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Cédric et sa compagne trouvent l'appartement de leurs rêves, mais le propriétaire change d'avis au dernier moment: "Je me suis senti rabaissé"

Quelques heures avant de signer un bail de location pour un appartement, Cédric et sa compagne ont été prévenus que le bien serait loué à quelqu'un d'autre. Probablement sans le savoir, le propriétaire s'est rendu coupable de plusieurs infractions. Explications.

Cédric et sa compagne ont trouvé l'appartement de leurs rêves au début de la semaine passée. Un bien situé à Koekelberg et loué 800 euros par mois. Après la visite, ils concluent l'affaire avec le propriétaire d'une poignée de main, et fixent un rendez-vous deux jours plus tard pour signer le bail. Mais quelques heures avant d'officialiser l'accord, c'est la douche froide. "Mercredi, à 11h, on a reçu un appel téléphonique venant du propriétaire. Il nous a alors informés que, malheureusement, nous n'aurions pas l'appartement. Lorsque je lui ai demandé pourquoi, il m'a simplement et naturellement répondu que 'd'autres personnes travaillant à la commission européenne allaient prendre l'appartement, et qu'il préférait louer l'appartement à ces gens là' (sic)", a dénoncé Cédric via notre bouton orange Alertez-nous. "Depuis lors, il ne répond plus à nos appels. Une fois son père a décroché pour nous dire qu'il était dans ses droits et que c'était comme ça", a-t-il ajouté.

Cédric est étudiant et sa compagne est employée au CPAS d'Ixelles. Leurs revenus mensuels, avec l'aide des parents de Cédric, dépassent à peine les 2.000 euros, mais le loyer demandé ne leur paraît pas insurmontable. Le propriétaire ne s'y était d'ailleurs pas opposé et ils avaient apporté toutes les preuves demandées ainsi que des éléments prouvant que leurs loyers précédents avaient toujours été payés à temps. "On a vraiment du mal à encaisser cette décision. Comment expliquer ce retournement soudain de situation, si ce n'est un jugement par rapport au salaire, probablement supérieur, des futurs locataires ? Cela m'a semblé clairement discriminatoire, et je me suis senti rabaissé par cette affirmation. C'est injuste et totalement scandaleux", s'insurge-t-il.


Le propriétaire ne peut pas faire ce qu'il veut

Selon certains professionnels du secteur, il n'est pas rare qu'un propriétaire choisisse ses locataires en fonction de certains critères, ce qui peut sembler naturel. Mais il y a malgré tout des règles à respecter. "Un propriétaire peut décréter qu'une personne ne gagne pas assez pour louer son bien. Ca ce n'est pas de la discrimination, tant que la limite minimale de revenu qu'il exige n'est pas farfelue, bien entendu. Par contre, choisir quelqu'un d'autre parce qu'il gagne plus, c'est discriminant et, en principe, interdit", a expliqué José Garcia, secrétaire général du syndicat des locataires, avant d'ajouter: "D'habitude les propriétaires sont plus malins que ça. Leur raisonnement est identique, mais ils disent qu'ils attendent la réponse d'une personne qui a visité l'appartement avant, ou qu'ils ont une connaissance qui a la priorité, etc... "

Le hic, c'est qu'il n'y a souvent ni trace, ni témoin. Or, aussi bizarre que cela puisse paraître, cela n'autorise pas le propriétaire à faire n'importe quoi. En théorie du moins. Car en pratique, c'est autre chose. "Dans le cadre d'un bail pour résidence principale, la loi n'autorise pas de bail oral, de façon à protéger les parties. Mais malgré cela, un bail n'a pas besoin d'être écrit pour exister. Donc si deux parties se mettent d'accord sur l'occupation d'un bien avec une date de début et le montant d'un loyer à payer, il y a un engagement qui lie les deux parties", déclare Bénédicte Delcourt, directrice du syndicat des propriétaires et copropriétaires.

Dans le cas de Cédric et de sa compagne, le propriétaire s'est donc mis en travers de la loi à deux égards: un engagement non-respecté ainsi qu'une discrimination sur base du revenu. Et à en croire le secrétaire général du syndicat des locataires, ce n'est pas du tout chose rare. "Avant les discriminations les plus courantes étaient de loin des discriminations raciales. Mais maintenant cela change. Il y a beaucoup de discriminations qui se font sur base des revenus, mais aussi des orientations sexuelles", dénonce-t-il.


