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Des habitants de Visé en colère, le chemin de terre où jouent leurs enfants va être goudronné: "C'est notre source de respiration"

Un chemin de terre de Visé transformé en route pour permettre la construction de maisons, c’est ce que redoutent des habitants de deux rues séparées par ce sentier agricole à Visé et qui en ont fait le terrain de jeu de leurs enfants. Ils se battent pour que ça n’arrive pas.

Le chemin de Richelle, à Visé en province de Liège, est un écrin de verdure, un sentier bucolique situé entre les rues Sur la Carrière et Sur la Roche où les enfants aiment s’amuser en tout quiétude. Mais ce havre de paix et de végétation pourrait bientôt disparaître. Les propriétaires des terrains bordant ce chemin voudraient l’urbaniser, c'est à dire le goudronner et construire des maisons de part et d'autre. Un groupe de riverains s’est formé pour empêcher ce projet de voir le jour et ils ont contacté notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous pour se faire connaître. La commune, elle, privilégie une urbanisation "light" pour contenter les deux parties.

 
"Un petit chemin de campagne qui est le lieu de jeu des enfants"

Parmi les représentants du groupe de riverains mécontents, Allison Danthine, une jeune mère de famille qui vit dans la rue Sur la Carrière. Son petit garçon fait partie des dizaines d’enfants qui jouent très souvent sur le chemin agricole. "La rue Sur la Carrière est une rue dans laquelle il y a 75 maisons. Au fond de cette rue, il y a un petit chemin de campagne qui est le lieu de jeu des enfants, qui est notre source de respiration", nous explique-t-elle.


"La ville cherche un compromis entre le bien-être des riverains et le droit des propriétaires à construire"

Ce conflit concernant le chemin de Richelle n'est pas nouveau, il dure même depuis plus de 15 ans. En 2001, le Collège communal refuse à M. Depauw, propriétaire d’une parcelle de terre le long du chemin, un permis de construire. M. Depauw fait appel auprès du Conseil d’Etat qui casse la décision de la commune, celle-ci accorde donc le permis en 2008. Les riverains réagissent rapidement, soutenus par Ecolo, et obtiennent que le permis soit retiré. Mais quelques mois plus tard le permis est octroyé à nouveau.

Depuis, le bras de fer continue entre les Visétois et les propriétaires, avec, au milieu, la commune qui tente de trouver un compromis. "La ville cherche un compromis entre le bien-être des riverains et le droit des propriétaires à construire accordé par le conseil d’Etat. Mais à ce stade, c’est complètement bancal", affirme Luc Lejeune, échevin du Développement territorial, de la Mobilité, de l’Entretien et du Bien-être animal de la commune de Visé.


Un raccourci pour rejoindre Visé?

Il y a plusieurs années, quand ils ont entendu parler du projet d’urbanisation, les habitants ont d’abord craint que tout le chemin de Richelle ne soit goudronné. Il serait alors devenu un raccourci pour rejoindre Visé et aurait amené un trafic beaucoup plus important. Dernièrement, la commune a assuré que tout le chemin ne serait pas aménagé en voirie et que ce serait le cas seulement de deux portions de 80 mètres de chaque côté. "Nous sommes attentifs à surcharger le moins possible, c’est pour cela que nous avons pris l’option d’une urbanisation très light avec 12 maisons d’un côté et 13 de l’autre", rassure M. Lejeune


Problème: "C’est une rue très étroite, plus ou moins 2m50 de large"

Mais ça ne suffit pas pour les riverains. Ils pointent aussi une voirie trop étroite qui leur cause déjà beaucoup de soucis. Pour eux, la rallonger ne ferait qu'empirer le problème. "C’est une rue cul de sac avec de très gros problèmes de circulation parce que c’est une rue très étroite, plus ou moins 2m50 de large, détaille Mme Danthine. Ici, c’est déjà très difficile au niveau circulation avec les voitures présentes et donc je pense que ça va amener beaucoup de danger pour les enfants, pour les personnes âgées, c’est une rue qui n’a pas d’accotement". L’échevin de Visé est conscient de ce problème d’étroitesse de la voirie, mais il estime que l’urbanisation "ne surchargera que de manière modérée et la ville voudrait plus tard trouver une solution à ce problème".


 
Des éboulements à cause de manquements au niveau de l'égouttage

En plus des manquements au niveau de la de sécurité, Allison et ses voisins signalent des soucis d’évacuation des eaux et des manquements au niveau de l’égouttage. Il y a quelques années, lors de travaux d’égouttage "des éboulements se sont produits jusque sur la ruez de Jupille, qui est la rue qui donne en-dessous, environ 200m plus loin. Et il n’y a aucune certitude que ça ne va pas recommencer à ce niveau-là", prévient-elle. M. Lejeune reconnaît qu’il y a eu de gros problèmes il y a quelques années, mais il assure que la commune a "travaillé avec l’AIDE (l’association intercommunale pour le démergement et l’épuration des communes de la province de Liège). Nous l’avons consultée à propos des eaux et avons revu les normes, notamment au niveau de l’évacuation des eaux usagées. La ville n’aurait jamais l’idée de ne pas suivre l’avis de l’intercommunale."


