Accueil Actu

Turquie: au début de son procès, la défense de l'imam Gülen dénonce un "lynchage" politique

Le procès de l'imam turc Fethullah Gülen, ancien allié devenu bête noire du président Recep Tayyip Erdogan, s'est ouvert mercredi à Istanbul en son absence mais sous les vives critiques de la défense qui a dénoncé un "lynchage" politique.

Retiré depuis plus de quinze ans aux Etats-Unis, M. Gülen, 74 ans, est poursuivi pour avoir tenté de renverser le gouvernement islamo-conservateur de M. Erdogan il y a deux ans en fabriquant de toutes pièces des allégations de corruption.

Au terme de son enquête, le parquet d'Istanbul a réclamé contre le prédicateur la plus lourde peine prévue par la loi turque, la prison à vie.

En l'absence de M. Gülen, l'ex-patron de la police d'Istanbul Yakup Saygili et son adjoint en charge des affaires criminelles Kazim Aksoy constituent les têtes d'affiche du banc des accusés, au milieu d'une soixantaine d'autres policiers.

Tous risquent des peines allant de 7 à 330 années de réclusion criminelle pour avoir piloté ou participé à l'enquête qui a visé en décembre 2013 plusieurs ministres et des proches de M. Erdogan, dont son propre fils Bilal.

Dès l'ouverture des débats, les avocats de la défense se sont appliqués à démonter à la barre les accusations portées contre leurs clients.

"C'est une honte que tous ces gens qui ne feraient pas de mal à une mouche soient présentés comme des terroristes !", s'est indigné Murat Erdogan au nom des deux anciens responsables policiers. "Il ne s'agit là que d'un lynchage judiciaire".

"Il n'existe aucune preuve concrète que mon client ait participé à une quelconque activité illégale", a renchéri son confrère Nurullah Albayrak.

Sur un mode ironique, le défenseur de Fethullah Gülen a abondamment cité le réquisitoire du procureur qui évoque le "réseau de tricherie" prétendument construit par son client au coeur de l'Etat turc et censé "mettre en péril notre République".

"Comme vous le voyez, cet acte d'accusation ressemble plus à un scénario de comédie, rempli de théories de la conspiration et de mythes, sans une once de preuve démontrant un quelconque crime", a conclu M. Albayrak.

- 'McCarthysme' -

Promoteur d'un islam modéré, M. Gülen dirige un vaste réseau d'écoles, d'ONG, d'entreprises et de médias sur lequel M. Erdogan s'est longtemps appuyé pour asseoir son autorité sur la Turquie après l'arrivée au pouvoir de son parti en 2002.

Mais celui qui était alors Premier ministre lui a déclaré publiquement la guerre à partir de décembre 2013, convaincu que son ex-allié avait piloté les enquêtes anticorruption ouvertes contre plusieurs de ses ministres et des membres de sa famille.

Ce scandale a provoqué le départ de quatre ministres et fait les délices des réseaux sociaux, qui ont reproduit les extraits de conversations téléphoniques très compromettantes pour M. Erdogan et son propre fils Bilal.

Sérieusement malmené, le Premier ministre de l'époque n'en a pas moins remporté les municipales de mars 2014 et, cinq mois plus tard, été élu à la tête de l'Etat.

Au prix de purges sans précédent, notamment dans la police et la justice, M. Erdogan a fait classer sans suite toutes les investigations qui le visaient. Et il a ordonné des représailles tous azimuts contre les partisans de l'imam et ses intérêts financiers.

Au total, 1.800 personnes soupçonnées d'appartenir à la nébuleuse güleniste ont été arrêtées depuis, selon les médias proches du pouvoir. Malgré ses demandes répétées, le chef de l'Etat n'a toutefois pas obtenu de Washington l'extradition de son ennemi.

"Aujourd'hui, devant le monde entier, on assiste à une campagne de lynchage face à une groupe d'activisme social qui dépasse le McCarthysme aux Etats-Unis", a déclaré mercredi à l'AFP Erkam Tufan Aytav, vice-président de la Fondation des écrivains et des journalistes, proche du mouvement "hizmet" ("service" en turc) de M. Gülen.

La liste des plaignants dévoilée mercredi à l'ouverture du procès d'Istanbul a confirmé le caractère très politique de la lutte contre ce que M. Erdogan appelle "l'Etat parallèle".

Outre le chef de l'Etat, on y retrouve son fils Bilal, le Premier ministre Ahmet Davutoglu, plusieurs ministres ou ex-ministres et le chef des services secrets Hakan Fidan.

Le procès se poursuit jeudi.

À la une

Sélectionné pour vous