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Turquie: coup de filet contre l'extrême gauche après la prise d'otage d'Istanbul

La police turque a opéré mercredi dans tout le pays un vaste coup de filet parmi les proches du groupe clandestin d'extrême gauche à l'origine de la prise d'otage qui s'est soldée la veille par la mort d'un magistrat et des deux militants qui le retenaient.

En début de matinée, les forces de l'ordre ont interpellé à Antalya (sud) 22 étudiants soupçonnés de liens avec le Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C), qui a revendiqué la prise d'otage de mardi.

Selon l'agence de presse Dogan, la police a lancé son raid après avoir reçu des renseignements laissant penser que le DHKP-C préparait une opération similaires à celle menée au palais de justice d'Istanbul.

Interrogé par Dogan, un avocat des étudiants arrêtés a démenti ces allégations.

Dans la foulée, cinq membres présumés du DHKP-C ont été arrêtés à Izmir (ouest), où des documents et des munitions ont été saisies, puis cinq autres à Eskisehir (centre).

Les unités spéciales des forces de l'ordre sont intervenues mardi soir contre deux militants armés proches de ce groupe radical marxiste qui retenaient depuis plusieurs heures un magistrat et menaçaient de le tuer.

Les deux preneurs d'otage ont été tués lors de l'opération et le procureur Mehmet Selim Kiraz est décédé deux heures plus tard à l'hôpital, atteint dans des circonstances qui restent à éclaircir de plusieurs balles à la tête et à la poitrine.

Ce magistrat enquêtait sur les circonstances de la mort de Berkin Elvan, un adolescent décédé le 11 mars 2014 après 269 jours d'un coma provoqué par le tir d'une grenade lacrymogène de la police à Istanbul lors d'une manifestation en juin 2013.

Un hommage lui a été rendu mercredi matin au palais de justice de Caglayan, sur la rive européenne de la mégapole turque, devant des centaines de ses collègues magistrats et avocats. "Nous ne t'oublierons pas, toi notre martyr", proclamait une large bannière déployée au cœur de l'immense bâtiment.

- Fermeté -

Le Premier ministre islamo-conservateur Ahmet Davutoglu a assisté à la mi-journée à ses obsèques religieuses à Istanbul.

Le chef de la police d'Istanbul Selami Altinok a justifié l'intervention de ses hommes en expliquant qu'elle avait été provoquée par des coups de feu tirés dans la pièce où les deux militants, âgés d'une vingtaine d'années, retenaient leur otage.

"Nous avons fait tout ce qui était possible" pour obtenir leur reddition, a expliqué à la presse Selami Altinok juste après l'opération.

A deux mois des élections législatives du 7 juin, M. Davutoglu a défendu la fermeté des forces de l'ordre. "Cette opération a largement atteint son objectif", a-t-il jugé mardi soir, "personne ne doit douter que nous continuerons à combattre le terrorisme avec détermination et par tous les moyens".

Selon les médias turcs, le commando qui a pris en otage le procureur Kiraz exigeait que les policiers à ses yeux responsables de la mort de Berkin Elvan fassent une "confession publique" et qu'ils soient traduits devant un "tribunal du peuple".

Aucun policier n'a pour l'heure été formellement mis en cause dans l'enquête ouverte il y a plusieurs mois par le magistrat.

En mars 2014, l'annonce du décès de l'adolescent, âgé de 15 ans, avait fait descendre des centaines de milliers de personnes dans les rues de Turquie. De nombreux manifestants ont encore commémoré sa disparition le 11 mars dernier dans tout le pays.

Le cas de Berkin Elvan est devenu un symbole de la violente répression exercée par le pouvoir en 2013 et de la dérive autoritaire que lui reprochent ses détracteurs.

Un homme armé a été arrêté mercredi matin par la police après avoir pénétré dans un local du parti au pouvoir à Istanbul, un incident sans lien apparent avec la prise d'otage.

En visite en Roumanie, le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé qu'il écourtait son séjour pour rentrer dès mercredi soir dans son pays. "Il est essentiel que ceux qui croient la démocratie se lèvent contre ces attaques", a-t-il déclaré.

Les tensions politiques sont vives en Turquie à la veille des législatives, où le président Erdogan s'est fixé comme objectif de rafler 400 des 550 sièges de députés afin de pouvoir réformer à sa main la Constitution.

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