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Son job, pilote de drone: il tue des Talibans à 10.000 km de distance puis va chercher ses enfants à l'école

Un pilote de drones combat les talibans depuis une base militaire proche de Las Vegas le jour, et rentre chez lui le soir. "Good Kill", d'Andrew Nicoll, propose une réflexion sur cette guerre d'un nouveau genre menée à des milliers de kilomètres de son ennemi.

"C'est schizophrénique. Jamais auparavant on n'avait demandé à un soldat de combattre les talibans pendant douze heures d'affilée et ensuite de passer chercher ses enfants à l'école", explique dans un entretien à l'AFP le réalisateur néo-zélandais du film, qui sort mercredi en salles. "Et puis, en tant que fils de pilote, je suis touché par la disparition de ces hommes. Le héros du film (le major Tom Egan, ancien pilote de chasse incarné par Ethan Hawke, ndlr) a grandi avec l'image de Top Gun, des pilotes de combats, avant de devoir abandonner les avions. C'est de là que viennent ses problèmes", ajoute le cinéaste. C'est sa troisième collaboration avec Ethan Hawke, après "Bienvenue à Gattaca" (1997) et "Lord of War" (2005).

Sans ciller, le major Egan obéit aux ordres, larguant à 10.000 kilomètres de distance des missiles sur des silhouettes enturbannées, identifiées comme des menaces "imminentes" pour l'Oncle Sam et qualifiées de "terroristes". Mais il arrive aussi qu'on lui intime l'ordre de frapper des cibles civiles, femmes et enfants compris, au nom de l'intérêt supérieur de l'Amérique. "C'est un bon soldat mais peu à peu, il perd la foi dans la mission qu'il doit accomplir", explique Andrew Nicoll.

Après chaque tir, la hiérarchie demande à l'exécutant de faire froidement le décompte des pertes sur son écran de contrôle. Et une fois sa sanglante besogne achevée, tel un fonctionnaire d'un champ de bataille virtuel, il quitte sa console vidéo et rentre chez lui retrouver sa famille. Il se sent lâche de participer à ce combat inégal. Il s'interroge aussi: dans quelle mesure ne contribue-t-il pas, en cherchant à les éliminer, à créer les nouveaux terroristes d'une guerre sans fin ? "Si nous ne les tuons pas, ce sont eux qui nous tuent", tente de justifier, en vain, son supérieur. Peu à peu, l'exécutant se déconnecte du monde réel, délaisse sa famille, s'adonne à la boisson. A côté, l'insouciante Las Vegas scintille...

"Il n'y a pas de bien ou de mal dans mon film"

Andrew Nicoll s'appuie sur les doutes du personnage principal pour essayer, mais sans vraiment y parvenir, d'échapper à une vision manichéenne. Le réalisateur met aussi en scène une forme de voyeurisme de la part des soldats américains, qui assistent sur leurs écrans à des viols commis par les hommes qui sont habituellement leurs cibles. Ces scènes sont-elles un moyen de justifier un peu plus la guerre menée par l'Amérique en Afghanistan? "Il n'y a pas de bien ou de mal dans mon film", tranche le cinéaste. "A Venise (où "Good Kill" a été présenté l'an dernier en compétition à la Mostra, ndlr), certains ont dit du film qu'il était trop anti-américain, d'autres trop pro-américain, ce qui me convient bien. J'aime cette ambiguïté", explique Andrew Nicoll.

Le cinéaste raconte que les ex-pilotes de drones qu'il a rencontrés "ont été les témoins d'atrocités sans pouvoir intervenir". Le major Tom Egan, lui, finit par agir et contrevenir aux ordres dans une scène où il "tente de retrouver son humanité", explique Andrew Nicoll. "Mais son acte est aussi un geste de folie parce qu'il aurait aussi bien pu tuer la femme qu'il essayait de protéger", souligne-t-il.

Le réalisateur a déclaré qu'il avait sollicité le Département d'État américain pour faire son film, mais que ce dernier avait "refusé" de soutenir son projet.

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