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Chantal, désespérée à Lodelinsart: "Nous devons vivre avec ce chancre au quotidien"

Le paysage devant chez elle ne change pas depuis des années. Il n'a rien d'une carte postale. Des ordures hétéroclites qu'on abandonne à tout moment de la semaine. C'est "non-stop", soupire Chantal. Ce lundi matin, il y avait des cartons, des sacs bleus, des pièces de mobilier et un sofa entier noir laissés là, sur la pelouse au bord de la rue Alfred Georges à Lodelinsart dans la région de Charleroi. Alors, comme souvent, elle a pris une photo. Au contraire de dizaines d'autres fois, la riveraine ne l'a pas envoyée à la Sambrienne, la société de logements sociaux qui est propriétaire du terrain sur lequel gisent les déchets, mais bien à notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous. "Nous devons vivre avec ce chancre au quotidien! Il y a des années que cela dure et cela ne fait qu'empirer!", nous a commenté la dame âgée de 59 ans. Nous lui avons téléphoné.


Un problème qui n'est pas nouveau

La semaine passée, nous dit-elle, avec les fortes chaleurs, la nourriture a fait revenir les rats. Elle les voit qui traversent la rue. Ce n'est pas une première. L'an passé, elle a "dépensé une fortune en poison" pour se débarrasser des rongeurs qui pénétraient dans sa cave. Le retour de ces animaux a constitué la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Lassée de l'absence de résultats obtenus par La Sambrienne et les autorités locales, elle nous a alors contactés. Chantal est arrivée ici en 2002 et "ça a commencé deux ou trois ans plus tard", se souvient-elle. Il y a eu une pétitions de toutes les personnes qui habitaient en face de l'immeuble géré par La Sambrienne au pied duquel s'entassaient les déchets. Un reportage télé s'était même penché sur le problème. Il avait eu pour effet d'améliorer la situation un temps, se rappelle Chantal. Mais les choses étaient vite revenues à la normale. Depuis lors, la quinquagénaire a fait parvenir une myriade d'emails, souvent accompagnés de photos. Mais, selon elle, les rares réponses qu'elle reçoit font état d'une relative impuissance face au phénomène. Elle nous déclare que La Sambrienne, qui gère 10.000 logement sociaux à Charleroi, a bien déposé des toutes boîtes informant du risque d'amende administrative pour ces dépôts sauvages. Mais, déplore-t-elle, cela se limite à cette communication et personne ne va fouiller dans les sacs pour retrouver un indice, une adresse qui permettrait de remonter aux individus qui commettent ces actes irrespectueux.


Huit ouvriers de La Sambrienne font désormais le tour des cités chaque semaine

Nous avons joint Hicham Imane, le président de La Sambrienne. S'il reconnait que les dépôts sauvages d'ordures sont récurrents, en particulier à l'endroit où vit Chantal, sa société est tout sauf inactive dans un combat quotidien contre un "fléau", une "catastrophe" qui ne semble jamais vouloir reculer. Il nous détaille les actions qui se font en concertation avec les services propreté de la Ville de Charleroi et l'ICDI, l'intercommunale qui collecte les déchets dans la région de Charleroi.

Depuis peu, chaque semaine, huit ouvriers de La Sambrienne et leurs deux camionnettes font le tour des cités pour les vider des dépôts clandestins. Pour les aider dans leur tâche, l'ICDI communique les endroits problématiques qu'elle repère lors du ramassage des poubelles. Les locataires et le service propreté de Charleroi téléphonent eux aussi pour signaler les décharges sauvages. Selon Chantal, les passages de ces camionnettes de La Sambrienne ne sont pas assez fréquents. Au mois de mai-juin, elle s'est effectivement entendu dire qu'on emmènerait les encombrants une fois par semaine mais, désespère-t-elle, "ils sont juste venus 1 ou 2 fois depuis".


Un conteneur pour les encombrants, gratuit, une fois par an dans la cité

La dernière action en date de la Sambrienne a été entamée ce mois-ci. Il s'agit dans un premier temps d'une phase de test en cours sur trois sites. Les locataires sont priés de se rendre en un endroit précis, un peu à l'écart de l'immeuble, pour déposer leurs déchets dans des poubelles enterrées auxquelles ils ont accès avec un badge. La période d'essai durera six mois. Si elle est positive, elle sera étendue à toutes les cités sociales d'au moins 100 à 150 ménages, nous dit Hicham Imane. Enfin, ajoute-t-il, concernant les encombrants, une fois par an désormais, La Sambrienne amène un conteneur qui permet aux locataires d'y jeter tous leurs gros déchets.


Tous les locataires paient pour une minorité d'individus irrespectueux

Toutes ces mesures ont un coût que La Sambrienne est obligée de répercuter sur les locataires sous forme de charges supplémentaires à payer. "On ne sait pas faire autrement", dit son président. Et c'est bien cette injustice qui enrage le plus Hicham Imane: "Nos gens dans les cités ont dur à joindre les deux bouts et après vous leur rajoutez des charges. Ils doivent payer pour d'autres, pour une minorité." Alors, pourquoi ne pas d'abord se concentrer sur l'identification et la sanction de cette minorité qui balance n'importe où ses ordures? C'est ce que pense Chantal qui estime qu'il faut régulièrement fouiller dansles détritus pour trouver les indices qui permettent de remonter aux coupables.

La police lui a indiqué que, vu la situation sécuritaire, "elle avait d'autres priorités que de mettre des gants et chercher des noms parmi les ordures", nous rapporte Chantal. Quant à la commune, elle n'intervient pas car il s'agit d'un terrain privé qui appartient à La Sambrienne. C'est donc là aussi à la société de logement que revient ce boulot. Un boulot que son président nous dit faire. Si un sac est éventré et qu'un membre du personnel repère un document avec un nom, il transmet les informations à la police administrative, assure-t-il.


"C'est vraiment dur, parfois on est découragés"

Mais même si ces personnes étaient identifiées, la situation changerait-elle? Chantal en a déjà pris sur le fait. Elle nous raconte que, lorsqu'elle leur a fait part du risque d'amende, ces personnes lui ont répondu: "On s'en fout, on est insolvables". Pour Hicham Imane, c'est un "problème de société" qui passe inévitablement par un travail à long terme. Il n'en reste pas moins qu'au jour le jour, "c'est vraiment dur, parfois on est découragés. On dépense énormément d'argent et d'énergie pour une minorité", regrette le responsable.

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