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"Des huissiers ont tout pris": le salon de coiffure où Mélissa travaillait ferme… et laisse la jeune maman sans revenu

Coiffeuse à Bruxelles, Mélissa a 25 ans et est l'heureuse maman d'une petite fille. En septembre dernier, les rêves qu'elle avait en tête pour sa petite famille sont pourtant balayés par la fermeture de son lieu de travail. Sans revenu pendant plusieurs mois, elle nous confie son histoire pour aider d'autres travailleurs à défendre leurs droits et leur éviter de s'enliser dans des problèmes d'argent indépendants de leur volonté.

À 25 ans, Mélissa croque la vie à pleines dents: maman d'une petite fille de trois ans, elle loue une maison avec son compagnon à Asse dans le Brabant flamand. Elle s'apprête déjà à acheter son propre bien pour déménager. Mais le 21 septembre dernier, l'avenir s'obscurcit soudainement. Embourbée dans des problèmes d'argent, sa patronne ferme le salon de coiffure où elle exerçait sa passion. "Des huissiers sont venus et ils ont tout pris, il n'y a plus rien", explique Mélissa après nous avoir contactés via le bouton orange Alertez-nous. Sa patronne ne ne lui remet pas son C4. Elle ne reçoit pas son chômage économique durant plusieurs mois. "Je ne peux même plus subvenir à mes besoins", déplore-t-elle.

Comment défendre ses droits quand son patron ferme l'entreprise? Voici les réponses pour éviter une situation intenable.


"Il ne nous restait plus qu'à trouver la maison de nos rêves"

Mélissa commence à travailler dans un salon de coiffure à Bruxelles le 13 février 2012. "La coiffure était devenue ma passion, donc j'en ai fait mon métier", explique la jeune femme. Trois mois après son arrivée, la patronne décède, et c'est son associée qui reprend les rênes. La reprise se passe bien, et Mélissa voit l'avenir avec optimisme. Elle s'installe avec son compagnon dans une maison en location à Asse. Au début de l'année 2013, la vie de Mélissa s'embellit encore lorsqu'elle donne naissance à sa petite fille.

Après un an et demi de travail, des huissiers commencent à frapper à la porte du salon de coiffure. "La patronne a commencé à avoir des problèmes d'argent, elle nous payait nos salaires, mais pas toujours le loyer ou les fournisseurs", explique Mélissa. Elle et ses collègues s'inquiètent, "mais la patronne nous répondait tout le temps qu'elle faisait tout pour que ça se passe bien". Avec son conjoint, la jeune femme essaie de voir les choses du bon côté et se met à chercher une maison à acheter. "On a fait toutes les simulations avec le banquier et il ne nous restait plus qu'à trouver la maison de nos rêves", confie Mélissa, un sourire aux lèvres.


"J'ai touché 880€ de chômage économique en octobre... et puis, plus rien!"

Mais côté travail, les soucis financiers se prolongent, et les huissiers continuent à rendre visite au commerce. Jusqu'au jour où ils viennent pour une expulsion avec saisie mobilière. "Le 21 septembre dernier, ils ont tout pris, les équipements et les meubles, il n'y avait plus rien", décrit la coiffeuse. Sans matériel pour travailler, la patronne met Mélissa et ses collègues au chômage économique jusqu'en décembre. "Mais je n'ai touché que 880€ de chômage économique pour le mois d'octobre, et puis, plus rien!", s'indigne la jeune maman. "La patronne n'a pas voulu faire le nécessaire pour que mes documents sociaux soient en ordre, donc j'ai eu des problèmes au niveau de l'enregistrement du chômage et du paiement du chômage".


Le couple en difficulté

Melissa se retrouve sans salaire et la situation met le jeune couple en difficulté. "Je ne peux plus subvenir à mes besoins. Mon compagnon a un travail et on arrive à tenir, mais c'est difficile", confie Mélissa. Du coup, leurs projets tombent à l'eau, "C'est vraiment une tuile, ça nous empêche d'avancer!". D'autant que la jeune femme a déjà contacté plusieurs salons de coiffure pour retrouver du travail. "Un patron est prêt à m'embaucher immédiatement", explique-t-elle. D'après elle, un seul document lui fait défaut: son C4. "On m'empêche de trouver du travail", fulmine Mélissa, exaspérée.

Pour faire valoir ses droits et l'accompagner dans cette situation difficile, Mélissa fait appel à son syndicat. "Ils ont envoyé un courrier à ma patronne pour lui demander de me mettre au travail", explique-t-elle. Mais la gérante est incapable de leur donner du boulot. Mais, surtout, elle ne se déclare toujours pas en faillite. Pas de faillite, donc pas de C4 et pas de chômage.


Que faire quand un patron ferme soudainement son entreprise?

Face à une situation compliquée, il devient très vite difficile pour un travailleur de savoir exactement quoi faire pour préserver ses droits, et quelles erreurs ne pas commettre. Bruno-Henri Vincent est avocat spécialisé dans le droit du travail et Cédric Fréhis est conseiller au sein du Fonds de fermeture des entreprises. Les deux experts détaillent ce que peut faire un travailleur dans un tel cas.

Tout d'abord, il faut savoir dans quel type de fermeture on se situe. "Le type de fermeture le plus courant est la faillite, dans ce cas un curateur est désigné par le tribunal. Le curateur va en principe mettre fin dans un bref délai au contrat de travail des employés et délivrer les documents sociaux, notamment le C4", explique Cédric Fréhis.

