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Omar, 17 ans, voulait rejoindre l'Angleterre: sa route s'est brutalement arrêtée à Bruxelles

Samedi 22 juillet, un jeune migrant a perdu la vie. Il est décédé en tombant du bus auquel il s'était désespérément accroché dans l'espoir de rejoindre la Grande-Bretagne. Ce vendredi 25 août, le parquet de Bruxelles nous a indiqué qu'il s'agissait d'un Soudanais né en 1999.

"Omar était un être humain, et pour moi, ça compte". Par ces mots, Betty, bouleversée par la mort d'un jeune garçon, terminait son message publié sur Facebook il y a quelques semaines. "J'ai voulu diffuser un message sur les réseaux sociaux car je suis scandalisée d'apprendre qu'un jeune homme est mort samedi à Bruxelles dans l'indifférence la plus totale, expliquait-elle par téléphone, après nous avoir joints via notre bouton orange Alertez-nous. Je n'ai pas vu un reportage dans les journaux à son sujet. Pas lu une ligne. Je suis sous le choc. Il n'y a pas de raison qu'on ne parle pas de ce jeune homme sous prétexte qu'il était un migrant".


Betty alerte la presse: "Il faut qu'on en parle!"

Betty a donc écrit à la presse. Néerlandophone et francophone. C'est ainsi que notre rédaction a appris le décès d'un jeune homme présenté comme étant Omar. "Une personne a effectivement perdu la vie samedi, précisait Denis Goeman, porte-parole du parquet de Bruxelles. Vers 16h, cette personne en séjour irrégulier s'est accrochée à un car dans l'espoir, probablement, de rejoindre la Grande-Bretagne. Malheureusement, cette personne semble être tombée et a été écrasée par l'autocar. Le conducteur ne s'est rendu compte de rien, ce sont des témoins qui ont prévenu les secours".


Né le 7 novembre 1999

S'agit-il bien d'Omar, le jeune homme de 17 ans que les bénévoles du parc Maximilien à Bruxelles avaient rencontré à plusieurs reprises en juillet? Très vraisemblablement. Un mois après les faits, nous avons repris des nouvelles auprès du Parquet de Bruxelles. "La victime est identifiée comme étant O.M., de nationalité soudanaise, née le 7/11/99", nous a confirmé le porte-parole. L'enquête sur les circonstances de la mort de ce garçon reste ouverte. "Le Parquet attend les conclusions du rapport de l’expert automobile descendu sur les lieux des faits", nous a-t-on expliqué.


Les bénévoles avaient servi des repas à Omar: "Les migrants n'ont rien et sont abandonnés"

La nouvelle de ce décès a profondément attristé les citoyens qui, chaque jour, se relaient pour distribuer au moins un repas par jour aux migrants qui n'ont d'autre choix que de se retrouver au parc Maximilien, comme ce fut le cas lors de la "crise" de l'été 2015. "Ils sont entre 500 et 1.000 personnes, explique Delphine, l'une des bénévoles sensibilisées au sort des migrants. Ces gens sont totalement abandonnés". D'emblée, la jeune femme insiste: elle s'exprime aussi au nom de Fabienne, Thierry, Philippe,… tous ces citoyens qui œuvrent chaque jour pour le bien-être de ces personnes migrantes. "Ces personnes migrantes n'ont pas de toit, elles dorment sur des cartons, elles n'ont aucun accès à des sanitaires, décrit Delphine. Il n'y a pas de toilettes, ni de douche et les migrants ne reçoivent rien: aucune aide, nourriture, aucun soins médicaux, aucun soutien administratif".

"Rien n'est mis en place par le gouvernement, considère Delphine. Les enfants ne sont pas mis à l'abri, alors que la rue est dangereuse, on sait qu'il y a un risque de traite des êtres humains. Si au moins il y avait des travailleurs sociaux avec des interprètes sur place, on gérerait la situation. On pourrait informer correctement ces personnes et elles pourraient faire les bons choix. Omar, lui, a pris un énorme risque et l'a payé de sa vie parce qu'il rêvait d'Angleterre. S'il avait été mieux informé, il serait peut-être encore en vie aujourd'hui".

Le Délégué général aux droits de l'enfant dénonce vivement la situation

La nouvelle de cette disparition a fait réagir Bernard De Vos, Délégué général aux droits de l'enfant pour la Fédération Wallonie-Bruxelles. D'après lui, ce décès n'est "sans doute pas accidentel [mais] la conséquence indirecte du manque de prévoyance et de précaution" à l'égard des mineurs étrangers non accompagnés (Mena). Il confirme que des "centaines de migrants, dont de nombreux mineurs dorment chaque soir [dans le parc Maximilien] dans des conditions humainement intolérables. La seule intervention de l'État se résume à celle de la police, qui effectue de nombreux contrôles et autant de rafles qui se terminent par la confiscation des sacs de couchage et des maigres biens dont disposent ces malheureux".

Le délégué recommande, afin d'éviter d'autres drames ou de contraindre ces enfants à la clandestinité, d'ouvrir un centre d'accueil d'urgence qui permettrait aux jeunes de bénéficier "de conditions de vie acceptables et de disposer d'une information accessible pour leur permettre de poser les choix les plus judicieux pour leur avenir".

La Fédération Wallonie-Bruxelles réagit à son tour: "Nous organisons des permanences"

Quelques jours après le décès, la Fédération Wallonie-Bruxelles s'est manifestée. "Des centaines de demandeurs d'asile vivent dans la gare du Nord dans des conditions déplorables sans avoir d'informations quant à leur droit et leur situation de migrant, explique Rachid Madrane ministre des Maisons de Justice de la Fédération Wallonie-Bruxelles. L'intervention de l'Etat ne peut se résumer à une politique répressive (…): il est important d'être présent sur place afin de leur proposer une première orientation pour les aider dans leurs démarches de demandes d'asile". Résultat, tous les jeudis, des permanences juridiques sont organisées de 16h00 à 18h00, en collaboration avec l'Ordre français des avocats du Barreau de Bruxelles et la Commission d'aide juridique française de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles. 

Mais ce n'est pas assez pour bien des militants. Dans une carte blanche, publiée dans La Libre Belgique, Caroline Intrand, co-directrice du CIRE (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers, ndlr), avait d'ailleurs lancé un appel à la création d'un centre d’accueil et d’orientation pour les migrants en transit. "Nous sommes totalement mobilisés pour reprendre le chemin de la dignité", écrivait-elle.

Une veillée en mémoire du jeune Omar

De leur côté, les bénévoles poursuivent leur combat humaniste. D'après eux, la maman du jeune Omar vivrait au Soudan. Elle aurait été prévenue du décès de son fils par trois compatriotes soudanais, présents à Bruxelles. Mais l'enterrement d'Omar se tient à Bruxelles. "De toute façon, vu la situation au Soudan (des conflits armés y sont en cours depuis plusieurs années, ndlr), la maman d'Omar n'aurait sans doute pas pu rapatrier la dépouille de son fils", rappelle Delphine.

Les bénévoles ayant côtoyé Omar ont à coeur d'assister à la veillée organisée en sa mémoire. "Grâce à des organismes bruxellois, Omar peut être enterré selon la tradition musulmane à Bruxelles, poursuit la jeune bénévole. Il est important pour nous de nous rendre à la veillée".

"Je souhaite de tout cœur qu'Omar ait droit à un hommage digne", ajoute Betty.

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