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Tueries à Paris: des rescapés de la Shoah craignent "une répétition de l'Histoire"

Ida, Marceline, Sarah, Henri, Charles et Victor, déportés enfants, témoignent de l'enfer des camps dans un livre et, après la tuerie de l'Hyper Cacher, mettent en garde: "La Shoah n'a pas vacciné le monde. Il faut extirper la bête immonde qui ressurgit."

"Nous sommes très inquiets. On craint une répétition de l'histoire après ce qui vient de se passer à Paris", réagit Henri Borlant, 87 ans, seul survivant des 6.000 enfants juifs de France de moins de 16 ans déportés à Auschwitz en 1942. "C'est arrivé, ça peut arriver encore", poursuit ce médecin à la retraite citant l'écrivain italien Primo Levi, lui aussi rescapé des camps.

Puis, il lance: "Ceux qui veulent savoir, pourront toujours savoir, même quand nous aurons tous disparu. Les négationnistes, on les emmerde, ils savent que tout est vrai, ce sont des nostalgiques du nazisme."

"Cette fois, c'est beaucoup plus grave car à l'attaque antisémite s'ajoute celle contre Charlie Hebdo et c'est notre démocratie qu'on veut tuer", assène Ida Grinspan, née à Paris en 1929 et déportée à 14 ans à Auschwitz-Birkenau.

"On veut faire taire la liberté d'expression. On a été trop laxiste. Il faut que l'Europe et le monde se réveillent, ne pas s'arrêter au réconfort de la marche du 11 janvier", ajoute Ida, qui aurait été gazée si sa mère de l'avait pas coiffée pour qu'elle paraisse plus âgée. "Ma vie a tenu à un cheveu."

Marceline Loridan-Ivens, déportée à Auschwitz-Birkenau à 15 ans, par le même convoi que Simone Veil, renchérit: "Je n'ai pas envie d'être protégée parce que je suis juive. J'ai envie d'être libre. La manif dimanche était belle, il y a eu de belles paroles... Mais une vraie prise de conscience est nécessaire pour empêcher de nouvelles dictatures."

"Il faut aujourd'hui avoir le courage de dire aux musulmans de France qu'ils doivent protester contre cette barbarie", estime cette cinéaste née en 1928.

- 'Témoigner pour ne pas oublier' -

Chacun de ces six survivants a déjà écrit un livre pour parler de sa déportation. Tous témoignent dans les écoles. Ida a plusieurs fois accompagné des élèves à Auschwitz.

A l'occasion du 70e anniversaire de la libération des camps, ils reprennent ensemble la plume dans "Traces de l'enfer" (Larousse) à paraître le 17 mars.

Cet ouvrage relate leur effroyable arrestation, l'horreur des camps et les terribles difficultés du retour à la vie.

"On a tous encore un camp dans la tête. J'ai perdu cinquante personnes de ma famille en France et en Pologne", confie Marceline.

Le livre reproduit aussi copies d'interrogatoires, lettres envoyées à Drancy, récépissé de l'étoile jaune et documents personnels, dont beaucoup inédits.

Particulièrement ébranlé, Victor Pérahia, arrêté à 7 ans et déporté à 9 ans à Bergen-Belsen, habite la rue où a eu lieu la prise d'otages de l'Hyper Cacher.

Il a mis 40 ans avant de pouvoir parler de sa déportation. "Quand on est revenu des camps, personne ne nous a aidés. Les déportés étaient encombrants."

"Il n'y avait pas de tapis rouge.... Ni de cellule psychologique comme maintenant. On nous donnait 100 francs et débrouille-toi!"

Tous reconnaissent l'importance "de témoigner pour ne pas oublier". Jamais.

"Il faut sensibiliser les jeunes contre le racisme, la discrimination, l'antisémitisme, les pires fléaux de l'humanité", relève Victor.

Sarah Montard, déportée à 16 ans à Auschwitz-Birkenau, dit transmettre aux élèves "un message de tolérance et de vigilance contre les extrémistes qui veulent les embobiner".

"Moi, j'incite aussi les jeunes à voter pour empêcher les partis xénophobes et racistes d'arriver au pouvoir", renchérit Henri.

Dans les classes, la plupart des élèves sont attentifs, émus. D'autres, ne veulent pas écouter.

"Quand je passe un film sur la Shoah, certains font du bruit, claquent des doigts dans le noir", raconte Marceline. "Il faut être conscient des réalités et prendre des mesures."

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