Accueil Actu

Drogue dans le quartier Beaux-Arts à Charleroi: ils fument du crack avec un enfant (vidéo)

Une scène filmée par des caméras de surveillance montre un couple en train de consommer de la drogue dans une station de métro de la Ville-Haute à Charleroi. Rien de bien étonnant si ce n’est la présence d’une très jeune petite fille à leurs côtés. RTLinfo.be a voulu savoir ce qu’il se serait passé si la police avait pris le couple en flagrant délit. La petite aurait-elle été placée?

Un navetteur a fait parvenir à la rédaction de RTLinfo.be, via notre page Alertez-nous, les images d'une scène s'étant déroulée le 7 janvier dernier dans la station de métro Beaux-Arts à Charleroi. Sur ces images, on peut voir "un couple de toxicomanes en présence d'une petite fille de +/- 4 ans", nous a expliqué le navetteur qui a souhaité garder l'anonymat. "Ce couple était en train de fumer du crack en présence de cette petite. Suite à ce délit, j'ai pris l'initiative de prévenir la police (pour la sécurité de la petite), mais le temps que le dispatching prévienne la police locale de Charleroi, le couple était parti. Pauvre petite d'assister à ce genre de chose. J'espère qu’elle sera écartée de ces malades", nous racontait-il. "Au quotidien, il y a au minimum une dizaine de toxicomanes et ils ne se gênent pas pour prendre leurs crasses", y compris "sous le regard des passant et à l'extérieur. Cette station est un rendez-vous pour les dealers et les consommateurs", dénonçait-il encore.

Déjà des meurtres commis par des toxicomanes

"C’est vrai qu’il y a un problème lié à la toxicomanie dans la station Beaux-Arts", admet le commissaire Michel Hoek, responsable de la section stupéfiants de la police de Charleroi. "Mais il n’y a pas que là. On compte plusieurs quartiers chauds essentiellement répartis dans la Ville-Haute où on concentre donc nos efforts", explique-t-il. Ces efforts concernent essentiellement la chasse aux dealers, comme lors d'une vaste opération menée l'an dernier dans la ville haute. Les flagrants délits de consommation sont bien entendu également traités, mais "depuis pas mal de temps, le consommateur est considéré tant par la justice que par les services de police avant tout comme un malade. Même si entretenir sa toxicomanie a un coût qui peut mener à des délits, voire pire. On a même connu des meurtres commis par des toxicomanes."

On y collectionne les seringues abandonnées

Sur le terrain, la police est aidée par des organismes comme Carolo Contact Drogues ou Le Comptoir ASBL, qui dépend du Relais social de Charleroi. Cette dernière s’occupe principalement de l’échange de seringues usagées contre des neuves. La directrice de l’association, Laurence Przylucki, confirme que le site des Beaux-Arts est bien connu. "Depuis plus de 10 ans, en collaboration avec les éducateurs de rue et quelques usagers de drogues, nous nous rendons régulièrement" sur place "afin de veiller au ramassage des seringues qui y sont régulièrement abandonnées."

Les parents auraient été arrêtés si…

Le quartier est donc à risque. Mais que se serait-il passé si la police était arrivée à temps pour surprendre le couple en flagrant délit de consommation de drogue en présence d’un enfant? "Nous aurions interpellé le couple", explique M. Hoek, pour qui ce cas est exceptionnel. "En général, les parents toxicomanes savent qu’on peut leur enlever leur enfant, donc ils sont plus prudents" et ne consomment pas dans un lieu public en sa présence. Une fois les deux toxicomanes de la vidéo arrêtés, leur cas aurait été du ressort du service des stupéfiants. La simple consommation leur aurait juste valu un procès-verbal, par contre ils auraient pu être arrêtés s’ils avaient sur eux plus qu’une dose considérée comme consommation personnelle ou s’ils s’étaient rendus coupables d’un délit, comme par exemple le vol.

