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Travail, amour et aventures, les promesses de l'EI à ses recrues

Loin des images monstrueuses de décapitation ou de lapidation, le groupe État islamique (EI) propose travail, aventures et même amour aux recrues occidentales qui rejoignent son "califat" à cheval sur la Syrie et l'Irak.

"L'EI vend l'utopie islamiste aux jeunes gens et filles",explique Lina Khatib, directrice du Centre Carnegie pour le Moyen-Orient, basé à Beyrouth. "Il leur fait miroiter qu'ils peuvent jouer un rôle important dans le seul État islamique au monde".

Utilisant des techniques sophistiquées de recrutement, les jihadistes ont ainsi attiré des centaines de sympathisants occidentaux vers son "califat" de quelque 200.000 km2, un territoire largement désertique plus grand que la Jordanie ou la Tunisie, où vivent environ 6 millions de personnes.

Au début, leur propagande visait essentiellement les jeunes hommes, appelés à grossir les rangs des combattants. Elle s'est progressivement élargie aux jeunes femmes, comme l'illustre le départ en février de Londres de trois adolescentes britanniques de 16 et 15 ans vers la Syrie, via la Turquie.

Le nombre d'Occidentaux sur les terres de l'EI est évalué par les spécialistes à 3.000, dont environ 550 femmes.

Les experts affirment que beaucoup d'"émigrants" sont choqués par ce qu'ils découvrent sur place. Mais il est alors trop tard. Il n'y a pas de ticket retour.

Dans l'affaire très médiatisée des trois fugueuses britanniques, l'une d'elles semble avoir été en contact avec Aqsa Mahmood, une jeune femme qui serait partie l'an dernier de Glasgow pour rejoindre la Syrie où elle a épousé un combattant jihadiste.

Le blog en anglais de Mahmood, intitulé "le journal de Mouhajira" ("le journal d'une émigrée"), est devenu l'un des principaux outils de propagande féminine de l'EI.

"Ici pas de loyer à débourser. Les maisons sont gratuites. Nous ne payons ni l'eau, ni l'électricité. En plus, nous recevons chaque mois un colis de nourriture, avec des spaghettis, des pâtes, des boîtes de conserve, du riz, des œufs", y écrit la jeune femme.

Ce territoire, ajoute-t-elle, offre des emplois et notamment dans les domaines de l'éducation et de la santé pour les femmes qui veulent être actives.

- 'Un mari halal' -

Le mariage est valorisé. Selon elle, l’époux jihadiste obtient sept jours de congés pour célébrer ses noces. Les épouses peuvent choisir leur dot, mais aux bijoux, elles préfèrent souvent une kalachnikov.

"Les mariés reçoivent 700 dollars et s'il n'y pas de feu d'artifice, il y a des tirs de joie et de nombreux Takbir", le célèbre "Allah Akbar" ("Dieu est grand"), raconte-t-elle.

Sur son site figure la photo d'un combattant barbu et de sa jeune épousée tout de blanc vêtue avec cette légende: "Jusqu'à ce que le martyre nous sépare".

Répondant à une jeune fille chiffonnée à l'idée de quitter son petit copain pour aller en Syrie, la recruteuse la tranquillise: "Je t'assure qu'un jour quelqu'un t'étreindra si fort qu'il recollera ton cœur brisé. Oui tu auras un mari halal", conforme à la loi islamique.

L'EI possède d'autres hameçons, comme le magazine anglophone en ligne Dabiq. "Il y a plein de maisons et d'avantages matériels pour te satisfaire, toi et ta famille", assure la revue. Selon des responsables irakiens, l'EI distribue à ses combattants les maisons vidées par des habitants ayant fuit.

Dans une rubrique d'offres d'emploi, Dabiq précise rechercher "des juges, des personnes ayant des connaissances militaires ou administratives, des médecins et des ingénieurs".

- 'Un projet vide' -

La chercheuse Lina Khatib est persuadée que les propagandistes comme Aqsa Mahmood agissent sous la supervision de de l'EI.

Si cette blogueuse "existe réellement, il ne fait aucun doute qu'elle est contrôlée par l'EI. Elle est un instrument du recrutement", dit-elle.

"Les filles qui rejoignent cette organisation sont en quête d'aventures (...) et certaines se projettent dans un monde imaginaire, en rêvant de se marier avec un combattant", assure pour sa part Hassan Hassan, auteur du livre "EI: à l’intérieur de l'armée de la terreur".

Mais une fois ce rêve évanoui, de nombreuses recrues s'aperçoivent que sortir des mailles de l'EI peut leur coûter la vie.

Plus de 120 personnes auraient ainsi été tuées entre octobre et décembre en voulant s'échapper des territoires de l'EI, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

"J'ai interrogé deux jeunes gens qui ont réussi à revenir. Ils étaient amers et avait le sentiment d'avoir été roulés", assure Lina Khatib. Au lieu de l'"utopie" promise par l'EI, ils avaient découvert un lieu régi par "l'oppression et l’interdiction de réfléchir".

"Ils avaient le sentiment de s'être embarqués dans un projet vide", selon la chercheuse.

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