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Carine: "Ras-le-bol de me battre avec des sans-gênes pour avoir le droit de stationner sur une place handicapé!"

Atteinte de la maladie de Charcot-Marie-Tooth, Carine se déplace très difficilement. Titulaire d’une carte de stationnement réservée aux personnes handicapées, elle subit régulièrement les incivilités d'automobilistes qui se garent à des places qui lui sont réservées. Un comportement qui agit comme la pointe de douleur de trop dans un quotidien marqué par les maux et contraintes causés par la maladie.

"À quoi sert cette carte ?" s'interroge Carine. Cette habitante de Carnières (Hainaut) fait référence à sa carte de stationnement pour personnes handicapées. Victime de la maladie de Charcot-Marie-Tooth qui, notamment, déforme gravement ses pieds et l'oblige à se déplacer au mieux avec une canne mais désormais le plus souvent en fauteuil roulant, cette femme de 32 ans constatait il y a peu qu'une fois encore, sur le parking du supermarché, les places réservées aux personnes à mobilité réduite étaient occupées par des personnes ne possédant pas de carte. Révoltée, elle a décidé de contacter notre rédaction via la page Alertez-nous pour exprimer son sentiment et faire comprendre, à travers le récit de son quotidien de malade de Charcot-Marie-Tooth, à quel point il est difficilement supportable de se retrouver devant ces places prises. "Ras le bol des incivilités! Ras le bol de me battre tous les jours avec des sans-gênes pour avoir le droit de stationner sur une place handicapé", nous a écrit Carine, mère d'une petite fille âgée de 9 ans.

L'affection de Carine ne doit pas être confondue avec la maladie de Charcot dont on a beaucoup entendu parler il y a un an à travers le phénomène de l'Ice Bucket Challenge sur les réseaux sociaux. Carine souffre d'une maladie dégénérative qui touche les nerfs et les muscles, s’installant progressivement. Les pieds sont déformés, mais aussi les mains. "Les pieds creux sont un signe, déjà dès le plus jeune âge. Il y a aussi une absence de muscle au niveau des mollets, des cuisses", nous décrit la trentenaire. Autre symptôme très handicapant: la perte de la sensibilité: "Quelle que soit l’information que vous recevez, si c’est doux ou rugueux, froid ou chaud - vous ne le sentez pas, nous dit-elle. La seule information qui arrive au cerveau c’est la douleur. Moi, je ne sens plus ni le chaud ni le froid."

Année après année, la maladie s'est imposée de façon croissante dans la vie de Carine désormais parvenue à un stade avancé: "Je ne travaille plus, j’ai une carte handicapé, j’ai l’INAMI qui me paye des indemnités, une reconnaissance totale à la Vierge Noire (NDLR: nom familier donné à la Direction générale Personnes handicapées). J’en suis à ce stade-là à 32 ans, ça va vite..."


La douleur, du matin au soir

Chaque journée est un combat pour la jeune femme qui se réveille à 6h20 dans le but de se lever à 7. "C’est le temps qu’il faut pour pouvoir récupérer mes jambes, gérer la douleur, mettre mes pieds à terre, mesurer ce qui est possible pour se déplacer et aller aux toilettes", dit-elle. Une fois rafraîchie et habillée, Carine avale de nombreux comprimés avant d'attaquer son petit-déjeuner, avec le risque qu’elle ne garde pas ce qu’elle vient de manger...

À 8 heures, c’est l’heure du départ pour l'école où elle amène sa fille. Un enfant qu'elle aimerait davantage toucher, serrer dans ses bras. Mais certains matins, le contact physique est impossible à cause de la douleur.

Vient le moment de la marche, toujours davantage source de souffrance. Cela fait quatre ans que Carine ne peut plus porter de chaussures normales et se contente donc de clapettes. "Quand je marche avec des chaussures, c’est comme si on m’enfonçait des clous dans les os." souligne la jeune femme qui doit s'aider d'une canne. Mais le problème de la marche s'envole peu à peu. Carine n'y arrive plus. "Je suis maintenant le plus souvent en chaise roulante", déplore-t-elle. 

Il y a les pieds. Il y a aussi les mains. Leur raideur empêche Carine d'accomplir certains gestes banals. "Ouvrir une bouteille d’eau pétillante, je ne sais plus, c’est trop dur. Mais on s’adapte: par exemple, pour couper du steak, je ne prends plus de couteau mais une paire de ciseaux", raconte-t-elle.

Outre ses mouvements, la maladie abîme aussi la sensibilité de la trentenaire. "Je suis incontinente neurologiquement. Ça veut dire que mes organes vont bien, mais que l’information au niveau du cerveau ne passe plus."

Après une journée éprouvante, la nuit n'est malheureusement pas synonyme de repos complet. "Il y a des jours où je ne sais pas rester sur le dos tellement c’est douloureux, sur le côté c’est abominable, et bien alors je dors assise, je mets des coussins et voilà, on trouve des trucs", raconte Carine.