Deuxième type de fermeture: la liquidation judiciaire ou volontaire. "Un liquidateur, qui n'est pas nécessairement un avocat, est alors désigné. Ses tâches sont plus ou moins semblables à celles d'un curateur", précise Cédric Fréhis.

Dans ces deux cas, si le patron doit de l'argent à un travailleur, ce dernier doit faire une déclaration de créance. Si le curateur ou le liquidateur n'est pas en mesure de les payer, le travailleur peut ensuite se tourner vers le Fonds de fermeture d'entreprise en remplissant le formulaire appelé F1.

Le rôle du Fonds de fermeture d'entreprise est de payer des indemnités aux travailleurs qui sont victimes de la fermeture de leur entreprise. Une fois qu'une demande d'intervention est introduite, "le FFE examinera les droits du travailleur à une indemnisation, de maximum 25.000 euro bruts", explique Cédric Fréhis.


Et si l'employeur ne se déclare pas en faillite ou en liquidation?

Outre la faillite ou la liquidation, il existe un troisième type de fermeture: la cessation, c'est-à-dire un simple arrêt des activités décidé par le patron. "Dans ce cas, il n'y a pas de mandataire désigné qui puisse vérifier les créances des travailleurs dues par l'ex-employeur", répond le conseiller de l'ONEM Cédric Fréhis.

Le cas de Melissa est particulier, car son lieu de travail ne lui permettait plus d'exercer son activité. D'après Me Vincent, la première chose à faire est alors de contacter le FFE pour bénéficier d'un délai de préavis très court. "Le salon est objectivement fermé, on n'est visiblement pas face à un manque de travail temporaire. Donc on peut faire constater la fermeture et directement aller au Fonds de fermeture d'entreprise même sans C4, simplement pour dire qu'on constate la fermeture", explique l'avocat.

Question: comment faire constater la fermeture d'un commerce? "On peut le faire par huissier, mais le Fonds de fermeture d'entreprise peut aussi envoyer un inspecteur social. Le principal c'est de contacter le FFE", explique Bruni-Herni Vincent. Pour consolider le dossier, "on peut réunir des preuves de la fermeture, comme des photos, des témoignages de voisins, du facteur ou d'autres travailleurs, etc.", ajoute l'avocat.

Si un travailleur réclame de l'argent à son ex-employeur dans le cas d'une cessation, c'est à lui d'établir les montants qui lui sont dus. "Ce qui ne peut être établi en pratique que par un jugement portant condamnation de l'employeur", explique Cédric Fréhis. Une fois la condamnation prononcée, un huissier devra constater l'insolvabilité de l'employeur et l'impossibilité d'exécuter le jugement rendu. Ce n'est qu'à la fin de cette procédure que le FFE pourra intervenir. "Le travailleur a donc intérêt à mettre le plus rapidement possible l'employeur en demeure d'exécuter ses obligations et si nécessaire d'introduire une procédure devant le tribunal du Travail", conseille Cédric Fréhis.


Le travailleur peut-il démissionner? Risque-t-il de perdre ses droits?

Si le travailleur démissionne purement et simplement, il perd en principe à l'égard de son employeur le droit à une indemnité de rupture et l'indemnité de fermeture, qui peut parfois être conséquente en fonction de l'ancienneté. Idem à l'égard du FFE en cas de défaut de l'employeur. Si l'employeur ne respecte pas l'une des conditions essentielles à l'exécution du contrat de travail, comme par exemple payer la rémunération, à ce moment, le travailleur peut invoquer un acte équivalent à la rupture dans le chef de l'employeur.

D'après Me Vincent, Melissa "pouvait démissionner sans délai parce qu'elle était en chômage économique". "Il y a des facilités pour les personnes qui sont en chômage économique, qui leur permet de démissionner quasiment dans l'heure, le délai est très court", précise l'expert.


Faut-il un C4 pour postuler ailleurs?

Bruno-Henri Vincent est très clair: "Il ne faut pas de C4 pour postuler à un autre emploi et décrocher un autre job". "Il y a d'ailleurs beaucoup de personnes qui postulent sur le marché de l'emploi alors qu'elles sont déjà liées par un autre contrat de travail, et elles entendent le quitter uniquement quand elles auront signé un nouveau contrat", ajoute l'expert, qui évoque un autre exemple pour montrer qu'il ne faut pas de C4: "On peut aussi cumuler plusieurs emplois". "Pour quitter son emploi, il faut envoyer une lettre recommandée signifiant sa démission, et respecter le délai de préavis", explique Bruni-Henri Vincent. Pendant ce préavis, vous êtes censé prester vos jours de travail auprès de votre ancien employeur.


Mélissa obtient son C4 et attend avec impatience de reprendre le travail

À la fin de notre enquête, Mélissa nous annonce que ses problèmes semblent se résoudre. "Mon ex-patronne s'est enfin déclarée en faillite et un curateur a été désigné. Il m'a remis mon C4 et il a rempli le document pour établir une reconnaissance de dette pour l'envoyer au FFE", explique la coiffeuse. D'après elle, son dossier devrait être traité dans les 12 à 18 mois.

Pour ce qui est des mois de chômage économique non payés par l'ONEM, l'organisme a finalement autorisé le syndicat de Mélissa (en tant qu'organisme de paiement des allocations de chômage) à procéder à leur paiement. Une rentrée d'argent qui permet à Mélissa de reprendre un nouveau souffle.

Durant l'enquête, Mélissa est parvenue à trouver un autre emploi... à l'aéroport de Bruxelles. "Malheureusement avec les attentats du 22 mars les commerces ont été fermés et j'attends d'avoir des nouvelles".

@David Fourmanois

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