Accueil Actu

Belle histoire au Carrefour-Market de Nivelles: "Mes collègues m'ont donné 7 semaines de leurs congés pour que j'aille chercher ma fille en Colombie"

Dans une société que l'on dit de plus en plus individualiste, on oublierait presque qu'il y a encore de la solidarité. Et cela s'applique aussi aux collègues de travail, comme le témoigne la magnifique initiative de ceux d'Alexandra, qui lui ont donné l'équivalent de 196 heures supplémentaires pour qu'elle traverse le monde et ramène une petite Sofia, âgée de 16 mois.

Au Carrefour-Market de Nivelles, la solidarité et l'entraide entre collègues ne sont pas de vains mots. Alexandra, une des employées de cette grande surface, est sur son petit nuage. Le 18 décembre dernier, elle est revenue d'un séjour psychologiquement éprouvant de six semaines en Colombie, à Bogota, avec son mari. Parti à deux, le couple a retraversé l'Atlantique en famille, avec une petite fille adoptée, Sofia, âgée de 16 mois aujourd'hui.

Comme tout s'est passé dans la précipitation à la fin de l'année 2016, Alexandra a pu compter sur un soutien concret d'une grande partie de ses collègues, qui lui ont "offert"... 7 semaines de congés afin qu'elle puisse aller chercher sa fille sans perdre son salaire.

C'est Julien, le fils de l'une des généreuses collègues, qui a contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous, pour nous faire part de cette belle histoire. "Pour une fois qu'il y a de belles choses à raconter", avait-il très justement précisé.

Une très lourde procédure d'adoption

Pour comprendre l'importance de l'acte posé par les collègues d'Alexandra, il faut remonter aux origines de l'histoire. "Tout a commencé il y a 12 ans déjà. Comme beaucoup de couples, on essayait d'être parents. Après quelques temps, on s'est rendu compte que je ne parvenais pas à tomber enceinte. On a tout essayé, mais, à un moment, les médecins m'ont fait comprendre qu'on y arriverait probablement pas", nous a expliqué Alexandra dans le réfectoire du Carrefour-Market de Nivelles.

Il aura fallu "un an ou deux" à Alexandra pour faire son deuil quant à sa capacité à tomber enceinte.  Avec son mari, ils ont alors naturellement "pensé à l'adoption". Mais entre la première séance d'information et l'arrivée de Sofia il y a quelques semaines, "ça a pris 6 ans".

Une éternité pour ce couple, qui a traversé des moments très difficiles. "On s'attendait à ce que ça dure longtemps, mais ça a été très loin, on en a bavé". Si Alexandra comprend l'importance pour les services d'adoption "de faire attention au contexte social, psychologique et économique", elle estime qu'à plusieurs reprises, "ils ont été trop loin".

"Psychologiquement, c'est très dur, on a du passer de nombreux tests et entretiens, évoquer mon enfance sans mon père, etc". Elle l'avoue: "on a failli abandonner". Les responsables de la cellule d'adoption lui avait dit que "son dossier était indéfendable". C'est à ce moment-là qu'elle "a fondu en larmes" devant eux. "Ils m'ont alors dit: 'ah, vous êtes sensible, en fait', alors que je pleure devant un dessin animé".

Bref, un véritable chemin de croix...

En 2016, tout se précipite: "la folie"

Alors que la procédure d'adoption suivait lentement son chemin, en 2016, les choses se sont quelque peu précipitées. "5 mois avant d'avoir Sofia, on était encore 700e sur la liste" des parents en attente d'une adoption en Colombie. "On nous a alors proposé un enfant à particularité, c'est-à-dire qu'on savait qu'il pouvait avoir une fente labio-palatine (une malformation appelée autrefois maladroitement 'bec-de-lièvre', NDLR). On est alors passé 10e sur la liste, parce qu'on acceptait cette éventualité".

Dès ce moment, "tout s'est accéléré". Peu de temps après, en effet, les parents apprennent que leur tour est enfin arrivé. Ils savent que c'est pour bientôt mais n'ont aucun détail, ni sur le sexe de l'enfant, ni sur son âge.

Les choses se concrétisent alors enfin... 4 semaines avant le départ. Ce sera une petite fille âgée d'un peu plus d'an. Entre ce moment-là et le départ, "j'ai aussi du consoler les gens qui pleuraient pour moi, tout le monde pleurait sauf moi, car on avait tellement de choses à faire".

"Le départ est alors prévu le 6 novembre. Tout s'est fait dans la précipitation, on a été pris de court, sur tout". Organiser le séjour sur place, soit 6 semaines à Bogota, n'a pas été une mince affaire. "C'était la folie... Par exemple, on a du trouver une compagnie qui acceptait de réserver des billets d'avion pour le retour alors qu'on n'avait pas encore de carte d'identité pour ma fille", dont ils n'étaient administrativement pas encore les parents.

Tout en devant préparer la maison ("on a eu de l'aide pendant qu'on était en Colombie pour aménager la chambre"), pour accueillir Sofia, qui ne présente finalement aucune "particularité".

"C'est difficile à comprendre, même pour nous, mais en réalité on a grimpé dans la liste en acceptant cette éventualité, et quand c'était notre tour, il s'agissait d'une petite fille en très bonne santé", et sans malformation.

