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Eric, étudiant au CPAS, doit renoncer à un job parce qu'il a une bourse: "Je suis victime d'une injustice législative!"

Eric est étudiant en 1ère année de droit à l’Institut d’Enseignement Supérieur de Namur (EISN) où il espère décrocher un graduat. Il fait partie de ces étudiants qui ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. Confronté à des difficultés financières et aux coûts onéreux de ses études, il s’est mis à la recherche d’un job pour quelques heures par semaine mais il ne s’attendait pas à découvrir que l’obtention d’une bourse l’empêcherait de pouvoir travailler.

En raison d’un climat familial compliqué, Eric (prénom d'emprunt), étudiant de 22 ans, originaire de Mons, a dû quitter le domicile parental pour voler de ses propres ailes. Il vit désormais seul dans un kot situé à proximité de son école namuroise, l’Institut d’Enseignement Supérieur de Namur (EISN) où il étudie le droit. Pour pouvoir joindre les deux bouts, ce jeune Montois est allé frapper à la porte du CPAS (Centre public d’Aide Sociale) qui a accepté son dossier et lui a octroyé un Revenu d’Intégration Sociale (RIS) s’élevant à 840 euros. Pour poursuivre ses études, la Fédération Wallonie-Bruxelles (Communauté Française) lui a également accordé une bourse d’étude de 1000 euros et il a été exonéré du montant du minerval de son école supérieur s’élevant à 610 euros.


Eric ne veut plus de cette bourse

Cette couverture des dépenses, a, en début d’année scolaire, énormément soulagé Eric. Pourtant, aujourd'hui, avec le recul, il aurait préféré ne pas avoir bénéficié de certains de ces avantages. En effet, l'étudiant aimerait désormais obtenir un revenu complémentaire. Raison pour laquelle il a postulé pour un job de technicien de surface à raison de 5 heures par week-end. Pour être sûr de toujours convenir aux conditions minimales pour pouvoir encore bénéficier du revenu octroyé par son CPAS, il s’est renseigné auprès de son assistant social.

Son assistant social lui a donc communiqué quel était le montant du salaire qu'il ne pouvait pas dépasser. Un montant "aberrant" pour Eric qui nous a contacté via la page Alertez-nous. En effet, un étudiant bénéficiant d'une aide sociale peut percevoir 234,55€ par mois sans que le CPAS lui déduise ce salaire de son RIS le mois suivant. Mais pour les étudiants ayant obtenu une bourse, ce plafond descend à 65,41€ par mois (cf.: AR 11/07/02, art. 35, §2) Pour Eric, c’est une vraie injustice : "Le législateur m’ampute de 169,13€ par mois, soit 2029,56€ par an, tout cela parce que j’ai obtenu une bourse", déplore l’étudiant. "Cela représente pour moi une perte nette de plus de 400 euros par an. Si j’avais su, j’aurais préféré ne pas avoir obtenu cette bourse". Aujourd’hui Eric s’estime "victime d'une injustice législative".


De plus en plus d’étudiants au CPAS

De plus en plus d’étudiants survivent, comme Eric, grâce au Revenu d’Intégration Sociale. Selon les chiffres publiés sur le site du gouvernement consacré à l’Intégration Sociale, en Belgique, 12 081 jeunes poursuivaient leurs études avec l'aide du CPAS en 2013 (soit 6500 en Wallonnie), sur un total de 98 539 bénéficiaires. Cela signifie qu’en Belgique, un revenu d'intégration sur dix est versé à un étudiant. "Les études menées ont également montré que ¾ de ces étudiants proviennent d'une famille pauvre", peut-on lire sur le site. Autre chiffre interpellant: depuis 2002, le nombre d'étudiants bénéficiaires du revenu d'intégration a doublé. "Et cette tendance à l’augmentation se confirme pour l’année 2014", explique le président du CPAS de Namur, Philippe Defeyt.

Comment peut-on expliquer la forte hausse du nombre d'étudiants bénéficiants de l'aide du CPAS?

Pour le président du CPAS de Namur, deux phénomènes sont à l’origine de cette tendance. "Dans un premier temps, il y a une augmentation générale de la précarité. De plus en plus de ménages sont touchés par cette crise économique.

