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Les agriculteurs en colère à Bruxelles: une ferme temporaire, du lait déversé et la rue de la Loi bloquée (vidéos)

Plusieurs délégations d'agriculteurs se sont mises en route pour Bruxelles ce lundi dès 7h du matin. Nos équipes ont suivi les différents groupes. Deux manifestations distinctes se sont déroulées en marge du conseil européen des ministres de l'Agriculture dont l'objectif est d'obtenir de nouvelles mesures européennes face à la crise qui ébranle les filières d'élevage. Pour le ministre wallon de l'Agriculture, les mesures proposées par la Commission ne sont pas suffisantes.

Sur la petite rue de la Loi, la Fédération wallonne de l'agriculture (FWA) et le Boerenbond ont installé une ferme temporaire où une centaine d'agriculteurs s'est rassemblée. Dans une ambiance bon enfant, ils ont organisé un petit-déjeuner puis un barbecue réalisés avec des produits régionaux. "La mobilisation n'est pas extraordinaire", a concédé Laurent Gomand, vice-président de la FWA, justifiant cette situation par la météo clémente du jour. "Des collègues ont finalement décidé de travailler." Croissant et verre de lait issus de l'agriculture locale, la FWA et le Boerenbond ont offert le petit-déjeuner aux ministres de l'Agriculture, Willy Borsus (fédéral), Joke Schauvliege (Flandre) et René Collin (Wallonie), avant d'accompagner M. Borsus jusqu'à l'entrée du bâtiment du Juste Lipse, où se déroule le conseil européen.



Photo de notre journaliste Martin Vachiery
 

Une centaine d'agriculteurs aspergent de lait la façade du siège du MR

Parallèlement, une autre délégation d'agriculteurs de la Fédération unie de groupements d'éleveurs et d'agriculteurs (Fugea) et de la MIG venant d'un peu partout en Wallonie s'est également rendue à Bruxelles. Notre journaliste Jimmy Meo l'a suivie. À 10h45, 150 agriculteurs et 50 tracteurs sont arrivés devant le siège du MR à l'avenue de la Toison d'Or. "Peu de temps après, ils ont lancé leur action surprise: ils ont aspergé de lait la façade du bâtiment qui abrite le Mouvement réformateur", explique Jimmy Meo. Après avoir également lancé des oeufs sur le bâtiment et tambouriné sur des bidons de lait, les agriculteurs sont remontés sur leurs tracteurs pour rejoindre la Direction générale Pêche et Agriculture située rue de Loi, où ils ont également déversé du lait. Une vingtaine de leurs tracteurs sont finalement arrivés à la rue de la Loi vers 13h. L'axe routier a été fermé à la circulation pendant deux heures. 


 
 

S'ils ont manifesté devant le siège du MR, c'est aussi parce que les agriculteurs estiment que "le MR soutient aveuglément le TTIP (le partenariat commercial transatlantique entre l'Europe et les Etats-Unis, ndlr), alors que les agriculteurs comme la société civile n'en veulent pas", s'inquiète Stéphane Delogne, responsable politique et environnement de la Fédération unie de groupements d'éleveurs et d'agriculteurs (Fugea).

"On ne bradera jamais l'agriculture au profit d'accords commerciaux", a pourtant déclaré le ministre fédéral de l'Agriculture, cité par sa porte-parole qui rappelle qu'au niveau européen, "le ministre libéral est un des plus offensifs dans le soutien aux agriculteurs".  


Photo de notre journaliste Jimmy Meo



Photo de notre journaliste Martin Vachiery


Les mesures proposées par la Commission sont "largement insuffisantes"

Les mesures annoncées par le commissaire européen à l'Agriculture, Phil Hogan, pour soutenir les secteurs agricoles en crise sont "largement insuffisantes", a estimé le ministre wallon de l'Agriculture, René Collin (cdH)."Le commissaire admet qu'une crise grave est en cours, mais il veut encore attendre quelques mois pour agir. Tant sur le fond que sur le timing, ces mesures sont insuffisantes", a déploré M. Collin, lors d'une interruption du Conseil rassemblant les ministres de l'Agriculture des 28 à Bruxelles.

Phil Hogan s'est notamment déclaré lundi disposé à autoriser des réductions temporaires de la production dans le secteur laitier, une dérogation provisoire aux règles de la concurrence. "Je suis prêt à proposer l'application de telles règles", a commenté le commissaire, ouvrant ainsi la voie à l'activation d'une mesure permettant aux opérateurs du secteur de s'entendre, sur une base volontaire, sur des limitations temporaires de la production. Le ministre wallon a toutefois souligné que cette mesure, qui fait appel à la volonté des opérateurs, n'avait pas de sens sans une véritable régulation de la surproduction par l'Europe.



"Une fois les vaches nourries et les emprunts payés, il ne reste pas de quoi vivre dignement"

Les agriculteurs réclament des revenus décents et une politique cohérente. Ils veulent aussi "sensibiliser le grand public aux difficultés du secteur agricole". Selon Laurent Gomand, le vice-président de la FWA, "les ministres belges ont entendu nos revendications, mais cela coince au niveau de la Commission et des certains Etats". "Nous exigeons des résultats dès aujourd'hui (lundi). Cela doit passer par une régulation des marchés agricoles européens permettant une stabilisation et un revenu décent pour les agriculteurs. Nous voulons un prix correct et une régulation de la production. Pas question de revenir une nouvelle fois avec des aides ponctuelles qui ne sont que des sparadraps sur une jambe de bois".

Les prix du lait sont déprimés depuis des mois et de nombreux producteurs wallons se plaignent de ne même pas pouvoir couvrir leurs frais de production. "La Région wallonne a calculé ce qu'il faut à un agriculteur laitier pour gagner sa vie: 41 centimes par litre. Aujourd'hui, il en perçoit la moitié. Une fois les vaches nourries et les emprunts payés, il ne reste pas de quoi vivre dignement", déplore la Fugea. La Fugea reproche par ailleurs aux syndicats agricoles majoritaires de "trahir" les agriculteurs belges. Et la Fugea de citer le syndicat européen Copa-Cogeca, qualifié de "super syndicat européen largement libéral" auquel l'association wallonne d'agriculteurs et d'éleveurs reproche de "ne pas demander de régulation" mais "juste une relève du prix d'intervention", ce qui n'est pas suffisant, aux yeux de la Fugea, pour "sauver les fermes familiales" mais serait "une manière de garantir le prix aux fermes usines à faibles coûts de production".

Photo de notre journaliste Jimmy Meo

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