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Carine organise la fête des anges en mémoire de son fils disparu: "Cela ne pouvait pas être possible, mon bébé ne pouvait pas mourir"

Au printemps 2004, Carine Magnery perd un bébé âgé de 10 jours. Onze ans après cet évènement tragique, la douleur est encore bien vive pour cette maman au lourd chagrin. Chaque année, elle organise un rassemblement de parents en deuil, la "fête des anges" à Hannut qui, cette année, a lieu ce samedi 10 octobre.

"Je suis la maman d’un petit ange", c’est comme cela que Carine se présente. Et de commencer son récit poignant en prenant une longue respiration. "Mon compagnon et moi, nous nous sommes rencontrés en 2003." Très vite Carine tombe enceinte. Cette maman d’une petite fille de 6 ans est ravie. "Après avoir eu une petite fille prénommée Aurélie née d’une précédente union, cette fois-ci, j’attendais un garçon qu’on allait appeler Pierre. C’était le bonheur", se souvient la quadragénaire..

Une malformation cardiaque détectée lors de l'échographie des 7 mois

Mais au printemps 2004, lors de l’échographie des 7 mois, le regard de son gynécologue s’assombrit. Il détecte quelque chose d’anormal: "Il m’a dit que je devais absolument consulter le plus vite possible un cardio-pédiatre et il m’a renseigné quelqu’un aux Cliniques Universitaires de Saint-Luc. Le lendemain nous avions rendez-vous. Mon compagnon et moi, nous nous sommes rendus à Bruxelles. Nous allions vers l’inconnu."

A Saint-Luc, les docteurs confirment que quelque chose ne va pas et souhaite suivre Carine de près. Chaque semaine précédant la naissance du petit garçon, Carine se rend donc à Bruxelles pour effectuer des tests, des échographies. Les docteurs ne savent pas se prononcer avec certitude sur l’état du cœur du foetus. "On savait que Pierre allait naître aux Cliniques Saint-Luc au lieu de naître à la maternité de Rocourt (Liège), parce qu’à Bruxelles ils étaient équipés pour les enfants qui ont des problèmes de cœur et il fallait que toute une équipe de médecins nous encadre pour l’accouchement, pour l’accueillir. Psychologiquement, ce n’était pas facile. J’ai arrêté de travailler à ce moment-là. On m’avait dit : "Voilà on ne sait pas à l’avance si la malformation cardiaque sera opérable ou pas. Si cela l’est, l’enfant devra subir 3 opérations: une à la naissance, une à 6 mois et une à 1 an."


Pierre respire sans assistance médicale

L’accouchement est provoqué le 23 mai 2004 et Pierre voit le jour le 25 mai à 19h25, entouré d’un bataillon d’une dizaine de spécialistes. Carine se souvient.  "C’était un accouchement long et laborieux. Je n’ai pas pu prendre Pierre dans mes bras quand il est sorti. Dès qu’il est né, les équipes médicales l’ont pris. On m’a expliqué qu’une échographie du cœur devait être faite le plus vite possible. Deux heures après, des docteurs sont venus me trouver. Ils m’ont dit que Pierre était en néonatal, qu’il respirait tout seul alors que normalement on aurait dû l’assister, mais malheureusement la malformation était plus importante que ce qu’ils avaient vu à l’écho", déplore Carine qui a cru un instant au miracle en entendant que son enfant pouvait respirer sans avoir recours à une assistance médicale.

Le lendemain matin, le diagnostic final tombe et glace Carine. Pierre est inopérable. "J’ai toujours dit aux médecins que je ne voulais pas d’acharnement thérapeutique. Je ne voulais pas qu’il souffre. Ils m’ont juste dit qu’ils ne savaient pas quand cela allait arriver...(silence).. Quand Pierre allait nous quitter." Dans cette attente insupportable, Carine décide de baptiser Pierre dans la chapelle de la clinique. Et elle reprend Pierre dans sa chambre. Elle ne veut plus qu’il soit, seul, dans le service néonatal. "Il était tout le temps avec moi. Je pleurais beaucoup et un médecin m’a demandé pourquoi je pleurais et je lui ai répondu : "M’enfin docteur, mon bébé va mourir" et il m’a dit : "Mais madame ce n’est pas parce qu’un enfant va mourir qu’on va mourir". Furieuse, Carine se souvient lui avoir répondu: "Si. Je vais mourir sans lui."


"Cela ne pouvait pas être possible. Mon bébé ne pouvait pas mourir"

Carine et son compagnon décident de rentrer chez eux : "J’ai quitté l’hôpital et nous avons passé un week-end tous ensemble en famille à la maison", se souvient Carine. Un week-end où Carine, son mari, Aurélie et Pierre sont unis. Devant cet aperçu du bonheur, Carine ne veut pas se résoudre au diagnostic des médecins. "Le lundi, je me suis dit que cela ne pouvait pas être possible, que mon bébé n’allait pas mourir. Je suis allée à l’hôpital Reine Fabiola à Bruxelles. Je suis arrivée là-bas et le docteur m’a dit qu’on allait hospitaliser Pierre et qu’on allait faire tous les examens nécessaires. J’espérais de tout mon cœur que les médecins de Saint Luc s’étaient trompés".

