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Tensions entre Washington et Islamabad après l'annonce de la stratégie afghane des Etats-Unis

Les États-Unis ont commencé mardi à mettre en musique la stratégie de Donald Trump pour l'Afghanistan en menaçant le Pakistan de lui retirer son statut d'allié privilégié, une attitude dénoncée par Islamabad.

La décision du président américain de renforcer la présence militaire américaine en Afghanistan, à rebours du retrait évoqué avant son élection, a été saluée comme "historique" par Kaboul, mais les insurgés talibans ont promis en retour le "jihad".

En dévoilant sa stratégie très attendue dans un pays où l'armée américaine est en guerre depuis 2001, Donald Trump a estimé lundi qu'un retrait créerait un vide qui profiterait aux "terroristes", d'Al-Qaïda comme du groupe État islamique.

Volontairement avare de détails sur le plan militaire, il a mis l'accent sur la pression accrue de son administration sur le Pakistan voisin, sommé de cesser "immédiatement" de donner "refuge" aux "terroristes". Islamabad est jugé trop tendre à l'égard du réseau Haqqani, allié des talibans afghans.

Le secrétaire d’État Rex Tillerson a esquissé mardi les mesures qui pourraient traduire cette pression renouvelée. Une réduction de l'aide américaine, des sanctions, voire le retrait du statut d'"allié majeur non-membre de l'Otan" dont bénéficie Islamabad: "nous avons quelques moyens de pression", a prévenu le chef de la diplomatie américaine, "toutes ces choses sont sur la table si, dans les faits, ils refusent de changer d'attitude".

Il a refusé de dire si cela pouvait aussi se traduire par des frappes américaines au Pakistan. "Mais le président a dit très clairement que nous allons attaquer les terroristes où qu'ils se trouvent", a-t-il glissé.

Rex Tillerson a insisté sur la dimension "régionale" de cette stratégie. Et les réactions n'ont pas tardé dans la région.

- "Énormes sacrifices" -

Le ministère pakistanais des Affaires étrangères a jugé "décevantes" les critiques américaines. "Aucun pays au monde n'a davantage souffert que le Pakistan du fléau du terrorisme", a-t-il estimé, "les déclarations américaines ignorent" ses "énormes sacrifices".

Mais le chef de la diplomatie Khawaja Muhammad Asif a aussi fait valoir "son désir de paix et de stabilité".

Islamabad a reçu le soutien de la Chine, voisine et proche partenaire, qui a loué ses "grandes contributions à la lutte contre le terrorisme".

L'Inde, rival nucléaire du Pakistan dont ce dernier cherche à contrer l'influence en Afghanistan, a de son côté répondu positivement à l'appel américain à une plus grande implication dans la résolution du conflit afghan, assurant partager "ces inquiétudes et ces objectifs".

En Afghanistan, le soulagement était perceptible. "Aujourd'hui, l'Amérique a montré qu'elle était avec nous, sans limite dans le temps", s'est réjoui le président afghan Ashraf Ghani lors d'une visite aux troupes à Kandahar, berceau des talibans afghans.

Aux talibans, M. Ghani a lancé, en échos aux propos des dirigeants américains: "vous ne pouvez gagner cette guerre. Les portes de la paix et de la négociation vous sont ouvertes".

Rex Tillerson a assuré que les États-Unis étaient prêts à soutenir des pourparlers de paix entre Kaboul et les talibans "sans condition préalable". "Nous ne gagnerons peut-être pas mais vous pas davantage. A un moment donné il faudra négocier", a-t-il lancé mardi.

Mais sans surprise, les talibans se sont montrés peu enclins à rendre les armes ou à négocier.

"Tant qu'il y aura un seul soldat américain sur notre sol, et qu'ils continuent à nous imposer la guerre, nous continuerons notre jihad", ont-ils menacé, revendiquant un tir de roquette ayant visé l'ambassade américaine à Kaboul tard lundi.

Sur le terrain, M. Trump a donné son feu vert pour le déploiement d'un maximum de 3.900 soldats américains en plus des 8.400 actuellement présents en Afghanistan au sein d'une force internationale comptant au total 13.500 hommes, selon un haut responsable américain.

Si une telle hausse n'est pas spectaculaire (les États-Unis comptaient 100.000 soldats sur place il y a sept ans), elle marque une inversion de tendance.

Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, a salué mardi cette "nouvelle approche" et assuré que l'Alliance atlantique, intervenue en Afghanistan au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 à la demande de Washington, ne laisserait jamais le pays "redevenir un sanctuaire pour terroristes".

Seize ans après, le fragile édifice démocratique afghan est menacé par une insurrection en plein essor et une corruption déstabilisatrice.

S'ils ont réclamé des réformes aux autorités afghanes, les États-Unis refusent désormais de leur donner des leçons de démocratie. "Ils peuvent choisir la forme de gouvernement qui s'adapte le mieux aux besoins des Afghans, dès lors qu'ils rejettent le terrorisme", a assuré Rex Tillerson.

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