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Corinne se voit refuser un job car elle ne chôme pas depuis 24 mois: "Je me suis demandé si c'était une caméra cachée"

Si les aides à l'embauche peuvent faire des heureux, elles peuvent aussi provoquer de grosses frustrations pour des personnes qui remplissent presque les conditions pour y accéder, mais pas toutes. C'est le cas de Corinne, dans la région de Charleroi, qui a dû faire une croix sur un poste ouvert à des chômeurs de longue durée. Nous vous livrons son témoignage, qui met la lumière sur le "programme de transition professionnelle" (PTP), qu'on dit dépassé. La réforme des aides à l'emploi devrait amener des programmes simplifiés et mieux adaptés aux réalités d'aujourd'hui.

"Comment cette loi peut-elle exister ?", voilà le message que nous a transmis Corinne, via le bouton orange Alertez-nous. Cette femme, qui vit dans la région de Charleroi, nous a fait part de sa détresse. "Je suis sans emploi et au chômage depuis 13 mois maintenant, maman de deux enfants avec une maison à payer, j'ai déjà été convoquée au FOREM 3 fois et à l'ONEM une fois sur 13 mois de temps", raconte-t-elle.

Il y a quelques jours, elle pensait bien avoir trouvé un travail, pour faire des tâches de secrétariat. Elle ne veut pas préciser où, car elle nous dit ne pas en vouloir à l’employeur. "Madame XXX me téléphone ce matin pour m'annoncer que j'ai été choisie pour l'emploi auquel j'ai postulé, je peux commencer en janvier pour un 4/5ème, en vue d'un éventuel CDI par la suite. Je saute de joie car j'attends cet emploi depuis le mois de juillet, travail qui me tient à cœur", explique-t-elle.

La condition posée par l’employeur, c’est qu’elle ait accès au "PTP" (pour "programme de transition professionnelle"). Il s’agit d’un programme d’aide à l’embauche dans le secteur non-marchand qui permet à l’employé d’accéder à une formation qualifiante. L’employeur, lui, bénéficie d’avantages financiers. Nous vous en parlions déjà dans cet article.


"Je me suis demandé si c'était une caméra cachée"

"Je n'y vois aucun inconvénient et je fonce à l'ONEM pour avoir ce passeport et aller signer mon contrat au plus vite. Et là, catastrophe, le passeport PTP m'est refusé !!! Pourquoi ? Parce que je ne chôme pas depuis 24 mois ! Je me suis demandé si c'était une caméra cachée. J'ai essayé par tous les moyens de me renseigner, j'ai téléphoné partout et rien à faire", explique Corinne.

En effet, elle n’entre pas dans les conditions d’accès à ce programme, puisque elle ne perçoit pas d’allocations de chômage depuis au moins 24 mois sans interruption. Elle dénonce l’absurdité de la situation: "On me fait bien comprendre que sans recherche d'emploi je risque de perdre mes allocations, on me met la pression. Ici je trouve un emploi par moi-même, je suis choisie par l'employeur et prête à signer un contrat et c'est l'ONEM lui-même qui me fait refuser cet emploi. On se fout de la gueule de QUI ???". D’ailleurs, le jour où elle a appris qu’elle n’aurait pas accès à ce job, elle recevait à nouveau une convocation.


"Pour offrir de l’équité à tous, on est obligé de respecter les règles"

Corinne insiste : elle n’en veut pas non plus à la personne qui l’a reçue à l’Onem. "Je sais que ce n'est qu'un employé qui applique la loi et que cette personne n'y est pour rien". En effet, il s’agit ici simplement d’appliquer la loi. "Pour offrir de l’équité à tous, on est obligé de respecter les règles", précise Stéphanie Wyard, porte-parole du Forem, qui ne peut que comprendre cette frustration. "On essaye de toucher les personnes les plus démunies et affaiblies par la recherche d’emploi. Mais il y a toujours un risque d’exclure des personnes qui seraient à 6 mois près dans le cas de figure", ajoute-t-elle.


Corinne "dégoûtée du système": il va changer

Cela ne règlera pas le problème de Corinne, mais cela la réconfortera peut-être, elle qui se dit "dégoûtée du système": une vaste réforme des aides à l’emploi est sur les rails en Wallonie, et le plan de réforme prévoit la suppression du programme de transition professionnelle dans le courant 2017, nous explique-t-on du côté du cabinet de la ministre wallonne de l’Emploi, Eliane Tillieux. Les moyens du PTP seront convertis d’une part dans un nouveau contrat d’insertion destinés aux jeunes et d’autre part vers les aides à la promotion de l’emploi.


Le PTP "dépassé"

Au cabinet de la ministre, on reconnaît que le PTP était "dépassé face aux réalités socio-économiques wallonnes": "On constate que le parcours des demandeurs d’emploi est de plus en plus fragmenté avec des périodes d’indemnisation discontinues et des changements de statuts. Le projet de réforme wallonne des aides à l’emploi prévoit de corriger ces effets pervers en s’appuyant désormais sur la période d’inscription comme demandeur d’emploi auprès du Forem, indépendamment du statut administratif et des conditions éventuelles d’indemnisation".


Aujourd'hui, plus de 3.000 personnes bénéficient encore de ce programme en Belgique

En octobre 2016, 3680 personnes bénéficiaient de ce programme (13 en Région flamande, 3005 en Région wallonne, 662 pour la Région Bruxelles-Capitale). Si on compare avec juin 2016, cela fait 1243 de moins, mais il faut noter que ces programmes ont été déjà été supprimés en Flandre depuis le 1er octobre 2015. C’est le cas aussi depuis octobre 2016 dans la Communauté germanophone.


Ca change aussi à Bruxelles

A Bruxelles aussi, il va y avoir du changement, suite à la réforme des aides à l’emploi adoptée par le gouvernement l’été dernier. Le PTP va aussi disparaître, à l’horizon 2019, nous dit-on au cabinet de Didier Gosuin, Ministre bruxellois de l’Emploi, au profit de nouvelles formules. "Le but est de simplifier le système et l’adapter aux Bruxellois les plus éloignés de l’emploi". Et à Bruxelles, il s’agit de viser les demandeurs d’emploi les moins qualifiés, qui constituent l’essentiel du chômage dans la capitale.

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