L’enfant aurait été confié au SAJ

Le cas de l’enfant, lui, aurait relevé du Service d’Aide à la Jeunesse, le SAJ. "La loi considère qu’à partir du moment où un mineur évolue dans milieu de consommation de drogue par des adultes, il y a danger pour l’enfant", explique encore M. Hoek. Dans ce cas-ci, la section jeunesse de la police aurait donc prévenu le juge de la jeunesse de Charleroi. C’est lui qui aurait alors mandaté le conseiller de l’aide à la jeunesse responsable du SAJ de Charleroi. Le but: prendre la meilleure décision pour l’enfant. Il est à noter que globalement, 33% des dénonciations aux SAJ proviennent de la sphère judiciaire (police, juges, etc.). Le plus souvent (51% des cas), c’est le mineur lui-même, ses parents ou des personnes de leur famille qui appellent le SAJ à l’aide. Les 28% de cas restants étant dénoncés par les CAPS, écoles, hôpitaux, etc. Par exemple, dans le cas de Samanta, dont nous vous révélions le témoignage poignant récemment, c'est l'hôpital auquel elle avait confié son bébé qui a alerté l'Aide à la Jeunesse.

 

D’abord placé dans la famille, sinon dans une structure d’accueil

Quand un SAJ reçoit l’information, en priorité, il essaie d’obtenir la collaboration des parents, explique-t-on à la Direction Générale de l’Aide à la Jeunesse. C’est seulement s’ils refusent les solutions proposées pour leur enfant (ou s’ils sont absents de leur domicile en cas de dénonciation) que des mesures seront prises sans leur aval. Le placement familial, chez les grands-parents par exemple, est toujours privilégié. Mais si cette solution s’avère impossible, et dans les cas les plus graves, le jeune sera placé dans des familles d’accueil d’urgence, des centres d’hébergement d’urgence ou des centres pour des séjours de plus longue durée. Par contre, quand il n’y a pas urgence, l’aide peut être fournie à domicile, "en milieu de vie. Tout dépend du type de danger, de la gravité et de l’urgence, et tout se fait sous la responsabilité du SAJ", explique sa porte-parole.

L’enfant parfois envoyé à l’hôpital par manque de place!

Jean-Pierre Scohier, le chef du service de la section jeunesse de la police carolo, travaille au quotidien avec le SAJ local. Il déplore que les centres d’accueil d’urgence soient "souvent saturés". "C’est parfois la chasse pour trouver une place disponible. S’il n’y en a pas, on envoie le jeune à l’hôpital. D’ailleurs, le passage par l’hôpital est parfois nécessaire quand l’enfant est trop jeune" pour vérifier s’il n’y a pas eu de maltraitance ou d’abus.

La famille fait l’objet d’une enquête approfondie

Dans le cas dénoncé par le navetteur témoin de la scène, s’ils sont uniquement des consommateurs, les parents auraient été libérés. Ils auraient alors certainement pu rentrer chez eux avec leur enfant, "mais le procès-verbal aurait été de toute façon envoyé au juge de la jeunesse", explique encore M. Scohier. Une enquête diligentée par le juge aurait alors été menée au domicile de la famille pour contrôler les conditions de vie de l’enfant. "L’état du logement, s’il y a suffisamment de nourriture, de vêtements, de place pour l’enfant, les conditions d’hygiène, …" auraient été vérifiés. Les enquêteurs auraient aussi contacté l’école où l’enfant est scolarisé pour vérifier s’il y va régulièrement et s’ils n’ont jamais constaté de maltraitance. Une enquête de voisinage peut même être effectuée. "Si un quelconque danger pour l’enfant est constaté, des mesures protectionnelles", comme celles citées ci-dessus en cas de mesures d’urgence, sont alors prise, témoigne encore M. Scohier.

Si les parents ne coopèrent pas, le SPJ reprend le rôle du SAJ

Une fois l’enfant placé au mieux selon l’avis du conseiller de l’aide à la jeunesse, que se passe-t-il? Dans les deux cas, mesures d’urgence ou après enquête, si les parents coopèrent, "le SAJ réalisera des évaluations régulières de la situation. Au moins une fois par an, le conseiller revoit tout le monde pour voir s’il y a toujours danger et urgence, et pour réadapter voire clôturer les mesures de protection de l’enfant si le parcours est positif", explique la Direction Générale de l’Aide à la Jeunesse. Si les parents ne coopèrent pas avec le SAJ, "ils seront alors convoqués par le Service de Protection Judiciaire (SPJ) qui s’occupera dès lors du volet social de l’accompagnement, toujours avec un mandat du juge de la jeunesse". C’est donc le SPJ qui décidera alors des mesures de placement et convoquera régulièrement les parents.

