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Cet habitant de la région liégeoise a posté sur Facebook le fruit de son travail de fin d'études. Un documentaire sur la vie de sa tante, 44 ans, qui souffre de deux maladies. La famille est soudée face au sort de cette dame dont la vie n'a cessé d'être un combat.
"Parfois, on râle pour un rien, pour un bras cassé par exemple. Mais quand on voit cette femme et la maladie qu’elle a depuis des années, c’est du vrai courage. Elle continue de vivre. Elle ne se laisse pas aller." Elle, c’est Begi, 44 ans. Cette habitante d’Engis dans la province de Liège souffre de deux maladies rares: le lupus systémique et le syndrome de Devic. C’est son neveu, Armir, 20 ans, qui nous a contactés
"Je la vois tous les jours"
Cette vie, celle de sa tante, est un "exemple de courage" pour Armir. Un quotidien fait de souffrances physiques, mais aussi de solidarité, d’amour, de compassion. Tout au long du documentaire, les témoignages se succèdent. Tantôt la sœur, la mère ou le mari évoque le passé, leur quotidien. Ils parlent albanais, car la famille est originaire du Kosovo. "C’est une histoire qui m’a touché, car il s’agit de ma tante. Elle habite à deux maisons de chez moi. Je la vois tous les jours. On boit souvent du thé ensemble et j’essaie de lui changer les idées", nous explique Armir.
"Elle déteste être prise en photo"
Quelques notes de piano et le documentaire débute sur une scène de la vie quotidienne de cette famille d’Engis en province de Liège. Celle d’un mari qui aide son épouse à se lever, s’habiller, marcher, se laver. Chaque geste est une douloureuse épreuve. Derrière la caméra, Armir filme. Quelques semaines plus tôt, il a convaincu sa tante, pudique, de le laisser la filmer. "Elle déteste être prise en photo, mais vu que je suis son neveu, elle a fini par accepter", nous raconte-t-il. Le documentaire se poursuit sur l’un des nombreux départs pour l’hôpital. Elle s’y rend trois fois par semaine pour des dialyses et des contrôles en tout genre. Les témoignages du mari, de la sœur, du médecin de famille ou encore de la mère s’enchaînent et viennent lever le voile sur les conditions de vie lourdes de Begi.
Un diagnostic qui tombe comme un couperet
Née au Kosovo, Begi est arrivée en Belgique en 1993. Elle est accompagnée de son mari et de ses deux premiers enfants. Tous fuient la guerre qui fait rage dans les Balkans à cette époque. Très vite, le troisième et dernier enfant voit le jour en Belgique. En 2003, les ennuis débutent. "J’ai senti une douleur dérangeante à la tête", raconte-t-elle avec pudeur. Au début les médecins évoquent des migraines. Mais celles-ci s’intensifient, elle doit séjourner en milieu hospitalier. Les médecins cherchent, les analyses s’intensifient et un jour le verdict tombe. Mevlyde, la sœur de Begi, raconte: "Le médecin est entré dans la chambre avec trois assistants. Ils se sont présentés comme neurologues. Ils lui ont dit qu’elle avait une maladie: la sclérose en plaques." C’est l’incompréhension. "Pour nous, ça ne voulait rien dire au début. Nous ne savions pas ce que c’était. On ne savait pas ce qu’étaient les conséquences, ni ce qui pouvait lui arriver", ajoute la sœur.
Une confusion avec la sclérose en plaques
En réalité, Bégi ne souffre pas de la sclérose en plaques, mais de la maladie (syndrome) de Devic. Longtemps les médecins ont considéré la maladie de Devic comme un sous-type de sclérose en plaques (SEP), à tort. "Des données récentes ont montré que cette maladie était plus fréquente qu’envisagé jusque-là et surtout qu’il existait d’importantes différences avec la SEP, même s’il s’agit dans les deux cas d’une atteinte inflammatoire du système nerveux central", explique
Une femme, deux maladies
En Belgique, on estime entre 5000 et 6000 personnes qui souffrent du lupus systémique. Le lupus est une maladie complexe aux multiples facettes. Elle se déclare principalement chez les femmes (9 femmes pour 1 homme) et chez les personnes jeunes (entre 15 et 45 ans), d’après les chiffres de
Pour le syndrome de Devic, c’est une maladie qui affecte les nerfs optiques et également la moelle épinière. C’est une affection rare. Elle se manifeste généralement par une baisse voire une perte de la vue. La maladie est associée à des douleurs dorsales. Elle entraîne généralement un handicap sévère. La répétition de poussées peut conduire à une invalidité permanente. Une voire deux personnes en souffre sur un ratio de 100 000. Elle se déclare principalement chez des femmes (80%) âgées d’environ 40 ans.*
"Je me devais de l'accepter"
Les années qui suivent le double diagnostic passent et se rassemblent: entre aller et retour à l’hôpital. Un jour, la situation se dégrade. La paralysie est même totale. La maman de Begi se souvient de ce moment sombre: "Pour moi, la douleur vécue au moment où elle a été paralysée est indescriptible et ne se compare à rien. La douleur, la tristesse, je parle en tant que mère. La voir en chaise roulante, devoir la pousser dans les couloirs. Tout ça était très difficile." Après des mois à l’hôpital, les médecins autorisent Begi à retourner chez elle. A la maison, elle bénéficie de l’aide des kinésistes, de sa famille. "J’allais commencer une nouvelle vie avec cette maladie. Je me devais de l’accepter", se livre la quarantenaire. Aujourd’hui, la famille d’Engis est soudée plus que jamais par les épreuves: "J’ai une très grande chance d’avoir ma maman, ma famille. Je suis très lié avec eux. (...) On boit du thé, on passe de très bons moments à rire, à faire des blagues pour oublier ce malheur, la malade, les souffrances. Je me réveille tous les jours avec des douleurs, triste. C’est très dur pour moi. Mais dès mon réveil, mon petit-fils m’attend en bas des escaliers. Il me donne tellement de force pour vivre. Mon réveil est triste, mais heureux à la fois quand je le vois. Je suis très chanceuse de l’avoir."
Une vidéo dédiée à sa tante
Armir a présenté son documentaire à ses professeurs et l’a posté sur Facebook. Résultat: plus de 7000 vues sur le réseau social en quelques jours et les honneurs du corps professoral. Grand prix du jury de son école. "La meilleure note", lâche-t-il. Les témoignages d’émotion et de soutien affluent en masse sur Facebook. Toute la famille a été touchée par le travail d’Armir, même si parfois l’émotion est trop grande pour certains: "Sur les trois enfants de Begi, seul deux ont vu le documentaire. Ils ont beaucoup pleuré. La dernière n’y parvient toujours pas. Elle me dit qu’elle a une boule au ventre. Je pense qu’elle finira par le regarder. Elle fera l’effort." Armir continue de nous parler avec admiration de sa tante: "Entre les thérapies, les médicaments, les séances de kiné, Begi profite de chaque instant passé avec sa famille. Je suis content d'avoir réalisé cette vidéo que je dédie à ma tante Begi qui est la femme la plus courageuse que j'ai rencontrée. Tu es magnifique tata et tu le resteras toujours, nous te soutenons tous et nous t'aimons énormément."
*Sources: