Accueil Actu

Chiens et chevaux morts de crise cardiaque, milliers d'oiseaux en panique: les feux d'artifices, CAUCHEMAR des animaux

Une semaine après les festivités de Nouvel An, plusieurs associations de protection des animaux dressent leur bilan des effets des feux d’artifices sur les bêtes. Chiens, chats, moutons, chevaux, oiseaux des prairies ou même perroquets, ils sont nombreux, cette année encore, à avoir été pris de panique au moment de l’euphorie de minuit. Cette année encore, certains n’en sont pas sortis vivants.

Claudine, une habitante de Visé, nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous afin de souligner un phénomène encore trop peu connu. "Dans ma famille on aime les animaux, nous en avons toujours eu. Les feux d'artifice sont un réel problème pour les chevaux, chiens et autres compagnons!", raconte-t-elle.


"Un pur-sang foudroyé par une crise cardiaque"

Elle poursuit, plus gravement: "Cette année encore, un pur-sang a été foudroyé par une crise cardiaque lors du feu d'artifice du Nouvel An et de nombreux chiens sont dans le même cas! Je peux comprendre que cela fasse partie du folklore mais pourquoi ne pas se contenter d'un lieu de rassemblement pour cela ? Cela explose dans beaucoup de jardins et il devient difficile de les éviter!"

Laeticia nous a écrit, elle aussi: "Durant la nuit du nouvel an j'ai perdu une vingtaine d'oiseaux en volière (inséparables, perruches). Les gens ne se rendent pas compte, chacun fait son petit feu d'artifice dans son jardin aux 12 coups de minuit sans penser une seule seconde à ce qu'il se passe autour."


Interdire purement et simplement les tirs de feux d’artifices chez les particuliers

L’association belge de défense des droits des animaux Gaia est l’un des groupes les plus actifs concernant cette problématique. Cela fait déjà cinq années qu’à la veille des festivités, Gaia envoie un communiqué aux autorités afin de sensibiliser toutes les villes et communes du royaume.

Et pour Michel Vandenbosch, président de l’association, "il est grand temps de passer à l’acte et de se décider à mettre en place des mesures plus strictes". Cette année, le communiqué de Gaia demandait donc aux communes d’interdire purement et simplement les tirs de feux d’artifices chez les particuliers.

Peu de communes ont franchi le pas. Sur son site internet, l’association Gaia encourage les citoyens à signaler tout incident lié à des feux d’artifice et impliquant des animaux. "Jusqu’à aujourd’hui, plus de 50 personnes ont déjà envoyé une plainte rapportant un ou plusieurs incidents la nuit du 31... Et ça n’en finit pas !, nous apprend Michel Vandenbosch, on continue à recevoir plein de messages."


"Cela provoque énormément de stress chez les animaux"

Au refuge Veeweyde à Anderlecht aussi, les effets des feux d’artifices ont été observés. "Nous avons noté des conséquences dès le premier janvier au refuge", souligne une responsable. "Cela provoque énormément de stress chez les animaux. Beaucoup s’enfuient parce que les gens circulent en dehors de la maison mais aussi car ils ont peur."

Une fois à l’extérieur, les animaux effrayés risquent leur vie. "En rue, la nuit, après avoir fui dans la panique, ils se perdent et ils n’est pas rare qu’ils se fassent écraser par une voiture sur la route."


"Constituer un environnement familier pour votre animal"

Contrairement à Gaia, les membres du refuge Veeweyde ne sont pas pour une interdiction des feux d’artifice. "Si les animaux sont à l’abri des sons et des bruits il n’y a pas de soucis. On conseille aux gens de bien fermer les portes et fenêtres et d’allumer la télévision. Il faut constituer un environnement familier pour votre animal de compagnie."