"On misait sur 2017": Alexandra et son mari n'ont plus de congé pour 2016

Cette précipitation a un autre inconvénient, financier celui-ci: le couple n'a plus le moindre jour de congé pour 2016. "On comptait sur 2017, et sur nos congés payés et d'ancienneté", avoue Alexandra. Après 6 ans d'attente, les voilà pris de court sur un aspect assez important.

"J'aurais voulu utiliser mon congé d'adoption, soit 6 semaines, mais il faut pour cela être rentré en Belgique, il faut que l'enfant soit là".

Le mari d'Alexandra a pris des congés sans solde, mais cela représente un solide manque à gagner alors que les frais s'accumulent, en Colombie comme en Belgique, pour accueillir la petite Sofia.

C'est à ce moment-là que la solidarité a pris le dessus au Carrefour-Market de Nivelles.


Alexandra, actuellement en congé parental, rend souvent visite à ses collègues avec la petite Sofia

Alexandra reçoit 7 semaines d'heures supplémentaires !

Quand ils ont appris la nouvelle, les collègues d'Alexandra se sont immédiatement sentis concernés. "C'est Nico, le garçon de réserve, qui a eu l'idée. Il a dit un jour 'Ce n'est pas possible, on doit faire quelque chose' en remontant dans le bureau", nous a expliqué Cécile, une collègue et amie d'Alexandra.

Son idée, c'est que tous les collègues donnent, d'une manière ou d'une autre, des jours de congé à Alexandra, pour qu'elle puisse partir en Colombie durant 6 semaines. Au départ, deux ou trois collègues sont allés trouver le responsable du magasin, et c'est remonté jusqu'à la direction des ressources humaines du Groupe Mestdagh, qui exploite les Carrefour-Market en Belgique, et qui a fini par trouver une solution (voir plus bas).

Finalement, "j'ai reçu l'équivalent de 7 semaines d'heures supplémentaire", précise Alexandra, alors qu'elle n'en avait besoin que de 6. "Sur environ 50 personnes qui travaillent dans le magasin, une vingtaine m'a donné des heures supplémentaires. D'autres, qui n'en avaient tout simplement pas à me donner, ont fait une cagnotte pour m'aider financièrement".

Très émue à l'époque, elle avait appris leur initiative avant qu'une solution soit trouvée par le Groupe Mestdagh. "Je trouvais déjà cela formidable, le geste, leur intention y était".

"On ne pouvait pas faire comme si elle ne faisait pas partie de notre vie"

Pour Cécile, une des collègues d'Alexandra que nous avons interrogée, c'est tout naturellement qu'elle a participé à cet élan de solidarité. "On la suit depuis le début, on était là quand elle souffrait de ne pas pouvoir tomber enceinte... mais elle a toujours eu une telle énergie, une telle capacité à aller de l'avant".

Quand la procédure d'adoption a été lancée, "on était au courant des lourdeurs financières et administratives". Lorsque ses collègues ont appris qu'Alexandra n'avait plus de jours de congé, "on se disait qu'on ne pouvait pas faire comme si elle ne faisait pas partie de notre vie", poursuit-elle.

"On a tous été solidaires, et au final, on se sentait comme si on allait devenir grand-mère ou tantine".

Durant le séjour des nouveaux parents en Colombie, "on recevait régulièrement des photos, qu'on accrochait au mur". Certains employés du Carrefour-Market, à Nivelles, "étaient tout de même un peu inquiets, on avait peur pour elle, car la Colombie, ce n'est pas le pays le plus rassurant du monde", plaisante aujourd'hui Cécile.

Si les 6 semaines à Bogota n'ont pas été de tout repos, "entre les nouveaux entretiens psychologiques et l'attente du jugement (car Sofia est devenue officiellement la fille d'Alexandra et de son mari en Colombie)", tout s'est finalement très bien passé, précise cette maman au sourire constant. "Je suis revenu le 18 décembre et le lundi 19, j'étais au magasin", pour montrer la petite Sofia à tous ces généreux collègues. Une grosse séquence émotion...


Alexandra, Sofia et Cécile, une de ses très généreuses collègues

Le Groupe Mestdagh "reste une entreprise familiale"

En Belgique, il n'est pas prévu par la loi de pouvoir céder des jours de congés à des collègues. Le Groupe Mestdagh, qui a tout de suite voulu aider Alexandra, a donc du trouver la parade.

"Le groupe reste une entreprise familiale (Eric Mestdagh, le descendant du fondateur, en est d'ailleurs l'actuel patron, NDLR), donc on voulait participer, d'une certaine manière, à cette adoption", nous a expliqué Anne-Lise Bouffioux, responsable de la communication.

"Ce qui était compliqué, c'était de trouver une solution tout en restant dans la légalité" pour permettre le transfert de jours de congé.

Finalement, les ressources humaines, en accord avec la direction, ont trouvé la parade sous la forme d'un don d'heures supplémentaires, qui ont été retirées du compteur des collègues d'Alexandra pour alimenter le sien, à hauteur de 7 semaines (de 28h).

C'est donc l'équivalent de 196 heures qui ont été données à cette maman patiente, mais aujourd'hui comblée avec sa petite Sofia de 16 mois, et entourée de collaborateurs qu'elle n'oubliera jamais.

Outre ces généreux collègues de travail, Alexandra tient également à remercier son gérant, qui "ne m'aurait pas laissée partir sans argent, quitte à faire passer mon absence dans des heures supplémentaires en négatif, que j'aurais comblées dans le futur".

À la une

Sélectionné pour vous