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Turquie: un film sur la vie du "héros valeureux" Erdogan va sortir... juste avant le référendum pour lui accorder plus de pouvoir (vidéos)

Un film biographique longtemps attendu sur le président Recep Tayyip Erdogan doit sortir en salles en Turquie, quelques semaines avant un référendum sur une réforme constitutionnelle visant à élargir les pouvoirs du chef de l'Etat.

Intitulé "Reis" ("Le Chef"), le film, première oeuvre de fiction sur la vie de M. Erdogan, retrace son parcours, de son enfance dans le quartier populaire de Kasimpasa sur les rives de la Corne d'Or, à Istanbul, à son mandat de maire de la métropole de 1994 à 1998.

La sortie du film est prévue le 3 mars, soit six semaines avant un référendum, le 16 avril, sur une réforme constitutionnelle controversée qui vise à présidentaliser le régime turc, ce qui renforcerait considérablement les pouvoirs de M. Erdogan.

Les scénaristes ont tenté de reproduire à l'écran le ton enflammé du président Erdogan, réputé pour ses qualités de tribun. "Une personne ne meurt qu'une fois, si nous devons mourir, alors mourons comme des hommes!", lance ainsi le personnage principal dans une scène de la bande-annonce.


Propagande?

La sortie du film juste avant le référendum, alors qu'elle était initialement prévue en mars 2016, a suscité de nombreuses interrogations.

L'un des moments-clé du film est le récit de l'emprisonnement de M. Erdogan, incarcéré pendant quatre mois en 1999 pour avoir récité en public un poème religieux considéré comme une "incitation à la haine" par les juges alors qu'il était maire d'Istanbul. Pour les partisans du parti AKP au pouvoir, cet épisode reste l'un des symboles du traitement injuste réservé aux Turcs pieux par l'élite laïque.

Dans une des bandes-annonces publiées en ligne (la première au bas de cet article), un jeune garçon (qui n'est pas Erdogan) regarde son grand-père se faire battre pour avoir lancé un appel à la prière en arabe, ce qui était interdit de 1932 à 1950. Comme un symbole de la puissance de l'islam face aux militaires laïcs, le jeune garçon récite la prière en arabe après avoir assisté à ces violences.

Dans une autre scène entendant illustrer l'oppression des religieux par les militaires, le jeune garçon devenu adulte est empoigné par des soldats tandis qu'il récite sa prière chez lui, à cause de son opposition à l'exécution du Premier ministre Adnan Menderes. M. Menderes, qui a levé l'interdiction qui pesait contre les appels à la prière en arabe, a été exécuté après le coup d'Etat militaire de 1960. La scène, qui se déroule en septembre 1961, se termine sur le jeune Erdogan, âgé de 7 ans à l'époque, observant l'arrestation avec défi tandis que le narrateur affirme qu'un "héros valeureux" va grandir pour se battre contre de telles persécutions.

"Ce film est entièrement à nous. Ce n'est pas de la propagande", se défend toutefois le réalisateur, affirmant qu'il n'y a eu aucune intervention extérieure. "Mon film peut avoir une utilité politique pour certains ou être une contrainte pour d'autres, cela ne m'intéresse pas", ajoute-t-il.

M. Yavuz, qui a précédemment travaillé pour la chaîne de télévision publique TRT, affirme ne pas avoir eu besoin de l'autorisation du président pour ce projet.

Selon les médias turcs, le film sera également diffusé en Allemagne, en France et en Grande-Bretagne.

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