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Ce patron a transformé ses installations et sa flotte de voitures de société en 'plug-in hybrides': le gouvernement va bientôt faire "une catastrophe"

Les voitures dites 'plug-in hybrides', un concept pourtant plébiscité par les constructeurs qui font un pas vers l'électrique, n'auront bientôt plus aucune raison d'être dans la flotte d'une entreprise. Le Ministère des Finances est sur le point de leur retirer leur avantage fiscale. Et pourtant, bien utilisée, elles ont permis à une entreprise wallonne de faire rouler ses 32 voitures de société "28% du temps au soleil", et le reste à l'essence. C'est nettement plus écologique que le diesel, privilégié par toutes les entreprises pour son coût et sa consommation moins élevés.

Paul de Gheldere est un patron en colère. C'est un de ses employés qui a prévenu la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous, pour nous faire part d'un changement dans la législation fiscale qui va avoir un impact très important sur un secteur en pleine expansion: les voitures dites 'plug-in hybrides', de plus en plus intelligemment développées pour offrir l'autonomie d'un moteur essence et l'écologie d'un (petit) moteur électrique.

C'est le même genre de modifications que celles prises par la Région wallonne avec les panneaux solaires: un changement des règles du jeu en cours de partie, qui bouleverse une tendance positive pour l'environnement, à savoir le recours à de l'énergie renouvelable en remplacement partiel de l'énergie fossile.

Les modifications que le gouvernement fédéral est sur le point de concrétiser sont "une vraie catastrophe pour le secteur, et donc pour l'environnement", nous a expliqué Paul de Gheldere, le patron de Netika, une entreprise de logiciels et services informatiques basée à Wavre.

Après 20 ans de diesel, une solution plus propre

C'est en 2016 que Netika a réfléchi au moyen de remplacer sa flotte d'une quarantaine de voitures de société roulant au diesel en quelque chose de plus respectueux de l'environnement. "Ça faisait 20 ans qu'on roulait au diesel, et on a donc examiné ce qu'il était possible de faire au niveau de l'essence".

Netika s'est orienté "vers les véhicules plug-in hybrides" qui, plus chers à l'achat, reviennent pratiquement au même prix que l'essence grâce à une fiscalité avantageuse, et si on les utilise correctement. Calculs faits, la société constate 5% de coût total supplémentaire en roulant avec des plug-in hybrides (comparé à des diesel). "Mais on fait un vrai geste pour l'environnement".

Au niveau fiscal, les rejets de CO2 calculés sur base d'une utilisation optimale sont tellement bas que les plug-in hybrides "sont déductibles à 100%", c'est-à-dire qu'ils font baisser davantage le bénéfice imposable de la société. Une voiture diesel (très populaire dans les entreprises), en fonction de ses rejets de CO2, n'est déductible qu'à hauteur de seulement 50% généralement. Une voiture électrique, qui ne rejette directement pas un gramme de CO2, est déductible à 120%.

 
Les nouveaux panneaux et les nouvelles voitures de Netika

Il a transformé une partie de sa société…

Après avoir fait tous ses calculs, Paul de Gheldere a voulu aller plus loin, beaucoup plus loin, pour que l'utilisation des plug-in hybrides soit la plus efficace possible. "On a fait installer des panneaux solaires, il y a 100 kWc (ils produisent donc 85.000 kWh par an, NDLR) sur notre toit. On a ensuite monté des stations de recharge devant chaque place de parking".

Tous les employés disposant d'une voiture plug-in hybride (il y en a 32 chez Netika) ou 100% électrique (4) ont donc pris l'habitude de brancher leur câble dès qu'ils arrivent au travail. "Avec ce qu'on a installé, ça prend 10 secondes".

En bon éditeur de solutions informatiques, Netika a aussi créé son propre logiciel pour gérer de manière pointilleuse une flotte de véhicules plug-in hybrides. "On a développé Neofleet pour les PME qui souhaitent elles aussi passer à ce type de voiture pour leurs employés".

Cela va tellement loin que la gestion de la recharge des voitures via les panneaux solaires dépend de la météo (entre autres), et que les employés ont un chargeur intelligent à domicile pour se faire rembourser automatiquement l'électricité injectée durant la nuit dans la voiture.

Tout ça pour rien ?

Paul de Gheldere est fier d'avoir réussi son "challenge", comme il appelle le passage du diesel à l'hybride pour sa flotte de voitures de société. Après des calculs minutieux et des investissements intelligents, il présente un bon bilan écologique.

"En 5 mois, 11.900 kW/h ont été injectés dans les batteries des voitures. Elles ont roulé 49.000 km 'au soleil', soit 28%, et même 33% pour ceux qui chargent la voiture chez eux, la nuit". Au lieu de rouler 100% au diesel polluant, les employés de Netika roule donc un tiers du temps sans rejeter le moindre gramme de CO2, et deux tiers du temps à l'essence, un carburant plus propre. 

Hélas, au lieu d'inspirer d'autres PME (et leur donner aussi l'idée d'utiliser le logiciel Neofleet par la même occasion, tant qu'à faire), le beau projet wallon de Netika pourrait n'être qu'une brève éclaircie dans la grisaille.

"Le gouvernement fédéral veut faire la chasse aux 'fausses voitures hybrides', mais c'est insensé, ça n'existe pas".


Paul de Gheldere, un patron amer

C'est quoi, une 'fausse hybride' ?

Il y a quelques mois, lors d'une nouvelle réforme de la fiscalité, le gouvernement fédéral de Charles Michel a annoncé son intention de chasser les 'fausses hybrides'. Il s'agirait des voitures plug-in hybrides dont la batterie sensée prendre le relais régulièrement ne serait jamais rechargée par son conducteur. Dès lors, elle polluerait exactement comme une voiture traditionnelle, tout en profitant d'avantages fiscaux indûs.

