéré que les droits en prison, en garde à vue en rétention ou dans le cadre d'une hospitalisation sans consentement étaient "directement tributaire" des "conditions de travail" du personnel d'encadrement.

Il n'y a pas de "concurrence de droits" entre détenus et encadrants mais "une réelle communauté d'intérêts", soutient encore aujourd'hui la contrôleure pour qui "le respect et la satisfaction des droits des personnes enfermées est un facteur essentiel de sérénité de la prise en charge et donc de la sécurité des établissements".

Le problème est que les sous-effectifs et les difficultés des conditions de travail apparaissent aujourd'hui comme autant d'obstacles à ces rapports pacifiés, notamment dans les prisons françaises, note-t-elle. Bruit, pression liée à la surpopulation carcérale, enfermement, promiscuité, violence, vétusté des locaux... "on comprend la notion de +choc carcéral+ appliquée au personnel débutant", note le rapport.

D’où des problèmes récurrents de recrutement, d'absentéisme et de manque de stabilité du personnel qui placent souvent en première ligne des agents inexpérimentés, voire des stagiaires ou des vacataires.

Ce manque de personnel a pour conséquence de réduire les droits des détenus, notamment pour l'accès aux douches, aux promenades, aux activités socio-éducatives ou aux sports. Dans certaines prisons, des détenus ont été regroupés dans des cellules avec matelas au sol, après la fermeture de cellules qu'on ne pouvait plus surveiller faute de personnel, constate le rapport.

- 'Mieux vaut un pendu qu'un évadé' -

A ces questions s'ajoute celle de l'équilibre entre les droits des détenus et l'impératif de sécurité, ce dernier étant le plus souvent privilégié. "Au regard des conséquences disciplinaires, +il vaut mieux avoir un pendu qu'un évadé+", résume un syndicat cité dans le rapport.

Autre difficulté, le risque d'abus liés aux relations de pouvoir et de dépendance entre surveillants et détenus. Dans un établissement, des agents ont présenté à la contrôleure les mesures de contraintes comme "une manière de conduire un détenu à un amendement moral par l'humiliation".

Les fouilles à nu peuvent également "constituer pour le personnel un moyen de rétorsion", constate le rapport. Elles appartiennent à "la face +invisible+ du fonctionnement d'un établissement pénitentiaire. L'ordonner, "c'est montrer de quel côté se trouve l'autorité".

La CGLPL a par ailleurs précisé avoir été destinataire de témoignages de "comportements non-professionnels" d'agents sur des détenus, passibles de sanctions, soulignant "la disproportion" entre le nombre de faits signalés et le nombre réduit des poursuites.

Le rapport se fonde sur neuf années de visites et de constats dans les prisons mais aussi sur les retours de questionnaires et d'entretiens réalisés avec des responsables administratifs, professionnels et syndicaux. La contrôleure formule plus d'une trentaine de recommandations pour remédier aux dysfonctionnements constatés.

Parmi ces propositions, le rapport préconise que les effectifs de référence des établissements soient établis en fonction de la charge de travail réelle des agents et non de la capacité théorique d'occupation des locaux. Il prône une aide à la prise de fonction des nouveau agents, une formation à la prévention et à la gestion de la violence.

La contrôleure recommande aussi un renforcement de la transmission des règles déontologiques avec la mise en place d'instances dédiées, un rappel par l'administration de l'obligation de signalement par les agents des manquements aux droits des personnes détenues, l'instauration d'une protection des "lanceurs d'alerte" et d'un numéro de matricule pour identifier les agents en uniforme.

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