Plus de 15.000 mineurs retirés à leurs parents par an

Cette prise en charge de jeunes en situation de risque dans leur famille n’est pas rare en Wallonie et à Bruxelles. Les chiffres officiels le prouvent: pour l’année 2012, 38.200 jeunes ont été pris en charge au moins un jour par l’Aide à la Jeunesse. Cela représente 4% de la population des jeunes de moins de 18 ans en Fédération Wallonie-Bruxelles. Six sur dix sont pris en charge au sein même de leur milieu de vie (suivi à domicile d’un acteur social, …), et quatre sur dix sont retirés à leurs parents.

Certains contrôlent leur consommation et s’occupent bien de leurs enfants

Pour revenir aux toxicomanes, tous ne sont pas de mauvais parents pour la cause, tient à préciser l’ASBL carolo Le Comptoir. "Parmi les toxicomanes que nous aidons, il y a des parents", explique Laurence Przylucki. "Certains bien sûr ont perdu la garde de leurs enfants, parfois en raison de leur problème de dépendance, mais aussi et souvent en raison de difficulté économiques et sociales. Certains parents ont une consommation régulière mais qu'ils gèrent, ils parviennent à contrôler leur consommation, ce qui leur permet de mener des activités et de veiller aux besoins de leurs enfants", nuance-t-elle.

Que fait Charleroi pour lutter contre la toxicomanie?

On l’a vu, la police de Charleroi mène la lutte contre le trafic de drogue et interpelle tout consommateur pris en flagrant délit sur la voie publique. Mais pour endiguer le phénomène de prise de drogue à la vue de tous, qui contribue au sentiment d’insécurité, les associations sont là. En plus de faire de la prévention et de guider vers des prises en charge thérapeutiques via les acteurs de terrain comme les abris de nuit ou les éducateurs locaux, l’ASBL Le Comptoir, par exemple, "répond systématiquement aux appels des citoyens confrontés des problèmes de seringues qui trainent ou à des scènes de consommation", témoigne Mme Przylucki.

Paul Magnette envisage les salles de shoot à Charleroi

Mais pour retirer la prise de drogue de la rue, une mesure a fait ses preuves ailleurs, à Liège en l’occurrence: les salles de consommation à moindre risque, ou salles d’injection, couramment appelées "salles de shoot". Le Comptoir "étudie depuis plusieurs années la pertinence et la faisabilité de la mise en place" d’une telle salle à Charleroi. "Un colloque a d'ailleurs été organisé le 24 octobre 2013 à ce sujet. Monsieur Magnette a introduit ce colloque en soulignant notamment qu'il n'excluait pas de se pencher sur la question et de la mettre en débat."

Willy Demeyer a déposé une proposition de loi pour les légaliser

Une position confirmée par le cabinet du bourgmestre Magnette, qui précise que "depuis octobre, la situation a évolué car le bourgmestre de Liège Willy Demeyer a déposé en fin d’année une proposition de loi qui vise à légaliser ces ‘salles de shoot’". En tant que proposition de loi socialiste, M. Magnette "s’y joint totalement". En effet, "les exemples à l’étranger montrent" deux avantages. Le but principal de ces espaces -retirer l’acte de consommation de la rue et avec lui, les seringues et autres éléments de consommation qui y sont laissés- est atteint. Mais "elles sont aussi utiles aux personnes pour lesquelles les traitements n’ont pas abouti car elles trouvent sur place un contact avec des travailleurs sociaux et du personnel soignant." La prévention, déjà active à Charleroi, s’en trouverait ainsi renforcée si la loi de Demeyer venait à passer.

L'avis de riverains serait pris en compte

En cas de légalisation, la Ville envisagerait l’implantation d’une telle structure. "Mais pas à n’importe quelle condition", précise-t-on au cabinet de Paul Magnette. "L’implantation de tels espaces serait limité aux grands centres urbaine, là où se concentre les problèmes liés à la toxicomanie. Mais les riverains et tous les acteurs de terrain seraient consultés. Le but n’est pas d’apporter de nouvelles nuisances là où il n’y en avait pas mais de réduire les nuisances là où elles sont." Des conditions que remplissent la Ville-Haute de Charleroi et le quartier Beaux-Arts.

Gaëtan Willemsen

> VOS COMMENTAIRES SUR NOTRE PAGE FACEBOOK: "Pauvre gosse" (Dominique)

> "La drogue dans mes veines, mes enfants dans la peau": le témoignage bouleversant de Samanta

À la une

Sélectionné pour vous