Pierre subit une nouvelle échographie et un cathétérisme. Les docteurs vont explorer son cœur à l’aide d’une caméra introduite dans l’aine. L’espoir renaît dans le coeur de Carine, mais il est de courte durée. "Le docteur m’a dit qu’il était inopérable. Pour eux, c’était encore plus grave que ce qu’ils avaient vu à Saint-Luc. On m’a proposé de le faire partir tout doucement et moi je n'ai pas voulu. J’ai dit : "Non je veux qu’il reste avec moi et je leur ai dit que je voulais m’en aller de suite parce que je ne voulais pas qu’il fasse quoique ce soit pour que mon fils s’en aille. Nous sommes donc rentrés à Hannut."

Ce soir-là, Pierre remue beaucoup. Carine veut le mettre au lit. Depuis qu’il est né, le bébé dort avec le couple. Comme les soirs précédents, Carine l’installe dans le lit conjugal, s’allonge à ses côtés et aux côtés de son époux mais le nourrisson rouspète. Et Carine de se rappeler les paroles de son mari : "Je crois qu’il n’a pas envie de dormir avec nous cette nuit, mets le dans son lit". Carine s'est alors levée, s'est dirigée dans la chambre du petit pour le mettre dans son lit: "Je l’ai alors mis dans son lit et je lui ai murmuré à l’oreille : "Pierre, si tu veux partir, tu peux partir.... Et à 4 heures du matin, quand je me suis réveillée. Il n’avait pas encore réclamé à manger et j’ai compris qu’il était parti. Il ne bougeait plus dans son lit. J’ai cru que j’allais moi aussi partir", raconte Carine, la voix tremblante.

Les mois suivant le décès de Pierre sont terribles. Carine est inconsolable et se sent incomprise. Elle arrête de travailler, prend des médicaments et se fait suivre par une psychiatre. "J’avais besoin de parler de Pierre, j’avais besoin de le faire vivre alors que mon compagnon n’en parlait jamais. Il se renfermait sur lui-même."

L’entourage de Carine ne lui apporte pas le réconfort adéquat. Et Carine de témoigner : "Un parent qui n’a pas perdu un enfant ne sait pas ce que c’est. Il ne peut pas comprendre. L’entourage, ignorant tout de cette situation ne sait pas comment il doit réagir où en parler. Je pense que les gens ont, en réalité peur de cette situation."


"A la fête des anges, on parle de nos enfants comme s'ils étaient encore là"

Dans le désarroi le plus total, Carine tente à deux reprises de mettre fin à ses jours en prenant des médicaments. Avant de se ressaisir pour sa fille. "J’avais ma fille, Aurélie qui était là et je ne pouvais pas l’abandonner. Autrement, je serais partie avec Pierre. Vous savez quand on perd un enfant, on perd une partie de soi. Mais elle était là autour de moi à me parler de son petit frère, à me poser une multitude de questions. Elle m’a énormément réconfortée alors qu’elle était si jeune. Elle avait juste 6 ans. Ma fille c’est quelqu’un d’exceptionnel."

Dans son travail de deuil, Carine apprend qu’une manifestation rassemblant des parents endeuillés se tient chaque année en France à Chastre. Elle décide d’y prendre part et est agréablement surprise. "Avec les autres parents, on se comprenait, on traversait les mêmes émotions".

Elle ramène le concept en Belgique et organise en 2007 le premier rassemblement de parents en deuil à Hannut : "Le jour de la fête des anges, on est tous là et on parle de nos enfants comme s’ils étaient encore là. On partage les bons moments qu’on a passés avec eux et cela fait du bien à beaucoup de parents. On peut parler de nos enfants, on peut pleurer sans être jugé. Les parents présents me comprennent et je peux sans problème leur confier que j’ai un meuble à la maison qui contient toutes les affaires de Pierre et que je n’arrive pas à m’en défaire et que je n’y arriverai jamais. Alors que d’autres personnes me conseilleraient de m’en débarrasser pour tourner la page. Les autres parents endeuillés comprennent l’importance de conserver ce meuble chez moi. Après une journée comme celle-là en se sentant compris, on a un sentiment libératoire. On a le cœur léger. C’est une fois dans l’année et ça fait du bien."

La prochaine édition de cette journée particulière a lieu à Hannut ce 10 octobre sur la Place Lucien Gustin. Carine y participe comme chaque année : "Les parents endeuillés vont lire des poèmes, chanter des chansons, mais également réaliser un lancer de ballons au nom de leurs enfants disparus", détaille Carine.


"Un nouvel être est venu soulager mon coeur"

Onze ans après la disparition du petit Pierre, Carine explique qu’un autre petit être est venu soulager son cœur. "Depuis 6 mois, j’ai un petit-fils prénommé Thymeo. Ma fille a eu un garçon. Au départ quand elle m’a annoncé qu’elle était enceinte et qu’elle attendait un petit garçon, j’ai eu peur. J’ai eu peur de trop m’attacher à lui. Et puis au fur et à mesure, cela a été tout le contraire. Ma fille m’a permis de suivre toute sa grossesse. Je l’ai vu naître et quand je l’ai vu naître, je me suis dit que c’est son bébé à elle. C’est mon petit-fils. Je l’adore, je me suis raccrochée à lui. Je dis toujours qu’il est venu soigner mon cœur mais qu’il n’a pas refermé cette plaie qui sera toujours là. Il ne se passe pas un jour sans que je ne pense à mon fils.
Et Carine de préciser, enjouée, "le deuxième prénom de mon petit-fils Thyméo, c’est Pierre. Ma fille l'a choisi en en l’honneur de son frère. Pierre restera toujours dans nos cœurs."

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