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Des riverains s'insurgent contre des chasseurs à Hellebecq: "Ils ont criblé de plombs ma façade"

Une zone de chasse, enclavée au milieu du "très coquet" village d'Hellebecq (Silly), inquiète certains riverains. Ceux-ci dénoncent avant tout la proximité des habitations. Didier a plusieurs fois constaté des dégâts sur sa façade, criblée de plombs. Que fait la commune, et que dit le Département de la Nature et des forêts ? RTL info a mené l'enquête.

La chasse sera toujours un sujet de discorde au sein de la population. Ceux qui la pratiquent expliquent que cette activité est nécessaire (et réglementée) pour gérer les populations d'animaux dans nos campagnes. Ceux qui la dénoncent ne manquent pas d'arguments pour en faire une pratique cruelle que l'on devrait bannir.

Mais il y a parfois d'autres nuisances, plus inattendues. Alain a contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous car il estime que la pratique de la chasse aux canards "est un danger", car elle a lieu "sur une prairie au milieu" de son paisible village d'Hellebecq.

Conséquence: un risque pour les promeneurs qui empruntent le sentier public traversant cette prairie, sans oublier "la façade récemment criblée de balle" de la maison d'un autre habitant de la commune, Didier.

Une zone de chasse au milieu d'un village "très coquet"

Alain habite Hellebecq depuis 35 ans. C'est une des huit sections de la commune de Silly, dans le Hainaut. "Un village très coquet", nous a expliqué ce riverain, qui déplore, tous les ans, de constater des parties de chasse dominicales sur la prairie en face de chez lui.

"Tous les dimanches, il y a des troupes de chasseurs qui viennent tirer des canards qui trainent près de l'étang, dans la prairie située au milieu du village". En effet, sur la carte ci-dessous, on se rend compte que ladite prairie, "qui fait tout de même 2 ou 3 hectares", est entourée de rues et d'habitation.


© Google Maps

Les zones de chasse proches des habitations ne sont pas forcément un danger. "La distance minimum par rapport aux habitations est de 200 mètres", nous a expliqué Jean-Sébastien Sieux, de la direction du Département de la Nature et des Forêts (DNF), lié au Service Public Wallonie (SPW). Mais il précise aussi que c'est 200 mètres "en direction des maisons". Si on est dos à ces maisons, même à 20 mètres, on peut donc tirer, tant que c'est dans la direction opposée.

Ce responsable rappelle également que, quelle que soit la distance, "un chasseur ne peut jamais tirer en direction d'une habitation: cela fait partie des règles de base de la bonne pratique du chasseur".

Les pancartes sont-elles obligatoires ?

Quand une petite zone de chasse est au milieu d'un village, on est tenté de croire que des pancartes prévenant les curieux sont obligatoires. D'autant plus qu'il y a un "un sentier public qui traverse cette prairie, avec parfois des marches organisées qui sont prévues", selon Alain, qui craint dès lors pour la santé des marcheurs. Mais "il n'y a aucune pancarte", s'inquiète ce retraité.

"Les pancartes ne sont pas obligatoires", nous a confirmé le directeur du DNF. "Elles sont placées à la demande des organisateurs de la chasse". Quant à la fermeture des chemins publics, "ça aussi, la chasse doit le demander... mais dans la pratique, pour une petite chasse au canard, on ne ferme pas des chemins".

Rappelons qu'en effet, lorsqu'on chasse le canard, on vise le ciel, et non devant soi.


Des impacts de plombs de chasse bien réels... © D.R.

Une façade criblée de plomb: "Des mauvais chasseurs"

L'enclavement de cette zone de chasse au milieu du village d'Hellebecq est également un problème pour... les façades des habitations. L'une des maisons situées à côté de la prairie a déjà eu plusieurs fois sa façade criblée de plomb. Didier, son propriétaire, nous l'a confirmé.

"Les chasseurs s'orientent et tirent parfois vers les maisons. Les dégâts ne sont pas très visibles, on parle de petits éclats de briques, qui explosent lors de l'impact des plombs", nous a-t-il précisé. Mais cela reste "inacceptable, si un jour un de mes invités sur ma terrasse à l'oeil crevé" ?

