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Impossible pour ces directeurs de remplacer les instituteurs malades: "J’ai une enseignante qui est venue travailler avec une angine"

Trouver un remplaçant lorsqu'un enseignant s'absente dans le primaire n'est pas chose aisée, nous a confié un directeur d'école, et ce particulièrement dans sa province, celle de Luxembourg. Un témoignage qui rejoint le récit d'autres directeurs de la région. Pourquoi est-ce si compliqué?

Le directeur d’une école fondamentale de la province du Luxembourg a choisi d’appuyer sur le bouton orange Alertez-nous pour expliquer à quel point il est difficile pour lui de trouver des instituteurs primaires pour remplacer du personnel absent pour des raisons médicales. "Il faut savoir que les enseignants sont rarement absents dans les écoles communales, néanmoins, une fois qu’il y a une absence ou deux, on est vraiment face à des difficultés", nous dit-il.


45 appels en vain

L’homme est directeur d’école depuis 7 ans, mais selon lui, depuis deux ou trois ans, il peine de plus en plus à trouver du personnel enseignant dans le primaire. Un avis partagé par plusieurs autres directeurs de la province avec lesquels nous nous sommes entretenus. Lorsqu’il nous a contactés, il devait trouver une solution pour remplacer deux enseignants. "Nous avons contacté tous les jeunes enseignants de notre base de données: 45 appels téléphoniques ont été ainsi effectués, en vain: ils sont tous sur le marché de l'emploi". Les annonces émises sur le site du Forem n’ayant rien donné non plus, il a dû se débrouiller avec une équipe réduite: "Je vais devoir répartir 34 élèves dans 3 classes non prévues pour accueillir autant d'élèves...", nous dit-il, expliquant qu’il allait prendre lui-même en charge une de ces classes. Finalement, une enseignante a pu effectuer un remplacement, mais seulement pour quelques heures, nous dit le directeur.


Des enseignants malades viennent travailler malgré tout

Un autre directeur de la province évoque lui aussi une pénurie : une difficulté, récurrente, à trouver des remplaçants, et cela depuis des années. "On doit se débrouiller avec des bouts de ficelle, donc soit on s’arrange avec des enseignants qui sont sur place et qui prennent les élèves en charge, soit on essaye de trouver des remplaçants, mais on ne les trouve pas. Souvent, ce sont les enseignants en place qui ont une surcharge de travail", nous confie-t-il.

Résultat : les enseignants, conscients du problème et soucieux du suivi de leurs élèves, en arrivent à venir travailler même s’ils sont malades, nous dit-on: "J’ai une enseignante qui est coincée au niveau du dos, elle est absente pour quinze jours. J’en ai une autre, qui est venue travailler, mais avec une angine, donc vous imaginez la contamination que ça peut faire… On est vraiment dans une situation assez précaire", nous explique-t-il.


Pas de pénurie spécifique à la province de Luxembourg

Nous avons demandé au cabinet de la ministre de l’Enseignement Marie-Martine Schyns si ce manque d’enseignants dans le fondamental était bien constaté en province de Luxembourg. "Il y a des fonctions qui sont en risque de pénurie plus que d’autres, dans certains lieux plus que d’autres, mais il n’y a pas de pénurie spécifique à la province de Luxembourg", nous a-t-on répondu.

On reconnaît donc une difficulté pour les enseignants du primaire, mais pas spécifiquement dans cette province. Pour ce qui est du maternel, il n’y a par contre pas de souci: "Il y a même des personnes qui attendent d’être nommées depuis un certain temps", nous dit le porte-parole.


"Il n'y a plus de reconnaissance du travail"

Le directeur qui nous a contactés nous a expliqué pourquoi selon lui, le manque d’enseignants se faisait particulièrement ressentir dans sa province. Il évoque une première raison, très pratique: "C’est un territoire assez large et on a moins d’enseignants au kilomètre carré que sur Bruxelles ou sur Liège ou dans les gros bassins", dit-il. Mais il pointe, comme un autre directeur interrogé, la pénibilité du métier: "C’est un état général de l’enseignement, c’est une dégradation qui s’est faite au fil des années, où on a de plus en plus de nouveaux enseignants qui sortent de l’école normale et qui après 4-5 années raccrochent leur tablier et vont travailler dans un autre secteur, parce qu’il n’y a plus de reconnaissance comme avant du travail", nous dit-il.

Un autre directeur, qui nous a avancé les mêmes arguments, ajoute: "Une des raisons, c’est aussi l’instabilité qui existe pendant plusieurs années. L’enseignant est temporaire, n’est pas certain d’avoir du travail sur toute l’année scolaire, c’est-à-dire qu’on va l’appeler peut-être au mois d’octobre ou de novembre, pour deux semaines par-ci ou par-là, et donc ça peut décourager certains enseignants".


"C’est un choix de société, l’enseignement"

Outre le fait que les enseignants peuvent être facilement découragés au début de leur carrière, il y a aussi les études pour accéder à ce métier qui sont moins plébiscitées. Selon des chiffres publiés récemment par La Dernière Heure, en dix ans, le nombre de francophones inscrits à un baccalauréat d’instituteur(trice) a baissé de 10%.

Comment redorer l’image de la profession et ainsi pallier aux pénuries dans un contexte de démographie grandissante ? "C’est un tout, c’est un choix de société l’enseignement, et quand vous voyez les choix que la société actuelle fait, qu’on dépense 35 milliards d’euros pour acheter 34 avions de combat… Mettez 35 milliards dans l’enseignement et vous verrez ce qu’on peut faire avec", commente un directeur.

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