De son côté, Gaia a répertorié quelques cas particulièrement graves qui renforcent sa demande. "Un chien est mort d’un arrêt de cœur, un autre a été retrouvé sur l’autoroute après s’être enfui... Nous avons aussi noté le cas d’un cheval décédé ou encore d’un autre qui a perdu son poulain: un ballon lumineux lancé dans le ciel a atterri dans sa prairie et il a totalement paniqué", explique Michel Vandenbosch le président de l’association. "Dans la plupart des cas, il s’agit de chiens, de chats ou de chevaux.  Mais cette année, Gaia a même recueilli le cas d’un perroquet gris du Gabon qui n’a pas survécu."


"Sergent était sous le choc. Il a fallu quatre jours avant qu’il s’en remette"

Avec tous ces témoignages, Michel Vandenbosch a la preuve que beaucoup d’animaux paniquent et sont traumatisés. "Parfois, il faut du temps avant qu’ils s’en remettent." Et le président de Gaia sait de quoi il parle. "J’ai vécu le cas personnellement l’année passée, le soir du réveillon. Notre chat, Sergent, s’est enfui et n’est revenu que trois jours plus tard. Il est assez dominant tout en étant sociable. Mais là, il était traumatisé, on ne pouvait pas l’approcher. Sergent était sous le choc. Il a fallu quatre jours avant qu’il s’en remette. En tout, le traumatisme a donc duré une semaine", raconte-t-il.


"Dans les aires protégées ou dans les grands marais, tous les oiseaux s’envolent"

Les animaux de particuliers ne sont pas les seuls à subir les flashs et le bruit des feux d’artifices. Partout autour de nous, en ville ou à la campagne, des milliers d’oiseaux en liberté subissent aussi le choc du Nouvel An.

Corentin Rousseau, directeur de la Ligue Royale belge pour les Oiseaux, souligne l’importance de ce phénomène peu connu. "Les feux d’artifice et pétards ont un impact fort sur les oiseaux. Peu de gens s’en rendent compte car de nuit, on ne les voit pas s’envoler. Pourtant, même dans les aires protégées ou dans les grands marais, tous les oiseaux s’envolent."


Des données radars éloquentes

Les oiseaux s’envolent... Et après ? Ils sont en liberté, alors pourquoi leur déplacement à quelques kilomètres serait un souci ? "Le problème est qu’ils sont stressés et qu’ils volent de nuit alors que beaucoup sont des animaux diurnes. Ils se déplacent parfois à des dizaines de kilomètres et ont du mal à se poser pour trouver des lieux adaptés pour eux", explique le directeur de la Ligue. "S’ils se posent en prairie par exemple, ils risquent de se trouver face à de nombreux prédateurs."

Ces dernières années, l’Institut Royal Météorologique a fourni des données éloquentes sur ce phénomène. Des images radars donnent à voir l’envol massif des oiseaux durant lors des feux d’artifices de l’an neuf. "On observe que le ciel est comblé d’oiseaux. A 23h58, on voit qu’ils s’envolent tous", remarque Corentin Rousseau de la Ligue Royale belge pour les oiseaux.


A gauche, l'image 24 minutes avant minuit et à droite, 6 minutes après minuit.

A notre demande, l'IRM a généré deux animations basées sur les données du radar de Zaventem. La première montre les effets des feux d'artifices 2014/2015 et la deuxième montre les effets cette année. Une fois encore, l'impact des lumières et des bruits est clairement visible. (Attention, il est possible que ces cartes animées ne soient pas visibles sur les smartphones et tablettes)

Ici, on peut voir une zone de précipitations qui traverse la Belgique d'ouest en est", nous explique Maarten Reyniers de l'Institut Royal Météorologique. "Les perturbations causées par les oiseaux sont visibles, mais elles sont mélangées aux signaux renvoyés par la pluie".



L'idée des "feux d'artifices silencieux" titille

Pour Corentin Rousseau, la solution la plus envisageable serait de prôner l’utilisation de "feux d’artifices silencieux". "Cela limiterait le bruit et aurait certainement un impact positif."