"Nous avions déjà commencé à emballer nos affaires"

Mais le problème reste le même. A moins d'aller visiter un bien avec une caméra cachée ou des témoins, ces infractions restent la plupart du temps sans suite. Mais ce n'est pas une raison pour laisser tomber. Et si Cédric et sa compagne ne doivent pas espérer la moindre compensation, il n'est pas toujours inutile de pousser l'affaire plus loin, ne serait-ce que pour éviter qu'une totale impunité ne s'installe dans l'esprit des propriétaires. "Il peut s'avérer opportun d'aller déposer une plainte au commissariat de police le plus proche, ne serait-ce que pour les bases de données et les statistiques. Si tout le monde prenait le temps de faire cela, les autorités finiraient bien par se dire qu'il est temps de réagir", conseille José Garcia.

Pour Cédric et sa compagne, l'heure est désormais à la recherche intensive d'un autre logement. Car si la décision du propriétaire de ne pas leur accorder son bien semble sans conséquence, si ce n'est leur amour propre qui en a pris un coup, ce n'est pas tout à fait vrai. "Nous avions déjà commencé à emballer nos affaires et à nous arranger pour la réservation d'un camion et d'un lift en vue du déménagement. Mais surtout, on a résilié le bail pour notre logement actuel. On doit donc déménager avant la mi-août", regrette Cédric qui avoue pourtant avoir eu un doute au moment de s'engager. "Le propriétaire nous a demandé l'argent de la garantie en cash. Il voulait 1.400 euros. Cela nous avait étonnés, mais nous avions quand-même débloqué cette somme parce qu'on avait vraiment eu un
coup de coeur pour cet appartement".


Garantie locative: voici les règles à respecter

Un élément supplémentaire qui rend le propriétaire en question coupable d'une troisième infraction. "Dans le cadre d'un bail pour une résidence principale, c'est totalement interdit de demander une garantie en cash. C'est la loi qui l'interdit, et là, quel que soit l'accord entre la bailleur et le locataire, cela ne peut pas être toléré", a réagi Bénédicte Delcourt.

En effet, un contrat de bail, dans le cadre d'une résidence principale, prévoit trois possibilités en ce qui concerne les garanties
locatives:

  • La plus courante, c'est un compte ouvert au nom du locataire et qui est bloqué, avec signature du propriétaire qui devra donc
    donner son accord pour que l'argent soit libéré. Le montant à verser sur ce compte équivaut à deux mois de loyer.
  • Il y a aussi les garanties locatives qui sont constituées par le CPAS si le locataire en question bénéficie de cette aide sociale,
    avec un montant qui atteint cette fois 3 mois de loyer.
  • Enfin, les banques acceptent parfois de garantir une somme équivalente à 3 mois de loyer pour leur client (le locataire), sans que ce dernier n'ait libéré la somme en un coup. Il paie par versement successifs sur une durée déterminée. "Mais ce genre de cas est très rarement observé dans la pratique, car les banques demandent des frais de dossier qui peuvent atteindre 250€ voire 300€", nous a confié Bénédicte Delcourt, directrice du syndicat des propriétaires et copropriétaires.


Les riches, des mauvais payeurs ?

Cédric et sa compagne, désemparés, doivent maintenant tourner la page et trouver un autre bien à louer. Si ce n'est l'urgence dans laquelle ils se trouvent désormais, la situation n'est pas catastrophique étant donné qu'ils n'ont pas été victimes d'un escroc, mais plutôt d'un propriétaire méfiant et visiblement peu scrupuleux.

Finalement, c'est d'un point de vue psychologique que la pilule a du mal à passer. "C'est blessant, vraiment. Nous ne sommes pas des mauvais payeurs, nous sommes honnêtes, et puis quelques heures avant de signer un bail, on nous fait comprendre qu'on a trouvé quelqu'un de mieux que nous. C'est dur à avaler", déplore Cédric.

Et malheureusement, ce jeune couple est très loin d'être seul dans ce cas. Or, si certains trouvent une telle sélection "normale" de la part d'un bailleur, les faits tendraient à démontrer qu'ils font souvent fausse route. "Certains préjugés ont la vie dure, mais les propriétaires doivent savoir que les locataires considérés comme pauvres paient plus souvent leur loyer de façon régulière que des locataires que l'on peut mettre dans la catégorie des riches. C'est paradoxal et peut-être difficile à croire, mais c'est pourtant bien le cas", révèle José Garcia avant de clarifier ses propos: "Cela s'explique principalement par le fait qu'ils se sentent plus vulnérables, et aussi qu'ils ont plus de mal à trouver un logement dans leur ordre de prix. Même s'ils doivent se serrer la ceinture, ces personnes vont faire en sorte de ne pas avoir de problème supplémentaire, avec le risque éventuel de finir à la rue".

@ArnaudRTLinfo

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