Didier a déjà été se plaindre à plusieurs reprises auprès de la police, et du bourgmestre. "Dimanche passé, ils sont venus constater. On a calculé la distance, on l'a estimée à 68 mètres: ils tirent à 68 mètres en direction de ma maison"

Cet incident étonne bien entendu notre directeur du DNF, qui a précisé à plusieurs reprises qu'il n'était pas chasseur lui-même. "Cela ne devrait clairement par arriver, c'est un accident... Ce sont des gens qui ne respectent pas les bonnes pratiques. Il y a des bons et des mauvais chasseurs !"


La maison de Didier, située à l'opposé de la prairie par rapport à Alain, a été "canardée" © D.R.

"C'est tuer pour tuer"

A côté de ces considérations sécuritaires, il y a le côté éthique qui s'exprime aussi chez notre témoin. Alain ne le cache pas: il ne porte pas la chasse dans son cœur. Pas celle-là, en tout cas. "Nous sommes contraires à ces chasses au milieu du village. Les chasseurs vont près de l'étang, ils tirent un coup en l'air pour que les canards s'envolent, puis ils tirent quelques canards. C'est tuer pour tuer, parfois ils ne ramassent même pas le gibier", estime Alain.

Ce riverain d'Hellebecq s'inquiète surtout pour la faune locale. "On a une faune exceptionnelle, dans cette prairie. On voit de nombreuses espèces. Mais c'est jusqu'à l'ouverture de la chasse. Après, on se demande bien où sont passés les hérons... On ne voit plus rien".

La saison de la chasse au canard débute en septembre, et se termine en janvier.


Un chasseur photographié par Alain © D.R.

Que dit la commune ?

Selon Alain, qui a envoyé un courrier à la commune récemment, les autorités ne prennent pas la situation au sérieux. "C'est la faute de l'administration communale qui ne bouge pas. A Silly, on s'occupe du foot, de la culture, etc... mais la population, ils n'en ont rien à cirer", nous a-t-il confié.

Didier, lui, a déjà fait venir plusieurs fois la police. "Ils constatent les dégâts, et je leur dis que la prochaine fois, ça pourrait être un des mes invités, dehors. Ils me disent alors que ce sont 'des scénarios', et ils s'en vont. Et après, c'est tout".

La commune, que nous avons contactée, est au courant du problème. "On a effectivement été interpellé il y a quelques temps", nous a-t-on confié du côté de la direction. "C'est la première fois que ça arrive, car souvent on connait le garde-chasse. Mais là, c'est sur deux communes (Bas-Silly et Hellebecq), donc nous avons envoyé un courrier au Département de la Nature et des Forêts".

La commune nous a confirmé que "c'était bien une zone de chasse, mais qu'il y avait des règles à respecter, raison pour laquelle on a fait appel à la DNF, pour voir si les dispositions nécessaires étaient prises".

Commune et SPW se renvoient la balle

La situation est assez délicate, entre des riverains victimes d'"accident" de chasse (façade criblée de plombs), des chasseurs qui sont dans leur droit et les autorités communales qui ne savent si elles doivent directement intervenir.

"La police a été avisée des faits et bien qu’ayant personnellement relevé les plaques d’immatriculation, aucun service de police ne s’est présenté à mon domicile. Elle a décidé de créer une 'fiche pour la Zone Locale de police'. Nous verrons ce qu’il adviendra de nos plaintes", a écrit Alain dans un courrier de contestation envoyé à la commune, que nous avons pu consulter.

Les chasseurs ont visiblement le droit de pratiquer leur activité dans cette prairie située à proximité immédiate du village d'Hellebecq, même si cela ne plait pas aux riverains.

"On est face à un problème d'arme, de sécurité. Et la commune est responsable. Le bourgmestre devrait agir directement, car sa police est compétente", nous dit-on du côté du Département de la Nature et des Forêts, qui gère le volet 'réglementation' de l'organisation des chasses.

"Le DNF doit s'assurer que la loi sur la chasse et le code forestier sont respectés. On a 375 agents qui contrôlent les chasses, ils font des 'sondages', c'est-à-dire qu'ils inspectent, si on veut, 5 à 10% des chasses de leur région. Une façade accidentellement criblée de plombs, c'est du ressort de la police".

"On ne peut évidemment pas mettre un agent à chaque chasse" pour vérifier que les chasseurs suivent le code de bonne conduite, et tirent effectivement en hauteur dans cette zone, et non en direction des maisons...

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