Contre la douleur: sa famille, la médecine et... sa joie de vivre

Pour améliorer son quotidien, Carine peut heureusement compter sur sa famille. Ses parents mais aussi son mari Vincent, à qui elle vient récemment de dire "oui" et qui rénove d'ailleurs leur future maison en pensant à des aménagements. Et puis, il y a sa fille qui a "une maturité étonnante et épatante". "Elle est d’une autonomie, à 9 ans, fabuleuse", se réconforte-t-elle.

La chimie lui vient aussi en aide: "Quand les médicaments font effet, ça devient tolérable et acceptable", dit-elle. De même que la kiné, "indispensable", dispensée plusieurs fois par semaine. "On m’a appris à gérer le capital musculaire que j’ai encore", explique-t-elle.

Malgré tout, la douleur ne disparait jamais totalement. "Je n’ai jamais une absence de douleur. C’est tolérable ou abominable", résume-t-elle. A côté du soutien des proches et de la médecine, Carine doit donc aussi aller puiser sa force en elle-même: "Je souris tout le temps, je suis toujours de bonne humeur, j’ai une joie de vivre extraordinaire", lance-t-elle, soucieuse de profiter des bons instants.


Poste, supermarché, école: des places pour handicapés occupées par des automobilistes en pleine santé

Dans une vie à ce point entravée par la maladie, le comportement de certains fait sortir Carine de ses gonds. Ils sont en effet nombreux à occuper des places destinées aux handicapés alors qu'ils ne souffrent d'aucune affection. Titulaire d’une carte de stationnement pour personne handicapée, Carine affirme se retrouver souvent devant des emplacements occupés par des véhicules sans carte. À La Poste, au supermarché, et même à l’école de sa fille, "C’est tous les jours" assure-t-elle, parlant d'un "vrai calvaire".

"À l’école, les places pour handicapés sont à 50 mètres de l’entrée de ma fille, raconte-t-elle. Ce n’est pas possible, c’est trop loin alors je m’arrange avec la direction pour me garer dans un petit chemin plus près. Mais il n’y a pas un seul jour où cet endroit est libre malgré l’intervention de la police, malgré la présence régulière de la directrice. J’ai une dérogation qui me permet de me garer là, les autres parents me connaissent... Et quand on les interpelle, ils répondent des trucs du genre: 'J’ai pas envie de bouger, je suis à l’ombre'".

Face à ces situations récurrentes, Carine n’hésite pas à interpeller les personnes concernées. Certaines s’excusent, d’autres trouvent des excuses bidon, et puis il y a ceux qui réagissent très mal. La pire situation à laquelle elle dit avoir été confrontée, c’était au supermarché. Un agent de sécurité lui est venu en aide en allant parler à l'automobiliste mal garé, mais celui-ci s'est emporté selon notre interlocutrice: "Il m’a insulté en retournant à sa voiture. Il m’a traitée de tous les noms devant tout le monde: 'Saloperie d’handicapée, je te retrouverai'".

Pire encore, une voisine de la jeune femme prétendrait qu’elle simule: "'De toute façon vous faites semblant', voilà ce qu’on m’a déjà dit, explique Carine. Il faut savoir que la carte est très difficile à obtenir auprès de la Vierge Noire et ces dernières années, ils durcissent vraiment les contrôles et les visites médicales pour autoriser l’octroi. Il y a eu des abus il y a quelques années, mais aujourd’hui, c’est très contrôlé et si on l’a, vraiment, c’est qu’il y a une raison", dit-elle.


Toujours signaler l'infraction à la police même si elle ne pourra pas toujours se déplacer

Chaque année, des milliers de procès-verbaux sont dressés à l’encontre des personnes qui se garent sur des places réservées aux handicapés: 43.124 infractions enregistrées en 2013 et 39.316 en 2014. Jean-Marie Barbant, président de la commission permanente de la police locale rappelle qu’en théorie, on enlève le véhicule incriminé. Mais dans la plupart des cas, seules des amendes administratives sont infligées: "Suivant ce que le règlement général de police a prévu, vous aurez une sanction administrative (de 50 à 110 euros) pour l’infraction constatée."

Si les personnes à mobilité réduite sont nombreuses à se manifester, la police prêtera une plus grande attention à la problématique: "Un mot d’ordre sera vraisemblablement donné pour éviter ces désagréments pour les personnes à mobilité réduite, et une campagne va être menée avec une tolérance quasi nulle par rapport à ces abus et à ces utilisations injustifiées", explique Jean-Marie Brabant qui conseille donc à Carine et autres personnes dans son cas "de signaler systématiquement l'infraction aux services de police". Il prévient toutefoisque la police ne pourra pas toujours se déplacer. "La nuit, quand il y a deux patrouilles pour un territoire relativement important, cela ne se fera que s’il n’y a aucune autre intervention", dit-il.

Carine quant à elle s'apprête à déménager en province liégeoise, à Faimes où elle espère "rencontrer plus de civilités".

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