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Des parents se mobilisent pour réclamer l'annulation de la mutation d'une institutrice à Bouffioulx: "Débat émotionnel" selon la commune

Une mère de famille raconte le tumulte provoqué par l’annonce de la mutation d’une enseignante de la petite école de Bouffioulx. La décision du Collège Communal de Châtelet passe difficilement dans le village, et l’enseignante en question ne cache pas son amertume.

Sybil, 41 ans, mère de 4 enfants, nous a contactés via notre bouton orange Alertez-nous pour exprimer son mécontentement suite à l’annonce de la mutation d’une institutrice de la petite école du village de Bouffioulx dans le Hainaut. Madame Françoise Vanderwaele, 52 ans, y enseigne depuis 12 ans dans une classe verticale qui intègre les 3e, 4e, 5e et 6e primaires. En 2016, elle fera, contre son gré, sa rentrée à l’école Destrée, à 5 km de son ancien établissement. La directrice de l’école de Bouffioulx l’en a informée le 13 juin par téléphone. Deux semaines plus tard, elle recevait un courrier avec son horaire de travail à l’école de Destrée pour 2016-2017.


"Ce n'est pas ainsi que nos enseignants garderont leur motivation"

L’institutrice, que nous avons contactée, déplore une décision qui ne satisfait personne : ni les enfants, ni leurs parents. Elle-même se plait beaucoup à l’école de Bouffioulx et ne souhaite pas travailler dans un grand établissement alors que ça fait 20 ans qu’elle travaille dans de petites implantations. Pour Sybil, la mutation de cette institutrice "exemplaire" est une décision arbitraire et injuste. "Ce n'est pas ainsi que nos enseignants garderont leur motivation, leur joie au travail et leur envie de faire de nos enfants des jeunes gens bien dans leur corps et dans leur tête", estime-t-elle. "Une petite école de village a besoin de toutes ses forces vives pour survivre face aux école de la ville", argue-t-elle.

Sybil nous a raconté que ses deux premiers enfants ont bénéficié de l’enseignement de cette institutrice "de qualité, qui tient merveilleusement bien sa classe transversale, active et débordante de projets". Sybil est donc "triste, et en colère" de voir partir Madame Vanderwaele alors que son troisième enfant devait rentrer dans sa classe de troisième année à la rentrée.

Sollicitée par les parents d’élève, Marie-France Toussaint, l’échevine de l’enseignement et la culture de la ville de Châtelet, s’est rendue à l’école de Bouffioulx le 22 juin dernier pour leur expliquer les changements à venir. "Le pouvoir organisateur explique cette mutation par une réforme au sein de toutes les écoles de l'entité", rapporte Sybil. "Ils répartissent les forces", poursuit-elle, déplorant un "jeu de chaises musicales" dans lequel "on va pêcher à des endroits où ça fonctionne".


"Un manque de respect total"

Madame Vanderwaele a multiplié les démarches pour tenter d’obtenir des explications quant à sa mutation. En vain. La directrice de l’école se décharge de toute responsabilité et refuse de prendre parti. L’échevine lui présente sa mutation "comme une promotion", tandis que le syndicat "ne bouge pas" et "se retranche derrière le fait qu’elle est nommée dans une entité et pas dans une école". "Il n’y en a pas un qui m’a dit qu’on m’a mutée pour telle ou telle raison", déplore-t-elle, dénonçant "un manque de respect total".


Les parents d'élèves se mobilisent et menacent de retirer leurs enfants de l'école

Une quarantaine de parents d’élèves ont signé un courrier pour tenter d’infléchir la décision du Collège Communal de la ville de Châtelet. "Madame l'Echevine nous a promis de revenir vers nous, mais on attend toujours", regrette Sybil. "Beaucoup d'entre nous réfléchissent à enlever leurs enfants de l'école", ajoute-t-elle. "Ils l’ont dit directement lors de la réunion avec l’échevine", précise-t-elle, redoutant la fermeture à court terme de cette école. Mais même cet argument semble inefficace, constate-t-elle.