L’idée titille aussi, Michel Vandenbosch. Réaliste, il ne milite pas pour l’interdiction des feux d’artifices lors de grands rassemblements. "On aime trouver des solutions. Beaucoup de personnes dont nous avons reçu des plaintes suggèrent l’utilisation de feux d’artifice silencieux. J’aimerais que l’idée soit explorée."

 
Envisageable lors du Nouvel An à Bruxelles?

Mais qu’entend-on par "Feux d’artifices silencieux"? Cette idée est-elle envisageable pour un événement comme le feu d’artifice de Nouvel An tiré dans le centre de Bruxelles ?

Nous avons contacté Georges Halein, maitre artificier annuellement en charge du feu d’artifice du 21 juillet et de la nouvelle année. Celui-ci a coupé court à toute discussion. "Non, ce n’est pas possible", a-t-il répondu, catégorique. "Les feux d’artifice silencieux, ça n’existe pas."

Perplexes, nous avons voulu entendre un autre son de cloche. Avec plus de patience, fort d’une expérience d’une dizaine d’années dans le domaine, Grégory Martini a bien voulu répondre à nos questions. 


 "Au départ, il y a toujours le "pof" de l’explosion"

"ll faut d’abord voir ce qu’on veut dire sur silencieux... Un feu d’artifice ne peut pas se faire totalement sans bruit, donc "feux d’artifices silencieux" au premier sens du terme, ça ne veut rien dire", nous explique-t-il. "Le départ fait toujours du bruit. L’explosion finale peut être silencieuse mais au départ, il y a toujours le "pof" de l’explosion."

Quant à savoir si cette alternative serait envisageable pour un grand feu d’artifice de Nouvel An, Grégory souligne tout d'abord que cette technique entrainera une grosse déception du public.


"Les gens vont huer le spectacle !"

"Cette sorte de feux d’artifices existe mais n’intéresse pas les importateur ni les vendeurs... Les clients n’en veulent pas !" En effet, Gregory a déjà utilisé cette technique plusieurs fois, mais d’expérience, il sait que l’effet est bien moins impressionnant. "Je ne pense vraiment pas que cela serait adapté à un feu d’artifice de Nouvel An organisé par les autorités. Les gens seraient déçus. J’ai déjà utilisé cela pour un mariage et les gens ne sont pas aussi contents qu’avec un feu d’artifice normal. Ça n’a vraiment pas le même effet qu’avec des bruits ou des crépitements."

Mais les défenseurs de la cause animale seront heureux d’apprendre que techniquement, cette alternative semble envisageable. Mais avant de la faire accepter par tous, le chemin sera sans doute long. "Les gens vont huer le spectacle !", souligne encore Grégory. "Les silencieux ne sont pas le style de feux à utiliser pour un gros événement, on ne va pas faire le show avec ça !"

La perception du public n’est pas le seul obstacle. "Il y a plusieurs critères à prendre en compte car toutes les sortes de silencieux ne sont pas aussi visibles que les feux traditionnels. Pour les feux d’artifices silencieux, on trouve aussi beaucoup moins d’offre."


"Chaque année, les gens râlent de plus en plus"

Malgré tout, le président de Gaia remarque que la question des feux d’artifices est de plus en plus controversée, et il s’en réjouit. Gregory aussi l’a remarqué, mais est loin de sauter au plafond. Il a repris l’affaire de son père et est "né dans le feu d’artifice." En début d’année pourtant, il a décidé de cesser son activité.  

"Chaque année, les gens sont de plus en plus critiques. Ils râlent, que cela soit à cause d’accidents, parce que ça réveille leurs enfants ou parce que ca effrayent leurs chevaux", explique-t-il.

Grégory est lui aussi propriétaire de chevaux et considère que les risques sont quelque-peu exagérés. "Moi-même je possède cinq chevaux. Soyons raisonnables, il ne faut pas faire cela juste à côté mais à 20 mètres au moins du lieu où ils se trouvent, je l’ai fait plusieurs fois", raconte-t-il. "Il faut laisser de la musique assez fort et la lumière allumée. Ca fait pas plus de bruit qu’un orage. Mes chevaux ont d’ailleurs plus peur des orages que des feux d’artifices!"

