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Accusant l'hôpital de Charleroi d'avoir laissé mourir son enfant très grand prématuré, elle publie la vidéo des derniers instants du foetus sur Facebook

Un bébé très grand prématuré est né "non viable" il y a quelques jours au centre de soins intensifs néonataux de l'hôpital Notre-Dame de Charleroi. Il est mort quelques minutes plus tard. Un situation malheureusement courante lorsque le nouveau-né est si précoce (il avait à peine 23 semaines). Les parents en souffrance jugent que les médecins auraient dû agir pour "lui laisser une chance de vivre". Cas unique encore jamais vu chez nous, ils l'ont proclamé à travers une page Facebook publique contenant une vidéo du foetus, peu de temps après sa naissance. Toutefois, à l'heure où nous clôturions cet article, mardi en fin de soirée, le groupe Facebook était devenu privé.

"Elles ont laissé mourir mon enfant" est le titre d'un groupe Facebook public créée dimanche par une jeune mère de 23 ans qui a accouché d'un enfant très grand prématuré (c'est-à-dire né avant 25 semaines) au service de soins intensifs néonataux de l'hôpital Notre-Dame de Charleroi. Le foetus, qui n'avait pas 6 mois, est mort peu de temps après sa naissance. Une personne, sans doute le père, a filmé les premiers et derniers instants du bébé dont s'occupait une infirmière. "Je suis désolé mais elle veut le voir", entend-on dire sur la vidéo. Sachant ce qu'il va advenir du bébé, les images sont dures et de nombreuses personnes ont exprimé leur sentiment, de tristesse ou colère, à la vue de celles-ci sur la page Facebook créée par le couple. Dans la vidéo, on voit le foetus animé de quelques rares mouvements sur un drap blanc. L'infirmière lui touche le bout de son pied minuscule. "Qu'est-ce que vous faites, là en fait?" demande le père qui filme toujours. "C'est pour voir comment il réagit" répond la femme. Les quelques rares mouvements du bébé ne sont, selon la direction de l'hôpital que nous avons jointe, que des mouvements réflexes. Le bébé est non viable. Le père qui filme, de même que la maman, dont on peut imaginer le désarroi, ont déjà été avertis de l'issue fatale. Le bébé mourra un peu plus tard. Nous avons décidé de ne pas montrer ces images.


La mère: "Lui laisser une chance de vivre"

"Il est venu vivant, il a tenté de respirer seul pendant plusieurs minutes et une pédiatre n'était même pas là pour intuber le bébé et elle nous a dit qu'elle avait pris la décision de le laisser mourir malgré ma décision de lui laisser une chance de vivre" raconte sur Facebook la mère qui reproche au personnel de l'hôpital de ne pas avoir cherché à réanimer son enfant. Mais il n'y avait rien à faire, le foetus n'était malheureusement pas viable, nous a confié la direction de l'hôpital. Le gynécologue et un pédiatre néonatologue (médecin spécialisé dans le traitement des nouveau-nés) l'avaient déjà constaté avant que le bébé ne naisse, aucun espoir n'était permis.


Premier objectif: tenter d'empêcher le travail pour que le bébé reste dans le ventre de sa maman

La mère était arrivée au service de soins intensifs néonataux de l'hôpital Notre-Dame de Charleroi avec des contractions. Vu son âge, la seule chance de survie du foetus était de rester dans le ventre de sa mère afin qu'il puisse poursuivre son développement, nous a expliqué la direction. Le personnel hospitalier a donc tenté d'interrompre le travail par tocolyse, c'est-à-dire l'administration d'un médicament qui diminue les contractions utérines. Mais la tentative a échoué, le col de l'utérus était déjà trop ouvert et on ne pouvait pas augmenter indéfiniment les doses de médicaments. Le risque devenait désormais que la mère subisse elle-même des complications. Il a donc fallu passer d'urgence à une seconde phase, inverse, à savoir provoquer l'accouchement au plus vite, explique la direction de l'hôpital. Il a donc été administré à la mère de l'ocytocine, une hormone qui entraîne la contraction des muscles lisses de l'utérus et accélère le travail. Le foetus était, lui, déjà condamné. Le personnel hospitalier a annoncé la douloureuse nouvelle aux parents.