"Le principe de mutabilité du service public : on s’adapte en fonction de la demande"

Nous avons tenté de contacter Madame Toussaint, l’échevine de l’enseignement et la culture, mais celle-ci ne sera de retour qu’au mois de septembre. C’est donc le directeur général de la commune de Châtelet, Christophe Lannois, qui a répondu à nos questions. Dès le départ, il semble légèrement agacé par les proportions prises par cette affaire. Syndicats, parents d’élèves, l’institutrice concernée... tous l’ont déjà contacté.

Pour monsieur Lannois, il s’agit moins d’une réforme, "un bien grand mot", dit-il, que d’un projet pédagogique à mener. "Il y a des mesures d’ordre intérieur, des mouvements entre implantations en fonction des besoins. C’est le principe de mutabilité du service public : on s’adapte en fonction de la demande", explique-t-il. "Le but n’est pas de créer une faiblesse, ni de renforcer Destrée au détriment de Bouffioulx", poursuit-il. "Le Collège doit réfléchir sur le projet pédagogique de l’ensemble du réseau communal."

"Il fallait renforcer le groupe scolaire d’Estrée et les compétences de madame Vanderwaele répondaient à cet objectif", déclare-t-il. Cette institutrice disposant d’une certaine expérience, elle était la "personne idéale", indique-t-il, soulignant ses "compétences éducatives". Un discours qui fait bondir l’institutrice en question : "Dans cette école, on enlève un enseignant qui a presque autant d’expérience que moi pour me mettre à sa place. Ces enseignants sont aussi anciens que moi. Qu’est-ce que vous voulez que j’apporte comme expérience ?", interroge-t-elle.


"Destrée n’est pas une colonie pénitentiaire"

Le directeur communal ajoute que l’école de Destrée enregistre une augmentation des inscriptions, à laquelle il faut répondre par l’augmentation du groupe scolaire. Une explication que réfute l’institutrice, pour qui cette école ne compterait pas plus d’élèves qu’avant.

Monsieur Lannois regrette que Madame Vanderwaele prenne sa mutation pour une mesure disciplinaire. "Je ne vois pas comment je pourrais le prendre autrement", lance l’intéressée. Elle regrette qu’il n’y ait eu "aucune discussion" préalable, et l’impression de "ne pas avoir été entendue". "Elle n’est pas la seule, précise le directeur communal. Un collègue de Madame Vanderwaele a également été transféré et il n’y a pas eu de difficulté.""Destrée n’est pas une colonie pénitentiaire", maugré-t-il.

Monsieur Lannois a bien reçu la lettre des parents d’élèves qui souhaitent garder Madame Vanderwaele en poste à Bouffioulx, mais il dit avoir reçu des lettres la concernant "qui allaient dans les deux sens". Sybil nous a en effet rapporté que certains parents d’élèves se seraient plaints d’une personne "autoritaire" — un trait de caractère qu’elle apprécie pour l’éducation de ses enfants. 


Une institutrice en "burn out" par la remplacer à la rentrée ?

Madame Vanderwaele nous a signalé que l’enseignante qui doit la remplacer à la rentrée à l’école de Bouffioulx serait actuellement en "burn out". Une information que ne confirme pas le directeur communal : "Les congés maladie sont couverts par le secret médical", souligne-t-il. Face à ce débat qu’il qualifie d’"émotionnel", Monsieur Lannois se dit prêt à faire le point avec les parents d’élèves de l’école de Bouffioulx au mois d’octobre.

Quant à la fermeture de cette petite école, redoutée par Sybil, l’idée n’est pas à l’ordre du jour : "Les indications ne font pas état d’une perte de population", explique le directeur communal. Il précise néanmoins que ces chiffres sont toujours calculés selon l’année précédente, "comme les impôts".

Dépitée par sa mutation, Madame Vanderwaele nous a confié ne plus avoir envie de travailler "dans des conditions pareilles, où on vous tire dans le dos". Actuellement en congés, elle ne compte plus sur l’infléchissement de la position du Collège Communal et prépare sa candidature pour des postes de détachés à Namur et à Bruxelles.

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