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Une collection unique d'estampes japonaises exposée à Varsovie

Jerzy Leskowicz a une passion inassouvie pour les premiers tirages d'estampes japonaises et la célèbre "Grande vague au large de Kanagawa" de Hokusai n'est qu'une parmi tant d'autres que compte sa collection, exposée depuis ce week-end au Musée national de Varsovie.

Devant le célèbre "Pont Ohashi sous la pluie" d'Utagawa Hiroshige, adoré par Van Gogh, cet entrepreneur en immobilier franco-polonais de 71 ans à la moustache blanche ne cache pas sa fierté.

"Pratiquement tous les paysages de Van Gogh sont inspirés de Hiroshige", lance-t-il à l'AFP.

"Van Gogh a carrément copié des estampes japonaises et essayé même de reproduire les signatures apposées dessus", ajoute Anna Katarzyna Maleszko, commissaire de l'exposition.

La plus grande fierté de M. Leskowicz est la célèbre série des "69 stations sur la route du Kisokaido", dessinée par Hiroshige et Keisai Eisen. Elle contient de sublimes paysages et scènes de vie des marchands, des paysans et des nobles du Japon du XIX siècle, soit la fin de l'époque Edo.

"C'est une série extraordinaire où vous avez toutes les premières signatures, tous les premiers éditeurs. Elle a été présentée au Japon au début des années 2000 et aux Etats-Unis. C'est la première fois qu'elle est présentée en Europe", déclare le collectionneur.

La série fera prochainement l'objet d'un album pour lequel M. Leskowicz a signé avec les éditions Taschen.

- Entre Edo et Kyoto -

Sur quelque 2.000 pièces que compte sa collection, près de 1.300 sont des premiers tirages.

A l'origine, ces estampes de l'école Ukiyo-e, soit "l'image du monde flottant" en japonais, étaient destinées au grand public, aussi bien à des gens simples qu'à ceux qui fréquentaient le théâtre Kabuki.

Une fois arrivées en Europe vers la fin du XIXe siècle, ces estampes polychromes avec leurs traits précis, perspectives inédites et couleurs dégradées ont bouleversé l'art occidental.

Quelque 300 planches de la collection de M. Leskowicz, présentée pour la première fois au public, seront exposées au Musée national jusqu'au 7 mai.

"L'exposition 'Le voyage à Edo' est conçue de façon à permettre au visiteur de faire le chemin entre Edo (aujourd'hui Tokyo) et Kyoto, en admirant les paysages, en observant les gens. Le tout pour restituer un peu l'esprit de l'ancien Japon", explique Mme Maleszko.

Jerzy Leskowicz a hérité cette passion de son père Aleksander, qui fut un grand collectionneur de livres anciens, connu dans la Pologne d'avant 1939. Sa collection a été détruite pendant la guerre et le fils est en train de la reconstituer peu à peu.

"Lorsque j'avais cinq, six ans, mon père me prenait sur ses genoux et me montrait ses manuscrits, ses incunables. Il me racontait des histoires. J'étais obligé d'écouter, même si je préférais jouer au ballon. Mais quelque chose rentrait quand même dans la tête", se souvient-il en souriant.

"Après, j'ai commencé à collectionner des timbres, ceux des colonies, des pays qui n'existent plus aujourd'hui. Ces timbres étaient mes voyages. La Pologne à l'époque était un pays fermé, on ne pouvait pas voyager", raconte-t-il.

Emigré en France au début des années 1970, il fait des études d'architecture avant de se lancer, avec succès, dans l'immobilier.

- Un travail d'équipe -

Puis il s'intéresse à l'estampe japonaise. "A Paris, en face de mon bureau, il y avait une petite boutique d'art asiatique où j'adorais passer mon temps, discuter, regarder", se rappelle-t-il. "Les estampes japonaises, c'est addictif, c'est quelque chose qui vous invite au voyage. Tout y est fascinant: l'histoire, la culture, la poésie".

Il n'est pas prêt d'oublier la première estampe qu'il avait achetée et qui s'est avéré être de piètre qualité. Depuis, il ne jure que par les premiers tirages.

L'estampe est l'oeuvre de plusieurs artistes, explique le collectionneur: le premier, c'est le dessinateur, le deuxième celui qui fait la planche et le troisième, très important, c'est l'imprimeur qui applique la peinture à la main sur plusieurs planches, avec des nuances. "Pendant la première impression, l'artiste est souvent là et dirige un peu ce qui se passe".

Le professeur Shugo Asano, un expert international reconnu d'Ukiyo-e et auteur d'un essai publié dans le catalogue de l'exposition, reconnaît que "ses yeux brillent" devant la collection présentée à Varsovie. "Je suis plein d'admiration et surpris par le fait que M. Leskowicz ait réussi à rassembler tant de choses rares d'aussi bonne qualité".

"Une fois que vous avez commencé, c'est très dur d'arrêter", assure le collectionneur, toujours loin d'assouvir sa passion.

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