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Recruteuse cherche employés désespérément: "Je peux chercher longtemps, je peux vous le dire !"

Le job de Paule, c’est de trouver du personnel pour des entreprises. Alors que nombreux sont ceux qui peinent à trouver un emploi, cette spécialiste du recrutement a beaucoup de mal à trouver des candidats, pour des postes qui parfois ne nécessitent que très peu de qualifications. Elle nous explique, sans tabou, les raisons pour lesquelles il est difficile d’occuper des postes vacants alors que de l’autre côté, des centaines de milliers de personnes cherchent un emploi.

Paule est une spécialiste du recrutement. Cette indépendante recherche des personnes pour le compte d’entreprises, généralement pour des contrats d’employé dans le domaine commercial ou le marketing. Elle nous a contactés via la page Alertez-nous pour nous faire part de son constat: "J'entends toutes ces personnes qui ont des difficultés à trouver un emploi. Je voudrais simplement signaler la difficulté que j'ai à trouver des personnes pour les postes vacants que j'ai !". Un message choc à l’heure où notre pays compte plus de 450.000 personnes au chômage.


"Je peux chercher longtemps, je peux vous le dire"

Pour sa recherche de profils, Paule se base sur un fichier de candidats qu’elle a constitué, mais aussi sur les profils du réseau professionnel LinkedIn. Elle poste ensuite des annonces sur des sites d’offres d’emploi et sélectionne les candidatures reçues en fonction du profil demandé par ses clients. "Et je peux chercher longtemps, je peux vous le dire", se plaint-elle.


Quels éléments coincent ?

Cela fait par exemple quatre semaines qu’elle cherche un commercial, avec 1 ou 2 an(s) d’expérience. Premier élément qui coince : il faut qu’il maîtrise le néerlandais. "Le principal handicap des candidats, c’est le fait qu’ils ne connaissent qu’une langue nationale", explique Paule.

Aucune formation n’est demandée pour ce poste mais il faut travailler à Bruxelles: "C’est souvent un élément qui bloque les gens car ils ne veulent pas faire de trajet, être dans les embouteillages", raconte-t-elle.


"Ils poussent les gens à solliciter"

Autre problème : depuis 2 ans environ, Paule constate qu’elle reçoit une quantité impressionnante de CV en décalage total avec le profil recherché. Elle accuse la politique des Offices de l’Emploi (le Forem, le VDAB et Actiris): "Ils poussent les gens à solliciter, ils doivent envoyer X CV par semaine. Aujourd’hui, je reçois des candidatures de personnes qui ne correspondent à rien, c’est juste qu’ils doivent remplir leur quotas de CV envoyés", explique la recruteuse.


"Il ne faut pas croire que nos conseillers sont naïfs"

Le plan d’accompagnement des chômeurs oblige en effet ceux-ci à prouver leurs efforts effectifs pour trouver un emploi, en envoyant des CV et en contactant des employeurs, et ce depuis 2004. Mais pour Stéphanie Wyard du Forem, le cas de personnes qui envoient des CV de façon automatique pour "faire leur devoir" est marginal. "Il ne faut pas croire que nos conseillers sont naïfs. Il ne suffit pas simplement d'envoyer des CV", explique-t-elle, précisant que le but de cette mesure n’est pas de "charger" les entreprises.


"Envoyer 1.000 CV, ce n’est pas normal"

La porte-parole explique plutôt cette abondance de candidatures "non pertinentes" par l’angoisse vécue au quotidien par les demandeurs d’emploi: "Certains ont tendance à sur-envoyer des CV car ils veulent à tout prix chercher un job, il y a aussi l’angoisse de devoir délivrer suffisamment de preuves". Mme Wyard nous indique que les conseillers du Forem recadrent les personnes qui postulent de façon démesurée et inadaptée. "Envoyer 1.000 CV, ce n’est pas normal. Si on rencontre des cas comme ça, on analyse ensemble où est le problème".


Les conseils d’une recruteuse

Nous avons demandé à Paule ce qu’elle préconiserait pour augmenter ses chances de décrocher un emploi. Elle relève deux points essentiels :

  • Apprendre à utiliser les sites d’offres d’emploi: "J’ai parfois l’impression qu’ils ne les connaissent pas bien", nous dit Paule, qui estime qu’elle reçoit parfois très peu de réponses à des offres qu’elle place sur ces sites. Elle mentionne les principaux : Stepstone, Monster, Références, en plus des sites des Offices régionaux de l’emploi (Forem pour la Wallonie, Actiris pour Bruxelles et VDAB pour la Flandre.

  • Apprendre une autre langue nationale: "On ne demande pas d’être parfait bilingue. Un délégué commercial pour une entreprise qui vend des outils de jardin devra simplement connaître le vocabulaire lié au jardin. Ils doivent savoir parler de leur métier", explique-t-elle. Paule estime toutefois que ces dernières années, les francophones se sont améliorés dans leur connaissance du néerlandais, là où les néerlandophones maîtrisent de moins en moins le français.

    A noter que les Offices de l’emploi proposent des modules d’apprentissage de langues spécifiques à certains domaines ainsi que des immersions (Cliquez pour consulter les formules du Forem et d'Actiris). Le Forem précise toutefois qu’il est possible de développer toute une série de compétences et que la langue ne doit pas être un frein pour trouver un emploi. Pour la Région wallonne, seules 20% des offres d’emploi demanderaient l’usage d’une deuxième langue.


Certains profils pour lesquels c’est plus difficile

La spécialiste en recrutement reconnaît toutefois que pour certains profils, cela reste très compliqué de trouver du travail. A savoir:

  • Les jeunes sans expérience: "Ce qu’ils ont à vendre, c’est leur personnalité. Quelqu’un d’introverti, qui serre la main mollement, qui ne présente pas bien, ça ne donne pas envie de le sélectionner". Paule rassure toutefois: "Mes trois premiers engagements de cette année, c’étaient des jeunes qui sortaient tout droit des études, sans expérience".

  • Les plus de 45 ans: "Souvent les employeurs ont peur que des personnes qui ont travaillé 20 ans dans une boîte ne parviennent pas à se détacher de leurs habitudes. Qu’ils aient une façon de travailler et ne pourront plus en avoir une autre. Ils sont aussi parfois, et à juste titre, frustrés, et apparaissent comme négatifs". D’après la spécialiste du recrutement, à côté de ce profil, une personne qui apparaît plus motivée qui aura pourtant moins d’expérience sera privilégiée.

"On cherche parfois un mouton à cinq pattes"

Du côté du Forem, on fait le même constat que celui de Paule: il y a des difficultés au recrutement. Cependant selon la porte-parole du service public de l’emploi et de la formation en Wallonie, il est faux de dire que des milliers d’offres d’emplois restent vacantes: c’est extrêmement rare qu’un poste ne trouve pas preneur. Il est vrai que parfois cela prend plus de temps que la moyenne, et il arrive aussi que l’offre d’emploi soit requalifiée car elle était beaucoup trop exigeante: "On a parfois l’impression qu’on cherche le mouton à cinq pattes", nous confie la porte-parole.

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