Sur le tracé du chemin de Saint-Jacques de Compostelle

Le comité de quartier pense aussi aux promeneurs et aux animaux. Le chemin de Richelle fait partie du chemin de Saint-Jacques de Compostelle et il n’est pas rare de voir des promeneurs venus d’un peu partout en Belgique, voire d’Europe, s’y balader. "A Richelle, il y a le bois de la Julienne avec de nombreuses chapelles et donc c’est un lieu fréquenté par les promeneurs de Saint-Jacques de Compostelle et ils passent par ici pour rejoindre Visé au bois de la Julienne", précise Allison. La jeune femme explique également que c’est une zone où sont établis des hiboux grands-ducs et plusieurs autres espèces animales. Pour elle, l’urbanisation de leur habitat pourrait les déranger et les faire disparaître. "J’ai contacté Natagora pour les avertir de ce qui est en train de se passer, ils m’ont dit qu’ils allaient regarder. J’attends de leurs nouvelles".


 
Tensions entre riverains, propriétaires et autorités communales 

Les habitants des deux rues concernées ont lancé une pétition sur internet qui a déjà récolté plus de 250 signatures. Ils ont déposé leurs remarques lors de l’enquête publique réalisée par la commune qui s’est clôturée fin avril et ont assisté à la réunion d’information organisée à l’hôtel de ville de Visé le 25 avril. Lors de celle-ci, de vives tensions se sont fait sentir entre les différentes parties. Les riverains s’étaient déplacés en nombre et la salle pour les accueillir était trop petite. Ils ont eu l’impression de ne pas être entendus.

Pourtant, l’échevin du développement territorial comprend la colère des riverains et tente de les "protéger", mais à plusieurs reprises, la justice lui a mis des bâtons dans les roues. "Je respecte leur position et rien n’est encore décidé, tout est à l’analyse. Nous avons pris l’initiative de limiter l’urbanisation, mais la justice ne nous donne pas raison. Il y a eu des décisions du conseil d’Etat en faveur des propriétaires des parcelles de terre. Ce que nous tentons de faire, c’est d’encadrer l’urbanisation. Nous avons notamment mis en place une taxe de voirie pour que les frais d’infrastructure soient à charge des propriétaires. Nous avons nommé un chef des opérations", conclut-il.

Cette longue saga est donc loin d’être finie. Les riverains continueront à défendre leur espace de calme et de jeux et les propriétaires à mettre en avant leur droit à construire. Jusque quand?

 

RAPPEL: les rebondissements de ce dossier problématique

En plus de 15 ans, l’épineux dossier de l’urbanisation de Richelle a vécu de nombreux rebondissements. Tout commence en 2001 quand le Collège communal de Visé refuse à M. Depauw, propriétaire d’une parcelle de terre le long du chemin, un permis de construire. M. Depauw fait appel auprès du Conseil d’Etat qui casse la décision de la commune, celle-ci accorde donc le permis en 2008. Les riverains réagissent rapidement, soutenus par Ecolo, et obtiennent que le permis soit retiré. Mais quelques mois plus tard le permis lui est ré octroyé.

Les quatre partis du conseil communal s’accordent ensuite sur le fait de s’opposer à toute construction du chemin de Richelle. Le Collège promet même un stop construction/urbanisation dans son Schéma de structure de construction (SSC). Mais en juin 2010, il n’est plus fait mention de ce stop construction sur l’entièreté du chemin. Les autorités prévoient même de laisser construire sur 80 mètres de part et d’autres.

En septembre de la même année, nouveau rebondissement, le Conseil communal revient avec un stop urbanisation total. Mais en mars 2011, le SSC n’est toujours adopté définitivement. Quelques mois plus tard, les autorités se décident finalement pour une urbanisation light, c’est-à-dire quelques maisons construites tout en gardant des zones de respirations passagères. Mais cette décision est cassée par le Conseil d’Etat qui la juge discriminatoire. La Commune revoit alors tout le plan et l’urbanisation complète du chemin est décidée. En tout 25 maisons pourront y être construites. Seul un morceau du chemin restera cyclo pédestre pour éviter qu’il ne serve de raccourci pour les voitures.

Pendant trois ans, rien ne se passe, mais les autorités communales viennent de prendre les choses en mains en déposant une demande de permis pour construire la voirie.

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