Il est donc logique de s'attaquer à cet abus, mais selon Paul de Gheldere, ce sont les "mauvais conducteurs de voitures hybrides" qu'il faut sanctionner, ceux qui ne prennent jamais la peine de recharger la batterie au travail ou à la maison. "Les fausses voitures hybrides, ça n'existe pas, car toutes les voitures plug-in hybrides ont plus ou moins la même capacité à rouler à l'énergie électrique, environ 30 km".

En réalité, le gouvernement vise les (mauvais conducteurs de) Porsche Cayenne, Volvo XC90, BMW X5 (etc…) ayant une version hybride. Ces gros SUV de luxe sont déductibles fiscalement, or ils consomment énormément de carburant - un peu moins si la batterie est chargée tous les jours. 

Une base de calcul très sévère

Hélas, la base de calcul pour ne plus octroyer d'avantages fiscaux (si la batterie a une capacité de production de moins de 0,6 kWh / 100 kg du poids de la voiture) est tellement sévère qu'elle pénalise toutes les plug-in hybrides. Fini la déduction de 100% de la voiture, et fini l'ATN réduit (voir plus bas). C'est quelques milliers d'euros par an et par voiture. 

"Il faut voir s’ils parlent du poids annoncé à vide, ou du poids en ordre de marche. Même dans le meilleur des cas (poids à vide), ceci confirme le maintien du problème, en tous cas sur tous les petits modèles: Golf GTE, Audi A3 eTron, BMW 225xe, BMW 330e; … ce qui est pour le moins choquant"

En résumé, d'après Paul de Gheldere, le gouvernement "ne pénalise toujours pas ceux qui ne rechargent pas (les mauvais conducteurs d'hybride), par contre il 'taxe' tout le monde et va donc tuer ce marché porteur en faveur d'un transport plus écologique".

Selon lui, il existe des solutions pour s'attaquer aux mauvais conducteurs. "La première option: l’électronique de la voiture connait les recharges qu’elle a reçue, et donc le constructeur pourrait permettre à un conducteur d’imprimer une attestation de ses recharges. La deuxième option: il suffit que la société équipe les employés d’un chargeur portable communiquant qui transmettra vos données de recharge sur un serveur. Ce serveur enverra par mail un relevé certifié de vos recharges (par mois, par an)".

Le gouvernement tue le marché du plug-in hybride auprès des sociétés

Que dit le Ministère des Finances ?

Nous avons tenté d'obtenir des réponses de la part du Ministère des Finances, détenu par Johan Van Overtveldt (N-VA). Ils ont confirmé qu'une telle modification était sur le point d'être actée. "La mesure sera d’application pour les plug-in hybrides achetées à partir du 1er janvier 2018",  nous a expliqué Caroline Dujacquier, porte-parole.

Mais on a vite décelé un manque de nuance dans le traitement du problème. "Les véritables hybrides ne sont pas visées par le projet de loi, seules les 'plug-in hybrides' le sont, à savoir celles qui se rechargent par une source d'énergie externe", dit le Ministère.

C'est très mal connaître le marché automobile et ses grandes tendances. En effet, Toyota a inventé il y a longtemps le concept de la voiture hybride rechargeant automatiquement sa batterie avec la Prius, et aujourd'hui avec d'autres modèles. Mais à l'époque, les batteries étaient de faible capacité et pouvaient donc effectivement être rechargées lorsque la voiture freinait ou décélérait.

Mais entre-temps, la donne a largement changé. Toutes les marques qui se lancent dans l'électrique (quasiment 100% des grands constructeurs, en réalité) commencent par le plug-in hybride, pour la bonne et simple raison qu'une batterie permettant à une voiture de 2 tonnes de faire une trentaine de kilomètres doit être de grande capacité, et ne peut se recharger uniquement avec la récupération d'énergie cinétique du freinage de la voiture.

Donc, en retirant l'avantage fiscal sur ces voitures qui sont plus chères à l'achat (les petites BMW 225xe de Netika coûtent déjà 36.000 euros), effectivement, le gouvernement "tue le marché du plug-in hybride auprès des sociétés".

Leur ATN (avantage toute nature) explose également

Mais il y a pire: "pour les voitures de société, la déductibilité et la taxation comme ATN seront fixés sur la base du modèle non-hybride correspondant (même carburant)", nous a précisé Caroline Dujacquier.

Contrairement à ce que pense Paul de Gheldere, les autorités fiscales ne vont pas "cumuler la puissance des deux moteurs (électrique et thermique)". En réalité, "on prend le taux d'émission de CO2 du modelé thermique correspondant, il n'est pas tenu compte du moteur électrique", nous a précisé la porte-parole du Ministère des Finances.

Malgré cela, selon les marques et les modèles, les conséquences se chiffrent parfois en milliers d'euros. "Dans le cas d'une BMW 330e qui serait donc considérée comme une 330i, le CO2 passera, avec la nouvelle loi, de 46 grammes à 145 grammes. Et donc, la TMC passera de 2.500 à de 5.000 €, la déductibilité de -100% à -75%, et l’ATN payé par l'employé de 1.800 à 3.875€".

Bref, c'est la fin des voitures de société plug-in hybrides, comme le craint Paul de Gheldere, qui a d'ailleurs lancé une pétition.

Précisons que pour le particulier, ça ne change rien, car il ne peut de toute façon pas déduire fiscalement l'achat d'une voiture, et il n'est pas question d'ATN. 

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