Deuxièmement, ces chiffres sont la conséquence des mesures prises par le gouvernement précédent et par le gouvernement actuel en matière de stage d’insertion professionnelle. Notre système de sécurité sociale permet de prétendre à des allocations de chômage sur la base de ses études, sans avoir travaillé auparavant. Mais dorénavant, quand vous êtes étudiants ou à la recherche d’un emploi et que vous n’avez pas de revenu, il est de plus en plus difficile d’accéder à cette allocation et plus facile d’en sortir. Du coup, les étudiants se tournent vers les CPAS assez rapidement", explique Philippe Defeyt.

Le RIS, un dernier recours

Du côté du CPAS, un seul leitmotiv: "Le CPAS doit rester une solution de secours. Ce n’est pas parce qu’un jeune frappe à notre porte suite à une dispute familiale qu’on lui accordera un revenu", souligne Philippe Defeyt. Pour chaque dossier introduit auprès du CPAS, l’assistant social étudiera toutes les solutions financières possibles avant d’envisager un octroi du revenu d’intégration sociale. "Quand un étudiant demande de l’aide sociale, nous passons au peigne fin ses rentrées financières. L’assistant social se renseignera également sur les liens existants entre l’enfant et ses parents. Si les deux partis sont toujours en contact. L’étudiant peut exiger de la part de ses parents, une obligation alimentaire spéciale. Mais cette situation est rare", nous informe-t-on au siège du CPAS.

Une pension alimentaire versée par les parents ? Une démarche peu connue

Le site internet droitbelge.be renseigne sur cette pension alimentaire peu connue du grand public. En effet, en vertu de l’article 205 du Code civil, les parents doivent payer une pension alimentaire à leurs enfants lorsque ceux-ci sont dans le besoin, et réciproquement. "Cette obligation alimentaire existe indépendamment de l’âge des enfants. Cette obligation est normalement limitée à la minorité mais elle se poursuit au-delà si la formation de l’enfant n’est pas encore achevée. A contrario, la contribution alimentaire des parents cesse donc lorsque la formation de l’enfant est achevée", renseigne le site.

Autre élément surprenant : cette obligation doit être remplie "indépendamment de la situation financière des parents qui sont toujours tenus de contribuer selon leurs moyens à l’entretien, à l’éducation et à la formation de leurs enfants. Elle est également indépendante du mariage."

Le montant varie en fonction des moyens des parents. Et il sera fixé par un juge. "S’il y a vraiment rupture dans le noyau familial, en général, l’assistant social ne tentera pas de renouer les liens, pour éviter de raviver les tensions, mais toutes les possibilités financières existantes seront étudiées. L’étudiant peut-il bénéficier du chômage ? Est-il en possession d’une bourse d’étude, etc.. ? " , nous détaille-t-on au CPAS.

Quelles solutions pour limiter le nombre d’étudiants inscrits au CPAS ?


Pour Philippe Defeyt, le sort de tous ces étudiants est en ce moment entre les mains du ministère de l’Enseignement. "Il doit adapter d’urgences le système d’octroi des bourses pour palier à ce problème", nous confie-t-il.

Du côté du ministère de l’Enseignement Supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles contacté par nos soins, le porte-parole du ministre Marcourt, Gaël Lambinon nous rappelle que le ministre travaille déjà depuis 5 ans à la démocratisation de l’enseignement supérieur.  "Avant, les boursiers devaient payer une partie de leur minerval. Depuis 3 ans, les détenteurs d’une bourse bénéficient d’une gratuité totale. Le ministère de l’Enseignement a également plaidé pour une consultation gratuite des cours en ligne. Evidemment, cela se fait progressivement parce que le temps d’adaptation demande des efforts indépendants de notre volonté. Le débat relatif à des paliers différents au niveau du coût du minerval est en cours. Nous sommes ouverts aux discussions.

Mais avant de prendre des décisions, il faut savoir que ce qu’on donne comme privilèges à certains, on l’enlève à d’autres. Concernant les étudiants émargeant du CPAS, ce n’est plus tellement les frais occasionnés par les études qui pèsent lourd dans le budget des étudiants mais leurs frais connexes, tels que se prendre en charge, le logement, etc. ... A ce sujet, chaque université est consciente de la situation. La balle est dans leur camp. Elles doivent désormais développer des initiatives originales pour limiter ces coûts" détaille le porte-parole.

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