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Eviter la mine ou les armes: Rose et son association montoise aident les jeunes du Nord-Kivu à faire des études

Dans cette région de l'est de la République Démocratique du Congo déchirée par la guerre depuis des décennies, le taux de scolarisation à l'université est particulièrement bas, avec le risque qu'un jeune finisse à la mine ou dans une milice armée. "Bushenge Occident", une association belge a décidé de combattre ce fléau. Nous avons écouté Rose, sa présidente, ainsi que Ruphin, 34 ans, qui a bénéficié d'aide pour pouvoir faire des études de droit.

À Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, les combats font rage. Depuis près de vingt ans, la région située dans l’est de la République démocratique du Congo est déchirée par de violents conflits opposant l’armée régulière et des groupes armés. En 1994, après le génocide du Rwanda, le Nord-Kivu a vu l’arrivée de milliers de soldats Tutsis et Hutus.

Depuis, les forces s’affrontent dans une guerre sans merci. Progressivement, ces tensions ont été exacerbées par des années de manipulations politiques de mauvaise gouvernance. À tel point qu’aujourd’hui, la population vit dans la terreur. Peu à peu, les villages, principales cibles des groupes armés, se vident et ne laissent derrière eux que du sang et des cendres.

Contacté par notre rédaction, Ruphin Cheméma explique bien connaître cette guerre. À 34 ans, il vit à Goma avec quelques membres de sa famille depuis sa naissance. Pour rejoindre les bancs de l’université, le jeune homme a dû faire de nombreux sacrifices. Craignant pour sa sécurité, il est parti étudier à Kinshasa, la capitale, à l'autre extrémité du pays, abandonnant ainsi famille et amis. Grâce au soutien financier de quelques proches, Ruphin est désormais licencié de la faculté de droit de Kinshasa.

Au Nord-Kivu, des milliers de jeunes n’ont pas cette possibilité. N’ayant pas les moyens pour financer l’université, ils se voient contraints de mettre un terme à leurs études, abandonnant ainsi tout espoir d’insertion professionnelle.

Pour accéder à l’université, les élèves doivent être diplômés du secondaire et en mesure de payer environ 300 dollars par an. "En plus de cela, pour ceux qui viennent des villages, il faut avoir un logement. Il faut trouver quelque part où loger afin d’aller à l’université", précise Ruffin.

Pour les milliers de jeunes issus de milieux défavorisés, s’offrent alors deux possibilités. Travailler dans les mines d’or, de cobalt, de diamants ou intégrer des milices. Il en va alors de leur survie. "Les jeunes sont délaissés. Personne ne s’occupe d’eux ici. Alors, quand ils n’ont pas les moyens d’aller à l’université, la plupart se dirige dans des groupes armés", déplore Ruffin.

Pour venir en aide à ces jeunes démunis, quelques associations se mobilisent. Parmi elles, Bushenge Occident basée à Mons. Cette dernière a pour but d’organiser des manifestations en faveur des populations sinistrées en région du Nord-Kivu. Elle a vu le jour en 1991 à l’initiative d’étudiants vivant en Belgique et originaires du Nord-Kivu.

À sa tête, Rose Kapepela. Originaire de Kinshasa, elle a quitté son pays en 1990 pour suivre son mari parti étudier en Belgique. Depuis son exil, sa mobilisation pour aider les siens est apparue comme une évidence.  

"Au départ, cette association était uniquement là pour nous permettre de nous rencontrer et échanger entre natifs de la région. Puis, on a décidé de venir en aide à ceux restés au pays. Il faut parler de ce qu’il se passe là-bas. Il faut parler des pillages, des viols de la population qui n’a plus rien à cause de la guerre. Dernièrement, nous avons appris le viol d’une villageoise et de ses filles de 12 et 14 ans par des groupes armés. Cela ne peut plus durer", clame-t-elle.  

Parfaitement consciente de la réalité du terrain, Rose Kapepela espère pouvoir financer, par le biais de son association, les études de ces jeunes congolais : "Quand on erre dans la rue, on est sujet à toutes sortes d’escroqueries. S’ils ne vont pas dans les mines, ils deviennent enfants soldats. Et c’est ce que l’on veut éviter à tout prix. On veut donner la chance de réussite à tout le monde. Le peu que l'on a il faut le partager", affirme la présidente.

À ce titre, Bushenge Occident organise des collectes de fonds. Ce samedi 8 avril, un dîner caritatif est organisé à Mons. Les membres de l'association envisagent ensuite de se rendre à Goma afin de distribuer les fonds récoltés. "Chaque mois, nous envoyons de l'argent à notre famille restée là-bas. Mais que vont devenir ceux qui n'ont personne pour les soutenir ? Il faut se mobiliser", insiste Rose Kapepela. 

Généreuse et volontaire, cette mère de famille a d'ailleurs tenu à transmettre ses valeurs à ses filles. Joëlle Sudi milite donc aux côtés de sa mère pour aider des jeunes de son âge qui se trouvent à des milliers de kilomètres. "L'éducation est la clé de leur avenir. Alors même en tant que Belge, on se doit de leur venir en aide", témoigne Joëlle, 25 ans.  

Une initiative largement saluée par Ruphin Cheméma qui ne tarit pas d’éloge quant à l’association belge : "C’est une bonne nouvelle d’entendre qu’il y a de belles actions qui se créent. Ces associations sont à encourager car elles militent et ont l’objectif de créer les activités dont nous avons besoin".

À Goma, malgré ces timides actions occidentales, l'horizon reste flou. Si Ruphin Cheméma a eu la chance d’être diplômé, son avenir n’en demeure pas moins assuré. Actuellement sans emploi, le jeune homme vit de petits boulots et grâce aux ressources de ses proches. Pourtant, celui qui rêve de devenir magistrat reste "très optimiste" quant au futur de son pays : "Je sais qu’un jour ça ira mieux !", sourit-il.

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