Déferlante d'insultes voire de menaces envers l'hôpital sur Facebook

Si une assistance médicale intensive avait été mise en place, cela n'aurait pas prolongé la vie du nouveau-né que de quelques heures, et dans la souffrance, ajoute la direction de l'hôpital. Les parents dont on peut imaginer la douleur ont souhaité filmer leur enfant. Le personnel a laissé faire, estimant que les images pourraient aider le couple dans son futur travail de deuil. Aujourd'hui, ces images se retournent d'une certaine manière contre le personnel hospitalier sous le feu des insultes voire des menaces de nombreux internautes sur la page Facebook où la vidéo a été publiée.

La mort de bébés très grands prématurés n'est malheureusement pas exceptionnelle dans de tels centres spécialisés en néonatologie. Jamais cependant l'hôpital n'avait eu à faire face à une telle déferlante de haine sur les réseaux sociaux. Précisons que mardi en fin de soirée, nous avons constaté que la page Facebook était devenue privée et qu'il fallait désormais "rejoindre le groupe" pour pouvoir consulter le contenu de la page.


Bébés très grands prématurés nés à 23 semaines: le taux de survie est de 10%

Le bébé extrême prématuré va-t-il mourir ? Va-t-il développer de sévères maladies, handicaps ou malformations ? Le pronostic pour ces enfants nés entre 22 semaines et 27 semaines, avec un poids inférieur à 1000 g, est très difficile à établir. Des statistiques sont cependant données par l'ONE (Office de la naissance et de l'enfance) dans une étude sur la prématurité: parmi les enfants nés à 23 semaines, un seul sur dix survit. Et parmi ces survivants, 20 % à 35 % présentent des handicaps sévères (paralysie cérébrale, hydrocéphalie, déficit intellectuel sévère, cécité ou surdité, ou plusieurs d’entre elles qui exigent des soins importants, peut-on lire dans le dossier de l'ONE.

La situation change vite. Si l'enfant nait deux semaines plus tard, soit après 25 semaines, il a une chance sur deux de survivre. Entre 25 et 26 semaines complètes (175 à 188 jours), le taux de survie des nourrissons est de 50% à 80%. Les déficits et handicaps affectent 10 % à 25 % de ces bébés.


Position des pouvoirs publics: "Une problématique médicale complexe qu’il convient d’appréhender au cas par cas"

La Belgique ne fixe pas un âge limite à partir duquel il faudrait tout faire pour sauver un bébé car, estime-t-on, l'âge n'est pas le seul critère. La décision se fait donc au cas par cas, la confiance étant accordée au personnel hospitalier. En réponse à une question posée au Sénat, la ministre de la Santé Publique, Laurette Onkelinx avait donné, le 27 juin 2013, la position suivante des pouvoirs public par rapport au traitement des très grands prématurés:

"La prématurité extrême (de 22 à 25 semaines) représente une situation médicale complexe et très particulière sur le plan des perspectives médicales, psychologiques, sociétales ou éthiques.

Sur le plan médical, les limites de la prise en charge thérapeutique en cas de prématurité extrême sont controversées et le débat reste ouvert. Bien que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) fixe la ‘limite de la viabilité’ à 22 semaines ou 500 grammes, la survie de ces bébés extrêmement prématurés s’accompagne de séquelles souvent significatives et pose la question de l’administration des soins intensifs chez ces nouveau-nés.

Des études récentes ont en effet démontré que la durée de la grossesse ne constitue qu’un des facteurs pronostiques de mortalité et de morbidité. D’autres facteurs de risque comme l’infection (chorioamniotite), l’administration anténatale de corticoïdes à la mère, le sexe du nouveau-né, le retard de croissance in utero et bien d’autres éléments entrent en ligne de compte, au même titre que l’âge gestationnel. Il s’agit donc d’une problématique médicale complexe qu’il convient d’appréhender au cas par cas, si possible par une équipe périnatale multidisciplinaire compétente."

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