Grégory regrette donc les mesures et décisions allant dans le sens de l’interdiction des feux d’artifices. "Les autorités sont en train de tout réglementer, les communes deviennent de plus en plus ennuyantes", regrette-t-il. "Tout le monde ne veut plus de feu d’artifice, les particuliers ne peuvent plus tirer de feux chez eux."


"Certains n’ont pas envie de passer l’acte pour raison électorale"

Le président de Gaia, lui, trouve au contraire que les communes prêtes à serrer la vis sont trop peu nombreuses. "Je sais que certains n’ont pas envie de passer l’acte pour raison électorale", remarque-t-il.

Cette année pourtant, quelques communes ont fait le pas de l’interdiction. "A Dilbeek, Tremelo, et dans 16 communes dans la province du Limbourg ils ont interdit les feux par les particuliers. Nous saluons ces décisions. Malheureusement, nous avons reçu des informations comme quoi tous les citoyens ne l’ont pas respectée. Ils se sont dit 'On s’en fout'. Il y a un manque flagrant de sens de devoir et de citoyenneté chez certains."

Une autre solution a été de limiter le temps des feux, qui ont pu être lancés entre 11 et 1 heure du matin par exemple. Là encore, les contraintes n’ont souvent pas été respectées.  "Ca tirait jusque 4 heures du matin ! Je le déplore..."


"Sans sanction, les gens continueront..."

Pour le président de Gaia, une seule solution : sévir.  "A Kortenberg, où le délai était de deux heures, les autorités locales n’ont donné aucune sanctions aux nombreux habitants qui n’ont pas respecté l’interdiction. Sans sanction, les gens continueront..."

Si il ne souhaite pas que la suppression totale des grands événements, il milite donc pour l’interdiction des feux d’artifices organisés par des particuliers et la punition des infractions par des sanctions administratives communales (SAC).

Mais pourquoi ne pas militer pour la mise en place de "feux silencieux" chez les particuliers aussi? Michel Vandenbosch semble convaincu que l’idée ne fonctionnera pas chez les citoyens. "Si on veut absolument continuer à autoriser les feux d’artifices chez les particuliers, on pourrait penser aux feux d’artifices silencieux, mais je crains que cela ne suffise pas. Ils ne vont pas l’entendre de cette oreille-là."


"Il faut passer au niveau supérieur"

Michel Vandenbosch a conscience que ces mesures peuvent apparaitre comme drastiques. Malgré tout, tenant compte des nombreux témoignages recueillis sur son site mais aussi de la réaction des citoyens et des autorités face aux différentes alternatives possible, la seule solution semble l’instauration d’une interdiction totale, amende à la clé.  "Je ne suis pas un fervent défenseur d’interdiction mais je constate que les alternatives ne fonctionnent pas. La prévention ne marche pas donc il faut passer au niveau supérieur."


"Un devoir de citoyen et de respect envers autrui"

Pour lui, c’est un devoir de citoyen et de respect envers autrui. "Soit on se fait plaisir en faisant exploser son argent dans le ciel, soir on devient conscient que le bien-être des animaux passe avant ce petit plaisir. Il faut assumer sa responsabilité en tant que citoyen. Cela a des conséquences mortelles pour les animaux ! C’est un devoir de citoyen et de respect envers autrui. Pour moi, les feux d’artifices lancé par les gens, c’est du gâchis, du brol."

Aujourd’hui, même si les fêtes sont finies, l’association Gaia souhaite enfoncer une dernière fois le clou. "Nous préparons une lettre que nous allons envoyer à toutes les communes et villes en Belgique en début de semaine prochaine. Nos propos seront étayés par les nombreuses informations que nous avons reçues."

Gaia espère que cette fois, plus de communes agiront et feront le pas des interdictions et surtout des sanctions. Reste à savoir si les communes sont prêtes à sévir, et les citoyens à obéir.

À la une

Sélectionné pour vous